Quantique de l’insoumise, 3/7
MIGRATIONS
Froissements au chemin
		des premières feuilles d’automne
Nous avancions
		l’étoile serrée en cœur de poing
La terre tremblait
		de ne pas être femme
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Assises sur la grève
		nous entendîmes s’armer
Lisières arrachées
		au printemps des montagnes
Les présages suspendus
		des octaves du fleuve
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Nous avons remonté le fleuve
Chassé la glaise
		et l’eau verte des brumes
Vidé les heures
		bu aux cendres volées des berges froides
Nos mains jointes brûlaient
		de l’œuvre du cri des lunes 
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Nous avons remonté le fleuve
Dans les soirs escarpés
		de nos chants d’espérance
Par les haut-plateaux
		sous l’ombre des grands cierges
Nous accédions aux soleils
		des hivers blancs du foehn
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Nous avons remonté le fleuve
Arrimé aux épaves
		l’ancre voilée des courants
Fendu les contours
		des processions de nos rêves
La nuit cassée riait
		de nos hanches étouffées sous les feuilles
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Nous avons remonté le fleuve
Une espiègle tristesse
		marellait nos sourires
Versant aux épis
		dévastés de la houle
Nos larmes répondaient
		à l’insolence du hêtre
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Alors que sombraient
		les pavés froids
		de la ville
Miroirs enlisés
		dans le visage
		des foules
Inertie que scellait
		l'approche
		de l’hiver
Dans un mirage
		d’eau claire
		on cria
Terre
		 
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HIVER
Ruisseaux effacés
		chênes enclos de l’automne
Écorces griffées
		en fines plumes de forêt
Larmes concédées
		à l’arbitrage du givre
Sur ce tapis de silence
		la neige attend son heure
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Nous étions cendre
		nous étions sève
Nous étions louves
		au confluent de la meute
Charmilles feutrées
		verrières étourdies de blancheur
Nous sacrifiions nos empreintes
		aux préfaces nacrées des sous-bois
	
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Nous les avons suivis
		nous avons appelé leurs noms
Désensablé leurs fontaines
		taries de s’être égarées
Étreint de nos voix
		leurs langages glacés
Nos manteaux entravaient
		l’affleurement de leurs peines
Ils ne nous ont pas reconnues
	
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Était-ce l’encre
		était-ce la source 
Était-ce le bleu
		de l’esquisse des morts
Nous affrontions seules
		le jugement de la pierre
Branches lancées nues
		aux sentences des brouillards 
	
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Sur les plis de la trace
		nous arrêtions la marche
Nos doigts gourds hésitaient
		dans les restes de fins de jour
Arqués vers l’ombre des branches
		enterrées sous l’hiver
Nous allumions notre feu
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J’assemblais pour elles
		des bracelets de glace
La nuit de nos yeux lourds
		ambrait l’anneau des saisons
Nous fuyions dans le vent des braises
		lianes diaprées sous ce destin de lumière
Et repartions au matin
		l’âme vêtue de nos charmes de verre
Avant que l’hiver ne fonde
	
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Qu’avez-vous su
		de ces lunes
		de ces fleuves
De ces forêts écrites
		de ces torrents
		qu’avez-vous entendu
Rien si ce n’est
		la visite
		de l'écho
Si ce n’est
		l’éraflure
		de  l’éclat
Rien