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Quantique de l’insoumise, 4/7

Nous reprenons pour quatre numéros la publication de la suite poétique d'Etienne Quillet. En priant nos lecteurs et l'auteur de bien vouloir nous pardonner d'avoir donné priorité à l'actualité.

 

 

HIVER


Ruisseaux effacés
chênes enclos de l’automne

Écorces griffées
en fines plumes de forêt

Larmes concédées
à l’arbitrage du givre

Sur ce tapis de silence
la neige attend son heure

 

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Nous étions cendre
nous étions sève

Nous étions louves
au confluent de la meute

Charmilles feutrées
verrières étourdies de blancheur

Nous sacrifiions nos empreintes
aux préfaces nacrées des sous-bois


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Nous les avons suivis
nous avons appelé leurs noms

Désensablé leurs fontaines
taries de s’être égarées

Étreint de nos voix
leurs langages glacés

Nos manteaux entravaient
l’affleurement de leurs peines

Ils ne nous ont pas reconnues


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Était-ce l’encre
était-ce la source 

 

Était-ce le bleu
de l’esquisse des morts

Nous affrontions seules
le jugement de la pierre

Branches lancées nues
aux sentences des brouillards 


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Sur les plis de la trace
nous arrêtions la marche

Nos doigts gourds hésitaient
dans les restes de fins de jour

Arqués vers l’ombre des branches
enterrées sous l’hiver

Nous allumions notre feu

 

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J’assemblais pour elles
des bracelets de glace

La nuit de nos yeux lourds
ambrait l’anneau des saisons

Nous fuyions dans le vent des braises
lianes diaprées sous ce destin de lumière

Et repartions au matin
l’âme vêtue de nos charmes de verre

Avant que l’hiver ne fonde

 

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Qu’avez-vous su
de ces lunes
de ces fleuves

De ces forêts écrites
de ces torrents
qu’avez-vous entendu

Rien si ce n’est
la visite
de l'écho

Si ce n’est
l’éraflure
de  l’éclat

Rien

 

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TEMPÊTE


 

Comment pouvions-nous voir
dans le chant de l’alouette

Dans le versant des tilleuls
dans l’invitation des plaines

Dans le pacte secret des abeilles
comment pouvions-nous croire

Que se chargeaient au loin
les crues sauvages du lierre

 

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Ses filles impatientes
encerclaient la vallée

Le ciel dispersait
les pluies noires du sursis

Nous l’aperçûmes enfin
dans la réflexion de l’alliage

Elle lançait depuis l’aube
des sillons affamés de désert


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Elle était masque          
elle était pesanteur

Elle était arche
sous le sable des terres

Elle était colline
dans le cri des loups

Elle était tempête
elle dansait sa violence

 

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Assoiffée de matière
déchirée de nuages

Accusant l’horizon
de l’avoir soudain fait chair

Elle enseignait aux êtres
la dissidence du vide

 

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Nous avons laissé aux courants
nos charges de lumière

Tournant en grappes déliées
dans le cadran des roches

Nous invoquions l’aigle
aux serres fermées du jour

 

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La tempête au dehors
emportait nos alliées

Prostrées sous une vire amie
à l’ombre des disparues

Nous attendions le silence

 

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La route était lourde
jonchée d’arbres couchés

Morts et avec eux
nos sœurs

Comme une soie
brumeuse

De tristesse


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