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Quantique de l’insoumise, 6/7

 

DÉSERT


À leurs visages
à leurs voix révoquées

À leurs mains vides
à leurs corps évadés

Qu’opposer
que répondre qu’élever

Sinon l’étoile
acharnée de la marche

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Nous n’avons pas vu
sous la menace des saules

Dans le repli des fougères
ni même aux jonctions

Des terres ocres et brunes
qu'au premier olivier

Qu’à la première dune
nous nous enfoncions dans le désert

D’autres sont parties
vingt peut-être trente

Elles ont laissé vides
leurs foulards leurs tentes

Leurs habits nus
alignés sous l’auvent

Nous ne les avons pas suivies
nous ne les avons pas cherchées

Le mouvement des sables
recouvrait leur trace

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Combien étions-nous
solitudes brûlées

Peintures sèches
racines orpaillées de soif

Étendues dans l’ombre
des cartes oubliées

Nous l’appelions
nous l’appelions encore

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La main chaude
de l’absence

M’appela au rebord
des plaintes des falaises

J’ai jeté au vent
les carnets de la marche

Sans la nommer

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On l’ouvrait pour sentir
le bruit de la nuit

On lui volait
son silence

Elle le reprit
et finit d’exister

Tout ce temps passé
à ne regarder que l’aube

Temps d’érosions sourdes
et de colères entredites

Orages adossés à nos
arbres éventrés de prières

Nous nous retrouverons
au banc des insoumises

Dans le refrain des mers
à l’avenir du monde

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MER


Des mois entiers de marche
à dissiper le printemps

Les campagnes fleurissaient
du marais de nos deuils

Nous nous arrêterons disions-nous
nous nous arrêterons

Aux dernières pierres
du dernier sommet

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La vallée disparaissait
dans les nuages en contrebas

Il ne resta bientôt à gravir
qu’une roche humide et grise

L’air se chargeait d’embruns
ceux pensions-nous

Des soirs de renoncement

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Au sommet  
l’horizon

Et dans nos gorges
et dans nos larmes

La mer le bleu
le bleu immense

Nous détachâmes nos cheveux

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Elle pardonna l’hiver
elle pardonna les morts

Leurs noms solitaires
abîmés de néant

Elle pardonna la colère
étouffée de nos pleurs

L’écume sur ses mains
formait un banc de cyprès

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La mer prit nos corps
jusqu'au soir

L’été flottait
dans nos têtes

Nous l’accrochions
pour goûter

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Ici l’eau s’arrête
lorsque les pierres crient

Elles claquent dans
un lit d’orage

Pour ces jours d’avant
qu’on ne reverra plus

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L’as-tu jamais entendue
la voix de cette mer qui danse

L’as-tu jamais écoutée
sous mes mains de corail

Sur ce corps salé sur ce nu
que j’arrache aux grands fonds

Il faudrait s’asseoir là seuls
pendant que le mauvais bruit s’éloigne

Cette marée que l’on connait
n’est pas ce que tu crois

Le rivage s’habille
d’une nouvelle couleur

À chaque lever de mer

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