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Quatrains

 

Le vagin est pareil à un puits amarante
Où tu trouves abri et repos.
Si tu y verses neuf gouttes de mercure,
Au bout de neuf mois il t’offre une lune pleine.

*

Ma poitrine étroite, tant de peine l’agrandit.
La couleur de la rose est l’esclave de ta face.
Les larmes versées par mes yeux chaque nuit
Font tourner les pierres des moulins, non la pierre de ton cœur.

*

Ton obligeance change la douleur en joie.
Sous ton regard la vie devient éternité.
Si le vent soufflait jusqu’en enfer la poussière de tes pas
Le feu tout entier serait une eau vivifiante.

*

Avant-hier les tulipes ont incendié Nishâpur.
Hier, à Marv, les nénuphars blancs ont redressé la tête.
Aujourd’hui la brise à commencé à nourrir les roses d’Herat.
Demain à Balkh la terre sera un tapis de narcisses.

*

Le sort a voulu que je le trouve enfin, la nuit venue.
J’ai baisé cent fois sa bouche plus douce que les dattes.
Il voulait m’insulter mais sur ses lèvres
Les miennes ont plus vite brisé l’injure.

*

Au chirurgien juif, ce mécréant antipathique et balourd
Dont le bistouri a une pointe très fine, j’ai dit :
« Que l’entaille dans ma chair soit aussi étroite que mon vagin ! »
Hélas ! ses incisions sont aussi larges que le trou du cul de sa femme !

*

D’une main nous tenons le livre, de l’autre la coupe.
Nous sommes tantôt proches du licite, tantôt de l’interdit.
Au-dessus de nous la coupole du ciel n’est ni mûre ni acerbe.
Nous ne sommes ni de purs athées, ni de vrais croyants.

 

 

Adapté du persan par Jean-Baptiste Para

 

Rédacteur en chef de la revue Europe, Jean-Baptiste Para est poète, critique d’art et traducteur. Il a reçu le prix Apollinaire pour La Faim des ombres (Obsidiane, 2006).