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Quelques poèmes pour saluer l’envol de Jacques Kober (1921–2015)

 

Sur la motte la plus basse, un Bouvreuil… sa gorge a la couleur de la lune d’avril. Il était pour partir quand je suis arrivé. » (René Char)

 

 

 

Hier au soir
L’air dans la nuit coupante
Et un tombereau d’étoiles
Qui traversent le ciel
Etoiles froides et brillantes
Comme la mort

 

La braise sous la cendre
Restée ardente tout un jour
Symbole de renaissance
Comme les boules des pamplemousses
Dans le feuillage ciré
Au fond du jardin



Nous passions et repassions
Devant la mer très bleue
Le Beau Rivage
Le paysage vraiment idéal de la Promenade des Anges
Rien de laid ni d’angle (s) dans cette promenade
Et je mordais mes lèvres
De ne pouvoir descendre sur la grève mouillée
Cueillir un dernier hommage
Pour la momie de glace en allée
Que tu avais pris pour dernier visage

Il y aura hommage de mouettes et d’écume pour lui
Toute cette semaine

J’aurais voulu un galet odorant
Un galet mouillé de la mer
A l’odeur d’oursin et d’iode
Une pierre lourde et ronde
Un œuf qui te parle de
La naissance de la mer

J’ai intériorisé la loi
Jeter un galet joli du Cap F…
Arrondi comme une tortue bleue à points blancs
Au fond du caveau familial
Cela résonne – coup sur la grosse caisse de la mort
Un lest pour le corps léger du pauvre défunt
Un coup de gong qui n’ouvrait rien
Pour qu’il tienne mieux dans le grand froid qui l’emporte
(Les Grecs mettaient de petits cailloux sur les morts)
Un galet de mer
Pardon s’il ne venait pas directement de la mer
Mais t’y ramène – avec une ficelle roulée autour et une minuscule lettre
Où je disais : « voilà pour toi la mer aimée »
« Ton fils qui t’aime » etc.
Quelques mots sans art
J’aurais voulu qu’ils viennent directement de la mer
J’ai intériorisé cette loi
Fallait-il demander la permission de le faire ?
Prendre la rose publique – rose rose, rose jaune, rose bleue
La rose tendue… et perdue
Le trou profond dans la terre grasse
Un homme l’a creusé de sa fatigue
On voit le vernis du bois qui brille
Trop rapidement jetés sur la boîte
Les narcisses blancs l’odeur violente
Le parfum sauvage de ces fleurs entre-t-il dans tes narines gelées
Père aimé qui faisait semblant de ne pas aimer
Ou de trop aimer ?
C’est ton jardin
Cette odeur
Je jette rageusement les branchettes d’olivier
Les nuages du mimosa reliés par des fils invisibles
Sur le bois dans le trou sur la terre
J’ai intériorisé cette loi
Je connais le poids d’une vie
Le parfum des fleurs du printemps précoce de janvier
Il remonte comme l’odeur d’éternité de ta vie détruite
De père aimé qui jouait à ne pas aimer

Quelques jours après
Il y avait des méduses dans la mer
Des petites méduses mauves ou blanches
Qui voltigeaient entre deux eaux
Comme des âmes gelées


Nous avons revêtu nos combinaisons bleues pour ramoner la mer prodigue. Celle-ci se laissait fendre comme une lèvre de glace. Et nous avancions loin dans cette entaille aussitôt refermée derrière nous. C'aurait été presque beau de mourir entre les bras de cette amante froide. Mais à chaque jour suffit son poète. A chaque jour suffit sa peine. La mort est un travail lent et minutieux. Alors, nous sommes revenus vers les rayons juteux du soleil. Le sang s’est remis à couler rouge dans nos veines, le vin dans les gobelets. Et l’épiderme de la peau d’une baigneuse clignotait en dents de morse le mot « espérance » en plusieurs langues. Mais nous n’en savions aucune.

Mes chers amis
Ce sera une joie de revenir
Du monde souterrain où mon père est retenu
Comme un plongeur au fond de l’abîme.
L’expérience sera celle du poisson frôlant la mort
Avant de rejaillir dans le soleil et dans la mer

 

 

Jacques Kober (1921-2015) est né dans une famille alsacienne, passée en France, en 1914, puis installée sur la Côte d’Azur, en 1932. Encore étudiant en licence de lettres à Aix, il découvre La Petite anthologie du surréalisme de Georges Hugnet, puis fait la rencontre d’Aimé Maeght en 1944. Il sera médaillé réfractaire du S.T.O allemand. Maeght le chargera de publier la revue « Pierre à feu » et d’animer la collection « Derrière le miroir ». Organisateur pour la galerie Maeght de l’exposition « Le Surréalisme en 1947 », éditeur d’Aimé Césaire, Paul Eluard, Guillevic, Saint-Just aux Editions Réclame (Nanterre) dont il fut le fondateur en 1949. C’est un poète proche de l’esprit surréaliste. Actif un temps dans le surréalisme révolutionnaire, militant communiste de 1948 à 1956, puis gaulliste, grand admirateur de Paul Eluard, André Breton et René Char, ami entre autres de peintres comme Bram Van Velde, ou de poètes comme Yves Martin, Il redémarre une carrière poétique à la fin des années 70, puis à partir des années 80 publie de nombreux recueils aux éditions Saint-Germain-des-Prés, chez Guy Chambelland ou Maeght… Il est décédé lundi 19 Janvier 2015 dans la matinée.

 

Bibliographie (sélection)

·  André Breton persiste, cahier collectif, dossier sous la direction de Jacques Kober, revue remue-méninges, imprimé en Belgique, 2011

·  ·  Etude sur Gilbert Rigaud, dans Diérèse n°54, 2011

·  La Tunique, l'Amourier, 2011

·  Bram Van Velde et ses loups, monographie, 9 lettres inédites, 2e édition, la Bartavelle, 2010

·  Photo de classe de Maternelle, poème inédit en cinq strophes, accompagné de deux gravures polychromie-relief originales et inédites, plein format de Henri Baviera, sous couverture réalisée à la main, aquarellée, edition arte-libris peycervier, 2009

·  Le purgatoire des étoiles, Musée d'Art Moderne et contemporain de Cordes-sur-Ciel, 2008

·  Travaux manuscrits aux éd.Le Livre Pauvre (Prieuré St Cosme) avec 7 artistes: A. Bongrand, M-Cl. Bugeaud, J-M Fage, A. Frédéric, J. Leroux, F. Nalbandian et Y. Strega (2003 à 2007)

·  Monographie sur le peintre Jean-Marie Fage, 83 reproductions couleur, Ed Fage, Lyon, 2007

·  L'inusable des lèvres, poème, Editions Maght, 2007

·  Impressions du Hoggar, 4 gravures en couleurs par Henri Baviera, Ed. Musée d'art contemporain de Cordes sur Ciel, 2007

·  Le Créole des dieux, dossier par Jean-Michel Robert, Ed. Revue Décharge, tiré à part, 2006

·  Un temps fustigé par la mer, éditions Maeght, bilingue français/italien, avec 9 lithos originales de Valerio Adami,2006

·  L'aubier de la rose (Matisse du mot au dessin), éditions RMN, 2004, disponible dans tous les musées nationaux.

·  L'anniversaire de la lune, éditions Le livre pauvre, 2003

·  Connemara black Préface de Daniel Leuwers éd. Rafael de Surtis, 2003. édition bilingue française/anglaise

Bibliographie (dernières publications)

·  André Breton persiste, cahier collectif, dossier sous la direction de Jacques Kober, revue remue-méninges, imprimé en Belgique, 2011

·  Etude sur Gilbert Rigaud, dans Diérèse n°54, 2011

·  La Tunique, l'Amourier, 2011

·  Bram Van Velde et ses loups, monographie, 9 lettres inédites, 2e édition, la Bartavelle, 2010

·  Photo de classe de Maternelle, poème inédit en cinq strophes, accompagné de deux gravures polychromie-relief originales et inédites, plein format de Henri Baviera, sous couverture réalisée à la main, aquarellée, edition arte-libris peycervier, 2009

·  Le purgatoire des étoiles, Musée d'Art Moderne et contemporain de Cordes-sur-Ciel, 2008

·  L'inusable des lèvres Maeght editeur (2007)

·  Travaux manuscrits aux éd.Le Livre Pauvre (Prieuré St Cosme) avec 7 artistes: A. Bongrand, M-Cl. Bugeaud, J-M Fage, A. Frédéric, J. Leroux, F. Nalbandian et Y. Strega (2003 à 2007)

·  Monographie sur le peintre Jean-Marie Fage, 83 reproductions couleur, Ed Fage, Lyon, 2007

·  L'inusable des lèvres, poème, Editions Maght, 2007

·  Impressions du Hoggar, 4 gravures en couleurs par Henri Baviera, Ed. Musée d'art contemporain de Cordes sur Ciel, 2007

·  Le Créole des dieux, dossier par Jean-Michel Robert, Ed. Revue Décharge, tiré à part, 2006

·  Un temps fustigé par la mer, éditions Maeght, bilingue français/italien, avec 9 lithos originales de Valerio Adami,2006

·  L'aubier de la rose (Matisse du mot au dessin), éditions RMN, 2004, disponible dans tous les musées nationaux.

·  L'anniversaire de la lune, éditions Le livre pauvre, 2003

·  Connemara black (à propos d'Irlande et de Guinness) Préface de Daniel Leuwers éd. Rafael de Surtis, 2003. édition bilingue française/anglaise

·  Recettes vénitiennes avec 10 lithographies de Raymond Mason) Maeght éditeur, 2002.

·  L'eau de Venise aux clapots d'alchimie, éd. Matarasso, 2002.

·  Changer d'éternité, éd. Rafael de Surtis, 2001. En Inde.

·  Boccata d'ossigeno , éd. de la revue NU(e), illustrée par Gérard Serée, 1999.

·  Jasmin tu es matelot, éd. Rafael de Surtis, 1998.

·  La disparition Fellini, éd. Rafael de Surtis, 1997.

·  Les mains éblouies (la peinture du demi-siècle), litho originale d'André Marchand, Préface de Xavier Girard, 6 lettres inédites de Matisse, 50 documents d'époque 1945-1950, éditions Giletta, Nice, 1996.

·  Un pigment d'horizon, anthologie de poèmes sur quarante ans, études, photos, témoignages... éditions La Bartavelle, 1993.