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Rachid Moumni

Poésie-Peinture 
L’Essence Intangible 
présentation  Nasser-Edine Boucheqif

 

 (…)Le caractère inattendu de cette œuvre poétique et picturale a quelque chose de « déplacé » au sens où elle privilégie le déplacement sous toutes ses formes et invite le lecteur hors des sentiers battus à venir explorer des territoires géographiques qui se caractérisent par une étonnante étrangeté où la peinture tente le pari risqué d’une narration poétique et picturale singulière, qui ré-enchante et donne d’abord un plaisir inouï à celui qui regarde, qui lit.(…)

Ici on passe de la lumière à l’obscurité, du noir au blanc, du poème à la peinture où l’un cède la place à l’autre, le tout dans un fondu enchaîné qui fertilise le delta de la surface et forme un tout homogène, un ensemble cohérent et sans hiérarchie.

En effet, réconcilier peinture abstraite à l’encre noire et poème calligraphié dans le même espace tout en gardant intact un équilibre entre les diverses formes d’expression, n’est pas chose aisée.

( …)Poésie et peinture convergent, se renforcent, affirment l’excellence de leurs traits, de leurs significations et répandent leurs clartés. Leurs éclats de lumière, leurs gris nés d’un rapport frontal entre le noir et le blanc, s’invitent et forment une troisième dimension qui ne se sépare ni ne s’encombre d’aucun intermédiaire.(…) C’est sans doute une manière pour Rachid Moumni de revenir aux origines de l’ombre, de la lumière et de la parole, afin d’en maîtriser les différents états, leurs contrastes, leurs nuances, leurs substances…, ces instants de plénitude de la création totale qui nourrit en même temps qu’elle dévore. (…)Voici donc le poème qui s’écrit aussi sur la roche, sur le sable, sur les ruines du monde. Il est une trace indélébile dans l’espace de l’âme, il est cette densité allégorique épargnée de la pédagogie formelle et des épigraphies décoratives qui parfois jouent sur les ambiguïtés du langage et de l'image sans aucune profondeur, sans le « un coup porté au monde par-dedans » V. N. (…) Dans ce jeu de miroirs entre peinture et poésie, la sobriété est de mise chez Rachid Moumni et l’encre noire lui suffit à faire naître des aurores boréales, de l’asphalte, des bolides étincelants, cette lumière qui crève l’œil, raye la page blanche, scelle des paroles tues.

Le noir et le blanc s’enchevêtrent, deviennent carrières de neige, déserts de glace qui enferment des parfums inconnus, paysages -qui griffent la rétine- peuplés d’ombres faites de mortier gris où l’on ne sait plus qui est sable et qui est écho, qui est peinture et qui est poème. L’un ouvrant une fenêtre de vie à la vie de l’autre, à une transsubstantiation de la cruauté mortelle en beauté poétique.

Le poète de l’absolu dans l’absolue solitude contemplant passionnément le Drame de l’Univers se voit alors investi d’une mission où la création traverse des sentiers souterrains, ce point culminant de l’inspiration, du don, de l’offrande.(…)Peu importe qui précède l’autre, le poète ou le peintre. L’important ici est que l’auteur aie réussi à conserver intacte à la fois sa sensibilité de poète et de peintre et à garder à l’esprit le mérite de l’une et de l’autre.(…)

Extrait de préface N-E.B