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Regards sur la poésie française contemporaine des profondeurs (6) Pascal Boulanger

 

Pascal Boulanger naît dans la banlieue rouge, en 1957. Sous l'influence du communisme ambiant, il fréquente, tout jeune homme, la pensée marxiste et ses continuateurs. Assoiffé par le questionnement intellectuel, littéraire, politique, philosophique, c'est dans les livres qu'il trouve réponse à ses questions. Cette confrontation à la pensée de l'autre, à la pensée des autres, va lui ouvrir son propre chemin, qu'il faut alors très justement appeler chemin initiatique. Cela le mènera à ressentir, grâce à la confrontation avec les grands écrits spirituels, le besoin d'une conversion. Il devient donc catholique en 1978.
 
Son oeuvre poétique s'en trouve ainsi imprégnée dès la publication, en 1991 de son premier ouvrage, Septembre, déjà. De livre en livre - Martingale, Le Bel aujourd'hui, Tacite, Le corps certain, L'émotion l'émeute, Les jongleurs, Fusées et paperoles, Le lierre la foudre, Au commencement des douleurs, la foi de Pascal Boulanger va agir sur la parole, non pas en tant que ravi de la crèche, mais en tant que recentrement de l'homme actuel sur les fondations qui furent à l'origine de son émergence européenne. Le poème n'est pas un motif décoratif, et la foi n'est en rien selon lui un art Saint-Sulpicien. Le poète est ancré dans la réalité et peut agir sur cette réalité par sa participation au travail du Verbe.

Aussi y aurait-il contresens à considérer la poésie de Pascal Boulanger comme étant celle d'un poète chrétien. Il est poète, oui, et catholique, mais son oeuvre n'a rien à voir avec celle d'un Claudel, d'un Péguy ou d'un La Tour du Pin que l'on a l'habitude de réduire à cette case confessionnelle. Le christianisme de Pascal Boulanger, parce qu'il est d'essence poétique lui-même, se déploie dans son oeuvre en tant que ferment poétique propre à nourrir et à enrichir sa parole.

Cette parole, à l'enracinement de haute mémoire, interroge l'homme contemporain avec ses écueils, sa sauvagerie et son nihilisme. Marqué par la poésie de Marcelin Pleynet, nourri par le travail de Tel Quel, c'est essentiellement la pensée pionnière de René Girard, avec sa théorie du bouc émissaire, qu'il prolonge par ses vers et sa prose. Pascal Boulanger s'enfonce dans l'être d'aujourd'hui, dresse devant ses yeux un miroir sans concession, et c'est sans concession envers lui-même, ne courant aucune reconnaissance, qu'il s'acquitte de sa mission de dire sa vérité au monde actuel. Approfondissant, quelles qu'en soit les conséquences et les exclusions qui le menacent, sa démarche de vérité, il creuse ainsi sa vision historiale et propose une autre parole, à partir de laquelle il va falloir compter.

Marchant sur le fil vertical tendu entre les ombres de la terre et les ciels d'azur, sa nuit, solaire, fait de sa voix un poète des profondeurs.