1

Regards sur la poésie française contemporaine des profondeurs (7) Jean-Pierre Boulic

Jean-Pierre Boulic, un chemin de poésie

 

Le parcours du poète finistérien est aujourd’hui marqué par une bonne vingtaine de recueils. Comme le disait Sulivan, c’est d’un seuil, ou en marge, qu’il essaie de saisir à la fois le commencement et, s’il est possible, la fin des choses. Peut-être d’une profonde terre lointaine, mais aussi au commencement de la mer…Sans oublier qu’il demeure, avec sa propre sensibilité, à l’école des Charles d’Orléans, Verlaine, Péguy, Marie Noël, Anne Perrier, La Tour du Pin, Bernanos, Cadou, Le Quintrec, Lemaire, Baudry ou encore Bocholier.

Au long de son chemin, à la naissance du poème, des images, des couleurs. Elles émanent le plus souvent des rivages de la Mer d’Iroise, des îles du Ponant, ou des passages de l’Écriture. Elles se recueillent dans le creuset de l’émotion – de l’émotion contenue. De surcroît, elles lui donnent la sensation que la Création n’est ni vide ni obscurité, mais qu’elle procède en réalité d’une parole d’illumination et de joie.

Il suggère de son émerveillement de vivre, ce qui fait vivre en vérité, dans un contexte où la modernité n’a pas tout résolu, où le sujet reste l’importance du phénomène humain au cœur de l’univers, pour reprendre un tant soit peu la pensée de Teilhard de Chardin. Si l’homme est d’abord une interrogation, il demeure confronté à sa recherche de sens, de vérité, de beauté et de plénitude, dans des relations à inventer en permanence. La nécessité d’un vivre ensemble, d’un bien vivre ensemble, apparaît incontournable.

Sur le ton de la confidence, Jean-Pierre Boulic écrit alors sans trouble des mots qui filent avec le silence. Pour lui, le poème renvoie, comme certains l’ont déjà dit, à un au-delà du langage courant, montrant ce qu’il ne dit pas, témoignant de ce qui dépasse la réalité lorsque celle-ci est sertie en son cœur. Il déchiffre la parole de l’âme, fruit de l’expérience de son cœur à cœur avec l’univers, en prenant le risque de mettre en genèse une expérience intime amarrée au monde…

Si sa langue a cette capacité de se constituer en poésie, c’est qu’elle cherche à se délier des interférences avec la raison raisonnante des sciences ou de la philosophie moderne. Sous une impulsion libératrice, elle conçoit en des moments décisifs, ce qu’elle veut dire de sa véritable appartenance originelle, traduction de son existence quotidienne. C’est le point focal où naît l’inouï qu’il donne en partage – et qu’il pense indestructible. Hölderlin affirmait que les poètes seuls fondent ce qui demeure.