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Regards sur les poésies contemporaines d’Afrique noire (2)

           

Jacques Fame Ndongo, poète des lumières de l’Afritude

                                                         

par Raymond Mbassi Atéba et Martin Paul  Ango Medjo

 

 

 Fiat lux ! Que la lumière[1] soit. Lumière, de son ancêtre latin lux, est l’unité d’éclairage qui exprime la sensation qu’on éprouve devant une surface éclairée par une source lumineuse. Jacques Fame Ndongo s’est interrogé sur ce qu’est la lumière et son rôle dans la crypto-communication. L’auteur d’Espace de lumière (2000) explique :

« Qu’une infinité de lumières existe. Mais nous ne pouvons appréhender, grâce à nos sens, que ce que l’on appelle, prosaïquement, la « lumière visible » longueur d’onde comprise entre 0,4 et 0,8 micromètre : (10-6m) 145. Ne soyons donc pas surpris d’apprendre qu’il y a des lumières que nous ne voyons pas. Tout est question de fréquence et de longueur d’onde, c’est-à-dire de vibrations, tant au niveau de la matière (corps dense) que de l’immatériel (corps luminescent). Le merveilleux temps des phonons et des photons »,

 

          L’esthétique romanesque de Mongo Beti (1985), Le Prince et le Scribe (1985), Paul Biya ou l’incarnation de la rigueur(1985), Nnanga kon (1988), La communication par les signaux en milieu rural. Le cas du Cameroun (1991), Un regard africain sur la communication. À la découverte de la géométrie circulaire(1996), Espaces de lumière (2000), Le Temps des titans (2002), Médias et enjeux des pouvoirs. Essai sur le vouloir-faire, le savoir-faire et le pouvoir-faire(2006), Le Merveilleux champ des phonons et des photons (2007), Ils ont mangé mon fils (2007), L’A-fric (2008). Chef traditionnel, homme politique, écrivain, essayiste, poète, journaliste, crypto-communicologue, sémioticien, enseignant, chercheur, Chef de département, Directeur, Recteur, Ministre. Autant de destinations que le souffle de l’âme de Jacques Fame Ndongo emprunte pour s’incruster dans les cœurs et les souvenirs. Pour tenter de restituer, très brièvement, l’étymon au sens de source vivifiante de cette lumière qui jaillit de la galaxie tracé par  la plume flamboyante de cet esprit hors pair, il importe de préciser d’emblé que l’heureux attrait de l’éclatante figure de la poésie de Jacques Fame Ndongo s’incarne justement  dans l’un de ses personnages majeurs, Jean et au sujet duquel Andréas affirme : Jean sera la lumière de notre village ![2]

Espaces de lumière apparaît donc comme cette intelligence, comme cette lanterne émise par l’âme rayonnante d’un artiste[3]. Car, comme l’explique Patrick Drout, il existe sept étapes de la conscience humaine. Le niveau 7, les niveaux de conscience14, 21, 28, 35, 42,49. Le niveau de conscience 42,  écrit-il, est le plan cosmique: lumières qui brillent, niveau de fréquences intelligentes, lumière de la création. Champ de l’énergie relativiste. (Le merveilleux temps des phonons et des photons, p.168.)

 Dans sa poésie, Jacques Fame Ndongo fait valoir une force vitale, une énergie transmise et qui fait vibrer des ondes lumineuses selon une fréquence susceptible d’être captée par tous. Il précise :

Il s’agit de corps luminescents(ou « corps de lumière » selon la terminologie du physicien français Patrick Drout) constitués de photons (plus petites particules de lumière chargées d’énergie mais ayant une masse au repos nulle), et pouvant capter des phonons (quantum d’énergie acoustique analogue pour les ondes électromagnétique) émis selon une fréquence précise.[4]

 

                En parcourant les chemins de son inspiration, Jacques Fame Ndongo inscrit, avec soins, la poésie francophone moderne dans l’esprit des lecteurs.   Entouré d’un halo de magie où les vers évoluent comme dans des lieux secrets en pleine forêt dense, son vers sent le souffle de l’Afrique avec ses héros, ses histoires, ses  croyances et ses traditions.

             Dans ses poèmes, Jacques Fame Ndongo s’emploie à mobiliser minutieusement des histoires qui illuminent un monde qu’il connaît bien, lui jusqu’à qui les muses font grâce de descendre leur verbe. Le lecteur y retrouve de nombreuses allusions, tellement le poète est proche d’un historien au sens justement de histôr, témoin, celui qui sait parce qu’il a vu ou vécu. Ce qu’on ne peut nier, c’est que l’auteur de Le merveilleux champs des phonons et des Photons donne le témoignage d’un aède affilié à la magie de la crypto-communication dont il a une maîtrise parfaite. Sa poésie se tresse sur de nombreux thèmes qui estampillent sa plume d’un style original où coule une parole si immaculée et si saine et où on y découvre le charme d’un grand génie au sens de genius, être aguerri d’une aptitude extraordinaire à créer des choses d’une qualité exceptionnelle.

         Dans la mobilité de son imaginaire, Jacques Fame Ndongo incarne la voix envoûtante de l’enchanteur des lettres et de la danse des mots dont l’action souvent invisible séduit. C’est bien ce qui fait dans son lyrisme ce que Cicéron appelait uenustas, la séduction. Une poésie  d’une architecture riche, d’un travail poétique bien orchestré et qui apparaît finalement comme un édifice monumental digne d’un grand ouvrier d’expression poétique. Comme l’aède  homérique qui n’écrit pas et ne pense pas fabriquer non plus, Jacques Fame Ndongo a reçu la parole des Muses de la forêt qui lui ont insufflé le chant poétique africain.

           Sur les pentes de l’hélicon, les déesses semblent s’adresser au poète, à l’auteur de Le temps des Titans (autre recueil de poèmes publié par les Presses Universitaires de Yaoundé en 2002), pour faire de lui l’un de leur porte parole. Rencontrant les Muses de nuit, comme Hésiode, il ne reçoit pas le sceptre de laurier comme lui, mais une plume, emblème de sa vocation diurne. Dans Espaces de lumière Jacques Fame Ndongo réussit ainsi à faire triompher avec une telle souveraineté, le pouvoir magique de l’écriture. C’est la marque distinctive de sa subjectivité et le signe conscient d’une exhibition séductrice, d’une coquetterie au sens d’ornatus, une écriture qui se voit comme emblème de poésie où l’esthétique est intimement gouvernée par l’éthique. Espaces de lumière, sous ses aspects dynamiques, annonce l’expression artistique d’aujourd’hui et de demain. Expression par laquelle l’humanité échappe à l’obscurantisme.

 

 


[1]  op.cit., p.144.

 

 

[4] Jacques Fame Ndongo, Le merveilleux temps des phonons et des photons, Essais sur les fondements scientifiques de  la communication africaine, op.cit., p.79.