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Revue des revues de Christophe Dauphin

EMPREINTES n°19. 48 pages. 8 € le numéro. Abt (4 n°) : 30 €. Rédaction : 102, Boulevard de la Villette, 75019 Paris.

 

            L’Usine est une association qui, sous la houlette de Claude Brabant, existe depuis 1979, avec pour objectif de faire découvrir des artistes contemporains, peintres, dessinateurs, sculpteurs, graveurs, photographes, en organisant des expositions de leurs œuvres, en publiant des livres d’artiste (Swen, François Lauvin, Anne Van Der Linden, Claude Brabant, Philippe Lemaire…) et la revue trimestrielle Empreintes, qui est une revue d’art et de littérature accordant autant de place à l’image qu’à l’écrit. Empreintes s’est donnée comme objectif essentiel de faire des découvertes et publie des textes inédits d’écrivains contemporains (poésie et prose). Dans le cousinage, tantôt de l’art brut, tantôt du surréalisme ou autres, Empreintes fuit vraiment ce qui est dans le vent et porte un regard non-conformiste sur la création de notre temps, sans pour autant s’enfermer dans un thème ou dans une spécialité. Empreintes se réjouit d’être hétéroclite et imprévue pour que le lecteur ne sache jamais d’avance ce qu’il va y trouver, comme dans une pochette-surprise. En fait, Empreintes est une revue d’humeur, sans ligne de conduite ni limites de genre. Empreintes revendique même la liberté de pouvoir être pornographique et provocante quand cela lui convient ; ainsi avec le fameux land art du déjà mythique peintre Nato (voir Empreintes n°8 et 12). Ce n°19 n’échappe aux règles d’ouverture et d’originalité qui caractérisent la revue depuis ses débuts. 48 pages au format 21 x 28 cm. Papier glacé épais. Le bestiaire d’Etienne Ruhaud. Les Lettres républicaines de Touchatout. Des dessins de Victor Soren. L’invention de l’Hyménologie par Jean Hurpy. Des inédits de Jean-Paul Mesters, d’Alex Alexian et de Jehan van Langhenhoven. « Le mur de l’année 2011 », art singulier en Espagne. Le Trocadéroscope, revue tintamarresque de l’Exposition universelle de 1878. A découvrir…

 

LES CAHIERS DE LA RUE VENTURA n°12. 62 pages. 6 €. Rédaction : 9, rue Lino Ventura, 72300 Sablé-sur-Sarthe.

 

            La revue consacre son numéro à Henri Heurtebise le poète (auteur d’une douzaine de livres, dont Chant profond, Rougerie, 2005), l’éditeur des éditions Fondamente et l’animateur (depuis quarante ans) de la revue Multiples. Un entretien (avec Claude Cailleau) : « En écriture, je veux l’expression (l’image) irremplaçable. La poésie a le pouvoir de remplacer le réel, d’avoir une formidable présence. La présence ne signifie rien. Elle est là d’abord. Puis on lui prête une signification. Je cherche à dire fort » ; des témoignages et études de Christian Saint-Paul (H.H. est hanté par l’obsession de s’agréger au vivant »), Michel Baglin (« Ses poèmes chantent ce qui échappe, sinon à l’Histoire, du moins aux réductions sociales, idéologiques, professionnelles et médiatiques qui font l’ordinaire des lieux communs et des comptes à rendre. Ici, on reste sous la lampe de la poésie qui interroge – De quoi vivez-vous si mal ? – et propose : Venons aux mots chuchotés au cœur »), Philippe-Marie Bernadou, Jean-Louis Bernard… Un bel hommage qu’Henri Heurtebise mérite amplement. Le chant déborde - Les petites miséricordes - viennent grossir les bars - les places d'ombre.

 

COUP DE SOLEIL n°83. 40 pages. 7 € le numéro. Abt (3 n°) : 19 €. Rédaction : 12, avenue du Trésum, 74000 Annecy.

 

            Les poètes du numéro sont notamment : Serge Brindeau (La Vie – Sculpte la pierre – Où l’homme se construit), Ménaché (Lacérer le silence – où s’écrie le poème), Jacques Brossard (Et n’existe – Que ce qui est traversé), Jean Joubert (A puits qui s’embroussaille – préfère le torrent). Une belle somme, comme d’habitude, que suit un appareil critique, restreint certes, par le nombre de notes, mais toujours d’intérêt, comme cette note de J.-P. Gavard-Perret sur Tout est dit (Editinter), de Michel Dunand : « L’humanité de Dunand est une leçon de vie plus qu’une leçon de chose. Le poète mêle le rugueux au lissé, la surface à la profondeur en une rigueur impressionniste. Le disparate plus qu’esquissé signifie la revendication à l’émerveillement sans lequel la vie n’est qu’un suicide programmé. Puisque tout finira reste donc comme seul recours possible l’injonction de l’impératif Viens, qui fracasse la tranquille continuité du discours poétique. » C’est assez juste, et Sacre, le sixième recueil (sans compter les livres d’artiste) de Michel Dunand, chez Jacques André éditeur, le confirme : On a l’impression de marcher sur un nuage, - et pourtant, c’est tout le contraire. – On prend racine. Poète du lieu (l’Inde et Pondicherry, en l’occurrence) et de l’instant (On entend si rarement la rue respirer. – Profiter de l’instant. – Presser son sein), Dunand est toujours ailleurs ; un ailleurs où il se sent chez lui : Il y a un désert dans le mot désir. – J’ai décidé de l’explorer. – J’ai décidé de l’habiter.

 

 7 à dire n°47. 20 pages. 4 € le numéro. Abt (5 n°) : 18 €. Rédaction : La Sauvagerais, La Rotte des Bois, 44810 La Chevallerais.

 

            Ce numéro débute, comme d’habitude, par l’évocation d’un poète aîné (ici, Paul Fort), par Yves Cosson. Suivent des poèmes de Gilles Baudry, d’Elodia Turki, J.-C. A. Coiffard ou Alain Devaux. Les chroniques et notes, sont signées par Jean-Marie Gilory, Jean Bensimon ou Marie-Hélène Verdier. Sac à mots, l’éditeur, qui sévit maintenant depuis onze ans, n’édite pas seulement la revue 7 à dire, mais aussi et surtout, des livres de poèmes. Parmi les parutions récentes, nous retenons particulièrement, Souffles du large et de la rive, de J.-M. Gilory (animateur de Sac à mots et ancien officier général de la Marine), dont on tourne les pages, comme la mer tourne ses vagues, dans l’onirisme des îles et des embruns ; et bien sûr, Avant l’indispensable nuit, qui, dans une édition de François Huglo, rassemble les derniers poèmes inédits de Jean Rousselot. Le grand poète nous a quittés en 2004. Poète de Rochefort, il le fut ; mais rien ne l’agaçait plus, que de se voir réduit à cette étiquette. Son œuvre a touché plusieurs générations de poètes et de lecteurs. Elle est immense et court sur soixante dix ans, de 1935 à 2004 ; soit plus de cent livres (poésie, romans, nouvelles, essais, dictionnaires, critiques, biographies), qui tiren t davantage vers l’isthme que vers la cuvette.  Bien sûr, Avant l’indispensable nuit, n’est certes pas le meilleur livre de poèmes de Rousselot. Il est cependant incontournable, pour qui, aime le poète et son œuvre. Il vaut par sa part de témoignage et aussi, pour cet ultime duel entre le poète et la mort. Jusqu’au bout, Jean Rousselot aura affirmé : « La poésie ne m’a pas fait vivre. Elle a été pourtant, à mes yeux, la seule preuve que j’existe ».

 

CARNET LOUIS GUILLAUME n°35/36 : Le Poème en prose en question. 264 pages. Rédaction : 20, rue de Tournon, 75006 Paris.

           

            Ce numéro double du Carnet Louis Guillaume, comme l’écrit Jeanine Baude dans son éditorial, a pour but de « faire mieux connaître le poème en prose que Louis Guillaume tenait pour essentiel dans sa pratique poétique » et que perpétue depuis trente-six ans maintenant, l’association « Les Amis de Louis Guillaume », en publiant le Carnet Louis Guillaume et en décernant chaque mois de janvier, le « Prix du poème en prose ». Ce numéro anniversaire, riche, copieux et des plus instructifs, contient dans sa première partie, une pertinente histoire et des témoignages sur l’histoire et l’évolution du poème en prose, avec, notamment, des articles de Louis Guillaume, Pierre Garnier, Michel Decaudin, Jean-Claude Martin ou Gabrielle Althen. Suit, une copieuse rétrospective des lauréats du « Prix du poème en prose », de Marcel Hennart (1973) à Raphaël Miccoli (2009), en passant par Albert Ayguesparse, Jacquette Reboul, Gérard Bocholier, André Lagrange (qui vient de nous quitter), Philippe Jones, etc. Que du beau monde. La qualité, de plus, est au rendez-vous.