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Rodolfo Alonso, à paraître chez PO&PSY

 

Les  éditions PO&PSY, publient en janvier et février trois auteurs qui ont en commun de produire une poésie fidèle à l’ambition d’illustrer la pluralité des ouvertures de la langue, grâce à un travail intarissable sur le signe, sur la multiplicité de ses combinatoires, sur la possible et espérée rencontre de la parole et du silence, point ultime des aboutissements de tout acte d’écriture.

Rodolfo ALONSO (dont  Danièle Faugeras nous présente ici un extrait en avant-première), une des voix les plus importantes de la poésie d’Amérique latine, traducteur et essayiste, offre, avec son recueil Entre les dents, la matière d’une poétique vouée à la brièveté.

Sladan Lipovec est, quant à lui, une des figures remarquables de la scène littéraire Croate. Critique littéraire et revuiste, il n’en demeure pas moins un des plus considérables poètes de langue croate. Regroupés au sein d’une anthologie, le choix des textes présentés offre un aperçu de son œuvre, extraits de plusieurs recueils qui ont été couronnés par l’obtention de prix.

Enfin, Ernst Jandi est un des représentants de la poésie concrète en Autriche, mouvement qui est à rapprocher de l’Oulipo en France. Il n’a de cesse que de repousser les limites sémantiques du langage, en convoquant la rencontre fortuite des signes,  suscitée par des combinatoires permises par des dispositifs tels que la  permutation de mots, l’utilisation d’idéogrammes, et bien d’autres mises en œuvre. Ces manipulations ont pour unique ambition de permettre un renouvellement des virtualités sémantiques de la langue.

Nous pourrons retrouver ces trois poètes, dans une édition bilingue, à paraître chez PO&PSY, dans la collection Princeps, respectivement en janvier pour Rodolfo Alonso, et en mars 2017 pour les deux derniers, dont nous vous reparlerons dans une prochaine livraison.

Carole Mesrobian

*

Aujourd’hui l’une des plus grandes voix poétiques de l’Amérique latine, Rodolfo Alonso publia son premier recueil, Entre dientes, en 1958, à guère plus de 20 ans.
Ce titre est en soi la judicieuse définition d’une esthétique. Entre les dents, on ne peut dire que très peu de mots : les dents sont un filtre qui, en même temps qu’il fait obstacle à la discutable fluidité du discours courant, contribue en mots comptés à l’essence même du discours.

Traducteur, essayiste, critique et, avant tout et surtout, poète, Rodolfo Alonso a publié plus de trente livres de poésie, édités dans de nombreux pays. Premier traducteur en espagnol de Fernando Pessoa et de Paul Celan, il a traduit, dans le domaine français : Éluard, Prévert, Apollinaire, Artaud, Baudelaire, Valéry, Mallarmé, Breton, Schehadé, Char, Saint-Pol-Roux, Duras.

Danièle Faugeras

*

NOSOTROS

el alba sube
el amor sube

nosotros tenemos
que encontrarlo

el cielo canta
los hombres cantan

nosotros tenemos
que saberlo

bebed la lluvia
la luz el aire

nosotros tenemos
que ganarlo

en el frío en el miedo
el amor sube

nosotros lo sabemos
nosotros

NOUS AUTRES

l’aube monte
l’amour monte

nous devons
le trouver

le ciel chante
les hommes chantent

nous devons
le savoir

buvez la pluie
l’air la lumière

nous devons
le gagner

dans le froid dans la peur
l’amour monte

nous le savons
nous autres

*

AIRE DE FRENTE

en el claro candor
en la luz pura

en el aire encendido
por el viento
que vuelve

nadie puede saber
dónde está tu sonrisa

nadie puede saber

a qué puerta
llamar

golpea el aire tibio

AIR DE FACE

dans la claire candeur
dans la lumière pure

dans l’air enflammé
par le vent
qui revient

nul ne peut savoir
où est ton sourire

nul ne peut savoir

à quelle porte
frapper

il cogne, l’air tiède

*

EL POETA BUSCA TRABAJO

tiembla
copa

en tu sabor
hay años

magias
días futuros

tiembla conmigoabrasa

calienta el corazón
del mundo

LE POÈTE CHERCHE DU TRAVAIL

tremble
mon verre

dans ta saveur
vont des années

des magies
des jours futurs

tremble avec moi

brûle

réchauffe le coeur
du monde

*

EL CORAZÓN DIVIDIDO

gira el asombro
sobre las islas del verano

el aire muevela dulce maravilla
el sol de pájaros

oh ávida voz

gracia cansada

cadenas de tu rostro

LE COEUR DIVISÉ

la stupeur tourne
sur les îles de l’été

l’air remue
la douce merveille
le soleil d’oiseaux

oh avide voix

grâce fatiguée

chaînes de ton visage

*

POCAS PALABRAS

suelto
sobre la gracia del peligro

un viento sorbe
poco a poco
mis pasos

cantan los días fatigados
alzan su luz
su dura infancia

tú te pones de pie
entre dos fuegos
con la cabeza al aire

pero no hay ya abandono
ni paz

una lluvia pequeña
deshace los recuerdos

algo te duele
algo te canta
también
a ti

agua

¿es que sólo estás hecha
de silencio?

PEU DE MOTS

léger
sur la grâce du danger

un vent boit
peu à peu
mes pas

les jours fatigués chantent
dressent leur lumière
leur dure enfance

tu te mets debout
entre deux feux
la tête à l’air

mais il n’y a plus ni abandon
ni paix

une petite pluie
défait les souvenirs

quelque chose te fait mal
quelque chose te chante
toi
aussi

eau

est-ce que tu n’es faite
que de silence ?

*

ALTAS HORAS

que venga
el día

el tierno corazón
la boca dura

que venga

frío y limpio

solo

HAUTES HEURES

que vienne
le jour

le tendre coeur
la bouche dure

qu’il vienne

froid et pur

seul

*