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Roland Halbert et son « Parloir aux oiseaux »

     « Tout le secret des choses tient dans le chant d’un oiseau ». Cette phrase de Henry-David Thoreau, le poète nantais Roland Halbert la fait sienne. Il nous le montre dans deux livres étonnants publiés conjointement : Le Parloir aux oiseaux et La becquée du haïku.

       Si pour certains auteurs la poésie est d’abord une affaire de « poéthique », elle est avant tout « poésique » pour Roland Halbert : une expression qu’il a forgée lui-même, désignant cette alliance de la poésie et de la musique. Certaines de ses œuvres ont, d’ailleurs, déjà donné lieu à des créations musicales, comme ce fut le cas en 2008, à Paris, pour sa Chantelettre, hommage à Sainte Cécile.

     Nul doute que son Parloir aux oiseaux – cinq chanterelles à saint François d’Assise – connaisse le même sort. N’en-a-t-il  pas lu des extraits lors du festival François d’Assise/Olivier Messiaen, en l’église saint François d’Assise, dans le 19e arrondissement de Paris ? C’était en octobre 2012.

     

    Une chanterelle ? Qu’est-ce à dire ?  En réalité, un genre poétique, comme l’explique lui-même Roland Halbert, « inventé sur le modèle de la chantefable médiévale où alternent les vers (chants) et la prose (passages narratifs) ». Les chanterelles à saint François évoquent ainsi  les hauts lieux de l’Italie franciscaine, convoquent les poètes qui ont parlé du poverello (Claudel, Jammes…) et « questionnent » cinq représentations picturales des Prédications aux oiseaux.

     

     Voilà pour le contenu. Sur la forme, on a véritablement affaire à un Objet Poétique Non Identifié (OPNI) alternant partitions de musique, transcriptions de chants d’oiseaux (« iô, iô, iô, iô… ») et textes poétiques. « Le soir/dans le jardin des clarisses/un rouge-queue à tête blanche/ne cesse d’appeler/de sa note insatiable/comme un grain de pitié sur la margelle d’un puits ».

     Les mots divaguent dans les pages, se lisent à la verticale ou à l’horizontale, en cercle ou en escalier. Esprits cartésiens, s’abstenir… Le livre de Roland Halbert – d’une profonde originalité formelle – échappe à toute classification. Il peut dérouter plus d’un.

    

                                                                                           …/…

      C’est le cas aussi de ses haïkus dont il renouvelle profondément le genre dans sa Becquée du haïku. « Je leur ai donné des configurations particulières de l’ordre du calligramme et de la porté musicale: disposition en gamme ascendante ou descendante, en demi-cercle, en ligne verticale (à la japonaise) », confiait-il, en juin dernier, dans une interview à « Ouest-France ». « Oiseau cantonnier/à la gorge rouge orange/donne-moi du feu », écrit ainsi Roland Halbert. « Plumé sous la pluie d’hiver/le pigeon demande/l’aide du FMI ».

            

     Ses vingt-cinq poèmes aux oiseaux de La becquée du haïku sont un clin d’œil aux Vingt-cinq poèmes sans oiseaux de Paul Morand. « Je crois que 17 syllabes, c’est largement suffisant pour aller au vif des choses et des êtres », déclarait aussi l’auteur dans la revue « Ploc ». Roland Halbert manie volontiers l’humour, trait caractéristique du haïku,  pour aller – disons-le – au cœur de l’aventure humaine. Au lecteur « trop pressé », il suggère d’approcher sans bruit ces oiseaux qu’il désigne comme des « dieux mineurs ». Le chant du poète nantais – par le truchement de l’oiseau – épingle aussi volontiers les turpitudes de notre époque. « Zone protégée/ ne pas jeter de mésanges/aux arbres en cage ». Sa « poésique » prend ainsi, de loin en loin, une allure de « Poéthique ».

    

    Enfin, le lisant (en particulier son Parloir aux oiseaux), comment ne pas penser à La Conférence des oiseaux, chef d’œuvre de la littérature soufie. Son auteur : le Perse Farid-ud-Din Attar, qui, sous d’autres cieux, à une autre époque (à la fin du 12e siècle, celui de saint François d’Assise) avait aussi donné la parole aux oiseaux. « A quoi nous sert la vie sans la Source de vie ? Toi, si tu es un homme, ne vis pas sans ta vie », affirmait la huppe dans un discours aux autres oiseaux. Roland Halbert nous le dit aujourd’hui, à sa manière, entre les lignes. Mine de rien. En sifflant, comme un oiseau, une partition très originale.