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Roland Tixier, Saisons régulières

 

     Il y plusieurs manières d’être poète. Il y a celle – « prosaïque » - du chroniqueur de cette  « vie ordinaire » chère à Georges Perros. Et c’est bien le cas de Roland Tixier, comme l’atteste son dernier recueil. Poète, donc, dans cette traversée des jours et des saisons qu’il effectue sur le mode des haïkus, dans la fidélité implicite à cette définition qu’en donnait le grand maître Bashô : « Dire ce qui arrive à un moment donné, à un endroit donné ».    

     Pour Roland Tixier, qui rédige des tercets, sans les nommer forcément haïkus, l’humeur des jours transpire dans la respiration de cette ville qu’il arpente en marchant ou qu’il traverse en bus. Constamment aux aguets, il sait saisir au vol ces instants qui donnent parfois à la vie une coloration si particulière.

 

      un sac craque dans le bus
      tout le monde à la joie
      de ramasser des pommes

 

     Superbe haïku, dont le poète François de Cornière souligne la finesse dans son avant-propos à l’ouvrage.

     L’écriture de Roland Tixier, en effet, est chaleureuse, humaine. Elle dit la vie, les gens.

 

        marché du jeudi
        le vendeur de légumes crie
        « c’est gratuit jusqu’à la caisse »

 

     Cette empathie n’exclut pas les froncements de sourcils dans ce regard critique qu’il a sur le monde comme il va. Mais toujours à mots comptés. Sans lourdeur.

 

        samedi en ville
         les uniformes noirs
         des jeunes filles d’aujourd’hui

 

    Ou encore ceci :

 

         devant le Crédit Mutuel
         l’accordéoniste las
         le jour qui ne tombe pas

 

   Roland Tixier voit bien que notre époque ne tourne pas rond. Une certaine nostalgie pointe (normal à 68 ans).

 

     jadis au temps de l’enfance
     il suffisait de peu
     une ardoise   une éponge

     aujourd’hui encore
     le recours rassurant
     aux chants grégoriens

 

     La patine du temps (ce sabi cher aux auteurs japonais de haïku) est  donc un marqueur important de son recueil. Elle se révèle – avec quelle acuité – dans l’évocation de proches disparus :

 

      mon père n’est plus
      il réparait cependant
      montres pendules et horloges

 

Parler avec amour, mais aussi détachement, de ces choses qui vous serrent le cœur. C’est le talent qu’exprime ici Roland Tixier. L’humour l’aide à traverser les « saisons régulières » et même à envisager sereinement sa propre disparition.

 

     mes cendres voleront
     dans la jardin du souvenir
     à l’est du périphérique

 

François de Cornière a raison de le dire. Roland Tixier : « C’est un poète comme je les aime ».