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Rouge contre nuit (4)

Ne crois qu’en la lumière, celle qui t’oblige à ouvrir les lèvres.

 

Feuille pliée : principe établi des poèmes publiés par Laurent Albarracin au Cadran ligné. Texte unique, d’une dizaine de lignes maximum, tenant sur une page. Laurent Albarracin explique : « Ce qui me plaît dans cette contrainte en partie liée au choix de coûts réduits de fabrication et de port, c'est bien sûr l'obligation d'excellence du poème, le fait qu'il devra tenir debout isolément, faire livre si je puis dire à lui tout seul. Cela implique pour moi un fonctionnement au coup de cœur absolu, chaque poème devant m'émerveiller assez pour le publier tel quel et non pas j'allais dire mitigé dans un ensemble. J'aime assez en poésie les notions de densité, d'évidence pour penser qu'un poème seul, par l'éclat qui peut être le sien, puisse mériter une édition à l'unité. »1

La couleur ivoire porte un seul poème donc, celui de Pierre Dhainaut, Lignes de faîtes. Quels faîtes, quels sommets ? La vision quotidienne de la ligne d’horizon se perdrait-elle parfois dans le ciel de la mer du Nord ? Où lire les lignes du vol des « oiseaux de la mer » ?

Nous connaissons la houle et le souffle que les poèmes de Pierre Dhainaut partagent dans l’espace clos du texte. Or le premier vers résonne dans les autres : même injonction dont le verbe varie (de la restriction du vers 1, au conseil puis à l’interdiction et à l’incitation dans les suivants) pour enserrer avant de la rendre à l’air la nécessaire ouverture. Rien n’est clos : cinq phrases (apophtegmes ?) pour que les noms ne préexistent pas à l’accueil, ils fixeraient un seuil à la perception.

Ce qu’il faut dénouer, les lettres, une à une entrées dans le poème, le révèlent alors.

« [L]es ailes, les vagues », en deux extrêmes juxtaposés, signent l’alliance. Vers ces deux pôles mène l’injonction déclinée dans le poème.

Rythmes, assonances et allitérations les lie par l’écho sonore :

« Les ailes, les vagues avant de voir écoute le cœur est d’accord. » (Les consonnes par trois : l-v-t.)

Les signes, inscriptions ouvertes au silence et au son élargissent l’espace. Somme de noms révélés dans le désordre d’une floraison secrète et nécessaire.

Pour l’exprimer – un élan. Ligne d’horizon initiée par le poème dont l’accomplissement scelle la seule promesse.

 

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Les livres de la collection « d’un seul poème » sont imprimés à cent cinquante exemplaires sur papier vergé. Le Cadran ligné - Le Mayne – 19700 Saint-Clément

http://www.netvibes.com/albarracin#Ce_que_je_fais_parfois

laurent.albarracin@gmail.com