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Rouge contre nuit (6), Tout ce qui manque, avec Jean-Baptiste Pedini

 

Indice de neige ou danger, le titre se prolonge dans le premier poème du recueil où la neige noircie de la nuit le rappelle.

Tout débute confusément :

« Quelqu’un secoue des ombres à la fenêtre. »

Quel fantôme ? Quelle couleur trouver où tout semble sombre ?

Quelqu’un ou personne, en ce début murmuré en prose, tout incline vers l’absence ou ce qui s’altère : poussières dispersées, « pages cornées », l’obscurité sourde et lourde de minuit, l’hiver. En « éclaireurs », les « peurs et les mots », associés, sont gagnés par la saison. Ici les poussières et la ville sont personnifiées, placées au premier plan, devenues matière de la nuit d’hiver alors que le poète hésite dans le « on » brumeux de l’indéfini.

La perception est orientée vers ce qui est au diapason de ces premiers indices : glaçon, « l’horloge » qui « a basculé », « la roue tourne ». L’air lui-même ressenti comme « compact », les autres signes qui pourraient percer « pour desceller les souches noires de la nuit » sont atténués. Sans vigueur suffisante, ils ne peuvent éclairer ni le climat ni la couleur. La neige noire est souillée d’empreintes. Impossible de les arrêter, les signes noirs gagnent leur territoire, la maison. Perspective fragile contre laquelle apparaissent des obstacles pour qui veut la retrouver, porte « gelée » qui nécessite d’attendre avant de rejoindre. C’est que l’immobilité gagne les lieux et ceux qui pourraient les parcourir, l’être perçoit ce morcellement qui s’exprime aussi dans la perception de la neige. Elle n’est pas immaculée dans le recueil de Jean-Baptiste Pedini, elle est noircie par la nuit et souillée par tout ce que l’hiver transporte, hiver à peine réchauffé par le chocolat fumant qui rassemble autour d’une table. Les êtres ne sont pas nommés, pas identifiés, toujours ce « on » et la privation : redondante et révélatrice de l’hiver, la préposition « sans » est déclinée, collée aux groupes nominaux pour une énumération morcelée (elle revient par intervalle) de tout ce qui manque.

Les infinitifs complètent la toile d’un univers saisi dans ce qui échappe, le retour de l’hiver et l’arrêt de ce qui vit et vibre.

A plusieurs reprises, en fin de poème, une tentative, une amorce de vie : on est « attelé à la luge de l’aube » ou l’on veut « attiser le feu du jour », ce commencement cependant s’éteint dans le début du poème suivant :

« Rien ne va ce matin. »

Tout concourt, tout va vers la tristesse qu’exprime la neige mêlée de sel, confondue aux larmes. Ce qui apparaît : tout ce qui manque sans être précisément nommé (rien n’existe plus de cela qui éclairait).

A la fin, dernier écho à la neige, « l’angoisse » « [t]rop blanche » venue clore le livre pour attendre. Demain peut-être, la saison des possibles.