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ROUGE DESERT

 

I

Tu as connu bien des choses que je ne pouvais attendre :
la morsure de la pelle qui a creusé le puits,
les raclements du maçon mélangeant son mortier,
les femmes qui venaient avec des seaux de fer blanc
comme des éclairs sur leurs ailes ébouriffées au faible son métallique.

C'était la fuite éperdue vers la cour inondée de soleil
Le souffle ressemblait au souffle, l'asphyxie à l'asphyxie.

 

II

Appeler  ton désert Gabao.
Une ligne entre ciel et terre,
La première du jour
Et le griot qui parlait avec l’autre monde.
Gabao.

Gabao
Nom d’énigme,
Frontière floue dans les ténèbres.
Avec ses vieilles femmes qui répétaient sans fin leurs histoires.
Celles qui parlent de l’autre monde.
Elles sont toujours : tu les confonds
Mais quelle importance…

Elles racontent l’iboga hallucinogène,
L’ocre rouge et le kaolin blanc sacré,
Les femmes dépossédées et les hommes cruels

 

III

L’esprit imprécateur est dans le masque.
Celui qui répètera ses paroles vivra son dernier jour.
Celle qui le regardera verra son sang couler.

Partout les cris, la première terreur.
Ne pas regarder le nain au peigne s’il se retourne dans la forêt.
Au delà de ton désert l’insouciance, les badamiers.
Vieilles femmes dans la savane baignées de plantes sacrées.
La rivière Mbilagone,
Latérite vert et rouge, arbres foudroyés
Draisine sur la voie ferrée.
Gabao..

 

IV

Le poinçon de la nuit grave ses signes
Imprègne les corps séparés :
je ne tente que son vice de forme
Car il déplace un revers halluciné.
Gabao
Venir buter où cela cède.