Pour Michèle et Pierre Latour,
de Villeneuve/Lot.

Pour Sylvie Dufranc
de Labrède-Montesquieu.

 

I

Désert !
Par quelle voix divine chanter ton nom divin qui se déplie à l’infini
vierge et majestueuse lumière d’or enroulée comme un turban
éten­due de sable resplen­dit de l’aube au cré­pus­cule, ô miracle !
l’horizon s’incline dune après dune, les cieux ensoleil­lent ton soleil.
 
Graine semée :
Il faut tout le silence pos­si­ble des mots
pour dire ton nom

Désert !
Tu ne t’appelles pas, point n’est besoin de nom­mer le corps de ton âme
le puits spir­ituel dont le chameau est la corde a les reliefs de ton nom
le ciel n’a de signe que pour l’esprit vis­i­ble de tes nuages sans larmes
tu es l’offrande bien­faisante, œuvre qui point ne désac­corde le silence.

Graine semée :
Ici, lorsque tu attends Dieu,
tu ne perds pas ton temps.

 

 

  
II

Désert !
A l’aune des com­mence­ments, Dieu créa ton vis­age noir et blanc
il te nom­ma dès l’instant où la lune, comblée, se retire dans le soleil
Sah­hara, Ténéré, Sahel, ultimes voca­bles nat­ifs des langues de ton sol
terre des hommes, tu con­nais l’énigme du silence des pierres.

Graine semée :
Qui ne con­naît pas le silence du désert
ne sait pas ce qu’est le silence

Désert !
tu es mère des Gara­mantes, nos ancêtres maîtres des oueds
tu es mère des mers, océan des pois­sons de sable, mire des mirages
d’oasis aux rives blanch­es et noires : elles sont au nom­bre de tes fils
Sahara ! L’âme qui te con­tem­ple les yeux fer­més tient de ton sang.

Graine semée :
C’est dès l’aurore que l’on reconnaît
la bonne matinée

 

III

Désert !
J’ignore le Tifi­nagh ! Mon chant qui te chante par ta voix l’entend 
quiconque est né sur ton sol reposera dans ton sol : me voici !
je m’incline, je t’évoque et j’écoute mon corps en ses veines ensablées
songe par­mi les songes : à l’homme bien né, un signe suf­fit, je suis de toi ! 

Graine semée :
Peut-on blâmer un homme qui d’instinct
recon­naît sa terre ?

Désert !
Frères nomades des car­a­vanes, du lac Tchad, et des loin­tains campements
Don­nez-moi la patience d’être Bédouin, Toubou, Touareg, Sahraoui
et vous autres Mau­res, Haous­sas, Arabes, Peuls et Berbères du Mzab
révélez la div­ina­tion, faites que chaque trace trou­ve indice sur le sable.

Graine semée :
L’aveugle qui arrive par­mi les siens
ne cherche pas le chemin. 

 

 

IV

Désert !
Pas un jour sans le souf­fle de vie au-dessus des  mer­veilles du monde
bal­let du siroc­co, tour­bil­lon d’harmattan en bour­rasque du khamsin
la vipère à cornes trace des alizés de sable en vagues de sable
vent du cos­mos au des­tin des gueltas, mon­tagnes, erg, reg et sebkas.

Graine semée :
Vent du désert au visage
rend l’homme sage

Désert !
Sous le toit de ton ciel, voici Mon­od le fou en quête de sa foi
marchant par­mi les étoiles, défi­ant l’inquiétante pas­sion des mirages
Mon­od désire le soleil, pas l’éclair ! pareille à la sève dans la tige
Mon­od baobab de l’homme dans l’âme du cos­mos, ne bouge plus !

Graine semée :
Le sage sur terre
est comme l’or dans la mine. 

 

V

Désert !
Sahara désert des déserts, berceau des migra­tions séculaires
puisque que ton sable est éter­nel, la mémoire du monde est éternelle
depuis le Toumaï du Sahel, depuis Lucy, depuis le Ra des pharaons
tes mon­tagnes qui soulèvent la foi délivrent l’espoir aux pèlerins.

Graine semée :
Celui qui a bonne mémoire
n’est jamais pauvre.

Désert !
Créa­tion des Dieux, te voilà par la main de l’homme dev­enue terre bafouée
d’enlèvements d’otages, de com­bats d’Amgala, de Tombouc­tou, ô Tibéhirine !
par quel doigt désign­er cette épave échouée au mas­sif de Ter­mit, ô ma peine !
et qui dira le crime des essais nucléaires sur le sol d’Hamoudia, ô ma tristesse !

Graine semée :
Nul ne connaît
l’his­toire de la prochaine aurore.

 

Bègles, le 19 févri­er 2012

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