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Séjour, là, de JL Massot

Séjours, là de Jean-Louis Massot cache bien son identité : il est composé de deux suites de poèmes qui pourraient être publiées séparément, chacune formant un recueil d'une cinquantaine de pages. Si D'autres vies (la seconde suite) n'est pas sans intérêt avec ses petites scènes du monde tel qu'il(ne) va (pas), Séjours, là (la première), non seulement a retenu mon attention mais, d'une certaine façon, m'a ému.

Ce qui frappe dans ces poèmes (mais aussi dans la totalité du livre), c'est la volonté de Jean-Louis Massot de dépouiller le poème de tous ses artifices, de tous ses codes, de tout maniérisme… De le réduire à une parole nue quitte à ne traiter que de sujets appartenant au quotidien, au banal. Voilà qui va faire hurler les tenants du blanc qui troue le poème, les utilisateurs de la rature proprement imprimée et les lincuistres en tout genre… ou entraîner un silence méprisant des mêmes. Certes le "vers" se réduit parfois à un mot et c'est agaçant (pourquoi vouloir donner à tout prix une allure de poème à ce qui n'est qu'un aphorisme ?) Certes, le vers libre -standard ?-, largement utilisé, fait parfois regretter le chant… Mais il y a dans cette recherche de simplicité de véritables réussites qui devraient en réconcilier quelques-uns avec la poésie qui n'est pas qu'une affaire de poètes ou de spécialistes de la langue. Dire simplement les choses simples de la vie n'est pas sans dignité ni sans intérêt et Jean-Louis Massot le prouve. C'est parfois l'occasion de dénoncer la bouffonnerie du monde qui nous entoure ; qu'on lise cette strophe : "À la radio ils ont /   dit que les grosses chaleurs / étaient derrière nous, / ont enchaîné / sur des inondations, / des attentats et sur l'atoll / de Bikini désormais / classé au patrimoine mondial". Ailleurs, c'est la misère de vieillir ou le malheur de perdre un proche, ou la vie dans ce qu'elle a de dérisoire (mais qui en révèle  le tragique). Il faut citer ce poème :

"Les tuiles cassées
de l'appentis
laissent passer la pluie
qui trace sur les murs
où s'affaissent des étagères
emplies de pots de peinture,
de boîtes à écrous, à boulons,
à clous, à vis, à colliers, à chevilles,
de longues traînées rouillées
comme des phrases inachevées
qui vont se perdre
dans le fracas d'objets
posés sur le sol en terre battue."

 Ces moments d'émotion ou de presque bonheur que Massot prend au piège de ses poèmes ont tous rapport avec la mort du père, semble-t-il. Il n'y a pas d'effusion inutile (les choses sont dites de la manière la plus neutre qui soit), mais comme un désir de partager avec le lecteur ce quotidien que nous sommes  nombreux à avoir en commun. On peut penser alors à ce qu'écrivait Jean-Michel Maulpoix quand il définissait son "lyrisme critique" : "Que pouvons-nous partager de plus intense avec nos semblables que la commune ignorance du pourquoi de notre existence ?" On pense aussi à la poésie du quotidien jadis défendue et illustrée par un François de Cornière… Mais qu'importent les étiquettes, les références ou les comparaisons ? Massot est Massot. Et qu'importe si parfois la tension manque et que le poème donne alors l'impression d'avoir été forcé parce que, peut-être, les mots auraient dû rester à l'intérieur de Jean-Louis Massot…