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Solstice

 

Premier soleil : sagitarius

 

Ô, mère, comme la journée est courte !

Comme une maille de l’infini
le cercle solaire se retourne
non par amour, par obligation
et sans l’infidélité de la femme
pour laquelle rien n’est certain
rien n’est sien ni étrange
dans l’écliptique de l’existence.

Le jour croît et tombe
dans un rythme parfait
il répare la mort
et l’homme est confus et désorienté
dans la pantomime du temps.

Le solstice est initiation
aux coutumes supraterrestres
aux cultes païens
au feu et à l’eau
à la libido et à l’aventure.

Quand il s’arrête
le soleil renonce
aux affaires journalières, frivoles.
Au sommeil de l’ours. Au scepticisme.
Il a devant lui le rituel de l’équilibre
et du hasard. Faste et volupté.

Non, je ne pleure pas ;
je ferme seulement les yeux
devant les vies duelles
avec le sceau d’une évacuation précoce
devant la nuit blanche des amours parallèles
non échangées
non édifiantes.

***

 

Deuxième soleil : Jupiter
- suprême-

 

Trop de dépravations et de détresses
l’une après l’autre
dans cette vie dont je refuse de témoigner
- de reconnaître qu’elle est à sa fin.
Avec l’idéalisme d’un demi-homme
et le handicap d’un centaure
je tends l’Arc
comme un ciel
comme un cœur.

Non par humilité, par égoïsme, je propose
une scène - réminiscence
où je pourrai durablement me reconnaître
peut-être pas seulement moi :

de ma bouche-poème en langue maternelle
jaillit la nostalgie obsessive
- pour ainsi dire un homme vivant
tandis que je reste inflexible
au même endroit
comme si je revenais

Mais je reviens, hélas!

Dans la zone frontalière du soleil surgit
un homme, lion et dieu désamorcé.
Tourbillon. Treuil. Toupie.
Eau, abîme, un pas quand même.
L’iconographie du trigramme résiste
aux règles et idoles saisonnières.
Il n’est pas de médiateurs entre le soleil et la femme
quand ils naissent.

Quelles affres pour sortir
de la tunique de feu dans laquelle
on m’irradia pour la première fois ?
D’où vient cette luxure
qui me fracture en mille couleurs
comme une truite dans les miroirs mâles?
Pour qui cette impulsion duelle ?
Pour qui ce soleil mouillé ?
Etre au ciel
et rester homme ?

***

 

Troisième soleil : Leo
- rising sun -

 

A qui confies-tu les cadenas, père ?
A qui les symboles ?
Remémore-toi :

Il est mauvais le destin du Suprême
et le lever est nocturne.
L’étranger profitera
de la générosité du ciel
entrera par des portes souterraines
et nous aspergera de venin
Scorpius-Ophiucus.
Mort prolongée.

Fais une offrande
antidote
accorde-nous une parole vive.
Venge le trône de la liberté
apaise la passion de Vénus.
Que le pécher nous réchauffe.

Mouille avec ta langue le fossé
entre l’index et le pouce
ce monde-pour-soi
cette force invisible
l’amour-pour-l’amour
rien d’autre.