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Sur deux recueils de Roland Halbert

               Roland Halbert : « Petite Pentecôte de haïkus »

 

 

 

     En titrant son nouveau recueil Petite Pentecôte de haïkus, le Nantais Roland Halbert

fait implicitement référence à un célèbre passage des Evangiles. Les apôtres, réunis après la mort du Christ, reçoivent le don de l’Esprit saint sous la forme de langues de feu qui se posent au-dessus de leurs têtes. Ce souffle divin leur donne la possibilité de s’exprimer en plusieurs langues et d’aller annoncer au monde la Bonne nouvelle du Christ ressuscité.

     Quel lien, direz-vous, avec le haïku ? « Tout poète, répond Roland Halbert, et encore plus tout haïkiste, ne devrait-il pas méditer ces lignes énigmatiques, s’interroger sur ce souffle de feu dans son surgissement ? ». Ajoutant même que la langue japonaise, pour dire « climat », parle de « souffle du ciel ».

     

     Pour demeurer dans « l’esprit » de la Pentecôte, le poète nous présente cinquante haïkus (Cinquante comme les cinquante jours qui séparent Pâques de la Pentecôte) et nous les donne à lire en sept langues différentes : trois langues « pivot » (le français, l’anglais, le latin) auxquelles s’ajoutent, ponctuellement, l’italien, le russe, l’allemand et le japonais.

     On pourrait croire le haïku judéo-christianisé. Il n’en est rien. Roland Halbert reste fidèle à ce qui fait le fond du haïku dans son essence extrême-orientale : le recours au mot de saison, son charme allusif, sa pointe d’humour. « Graffiti de l’instant qui fait l’éloge de la lenteur », note le poète, mais toujours  à l’écoute du souffle de la vie. Et puisque la Pentecôte est une fête, Roland Halbert s’emploie à faire danser ses haïkus en leur donnant des allures de partition musicale ou en, les faisant exploser, en tous les sens, au cœur de la page. Il est, en cela, fidèle à cette conception « poésique » du haïku (alliance du poème et de la musique) qu’il a mis en pratique dans de précédents recueils. Extraits.

 

Printemps : « Entrant en douceur

                      par mon vasistas,

                      la bouffée de lilas blanc »

 

Eté :             « Vague de chaleur

                     Je me glisse à l’ombre

                     Bleue de la libellule »

 

Automne      « Marée d’équinoxe –

                     La puce de sable saute

                     Entre tes deux seins »

 

 

 

 

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Hiver             « Bien emmitouflé

                      Dans la fourrure de mon chat

                      J’attends le redoux »

 

Nouvel an      Ascenseur cassé –

                      Moins de souffle à chaque marche

                      Pour dire : « Bonne année ! »

 

 

« Le pollinier sentinelle »

 

 

     Roland Halbert est fou de haïku. « Trop souvent, écrit-il, on le prend pour un facile « programme court », un étrange amuse-gueule ou une curieuse commode exotique à trois tiroirs ». Alors, dans un livre (Le pollinier sentinelle) qu’il publie par ailleurs sur l’art du haïku, il convoque les grands auteurs qui l’ont fait vibrer, à commencer par le maître Bashô et le moine errant Ryokan. Mais il y a plus, en encore mieux, quand Roland Halbert se met à sonder l’écriture de quelques grands écrivains, y décelant l’esprit du haïku. Ainsi Richard Brautigan  dont il salue le Journal japonais. « Calme/juste quelques passants/pas de vent », écrit l’écrivain américain. « Un bout de poivron vert tombe/hors du saladier en bois : et alors ? »

     Chez les auteurs français, Roland Halbert se tourne vers Jean Follain et reprend à son compte l’affirmation de Philippe Jaccottet à propos de la poésie de l’auteur normand : « Elle est la seule peut-être qui m’ait paru rejoindre aujourd’hui, en France, l’idéal du haïku ». Ainsi ces vers de Follain cités par Halbert : « La bête un peu alarmée/qui boit du lait sous la lune/avec un bruit si léger ».

     Mais là où l’on s’attend le moins à trouver l’esprit du haïku, c’est bien dans l’œuvre de Max Jacob. Et pourtant ! Roland Halbert l’a déniché dans les « étroits poèmes » (comme les qualifie lui-même le poète quimpérois) du Cornet à dés II. « Fluidité d’impression, rapidité de tempo, flash de consonances », note Roland Halbert à propos de ces mots de Max Jacob : « Un cerf en bois, un serpent boa/la terre embaume ».

     L’esprit du haïku, en définitive, se diffuse comme le pollen. Halbert s’en réjouit et fait un habile rapprochement avec le « pollinier sentinelle » du Jardin des Plantes de Nantes (qui donne le titre à son essai) où sont étudiées les émissions de pollen et leurs « flux saisonniers ».

 

                                                                                                              

 

 

 

 

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