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Sur la terre comme en enfer

Nichts weiβt du, mein Bruder, von der Nacht,
nichts von dieser Qual […]

Tu ne sais rien, mon frère, de la nuit,
rien de ce tourment […]

 

Après Mes Prix Littéraires, excellent recueil d’articles édité par Gallimard en 2010, voici Sur la terre comme en enfer, un magnifique recueil de poésie.

La maladie, l’histoire nazie de l’Autriche, la haine qu’il éprouve vis-à-vis de ses concitoyens ont jeté sur l’existence comme sur l’écriture de Thomas Bernhard un voile obscur, omniprésent ici. Susanne Hommel parle à juste titre d’un « style âpre, abrupt ». L’écriture poétique de Thomas Bernhard est méconnue en France. Cette anthologie nous permet de découvrir ce à quoi Bernhard a consacré les dix premières années de sa vie d’écrivain. Quelle émotion, à la lecture du premier poème du recueil, qui est aussi le premier texte publié, en 1952 ! C’est un poème lumineux, étonnamment. Ceux qui suivent ne sont pas faits du même bois. Comme l’explique Susanne Hommel, Thomas Bernhard était seul, tourmenté et / ou révolté. Et cela lui était nécessaire pour écrire. Son horizon est fermé, son ciel bas, tout espoir interdit. Ici et là, une lueur bien sûr, une éclaircie. Mais elle ne dure pas. Le miel et le ruisseau cèdent la place au tombeau.

Und wenn du fortreisen willst, weiβt du nicht wohin !
Und wenn du Wasser trinken willst, stehst du im der Wüste !

Et quand tu veux partir en voyage, tu ne sais pas où aller !
Et quand tu veux boire de l’eau, tu es debout dans le désert !

Tout se passe comme si le poète était intrinsèquement lié à l’hiver, à la nuit, à la mort et n’avait pas la possibilité de s’en éloigner.