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Sur la terre

Je cherche ce qui demeure,
le moyeu de la route, le lit du fleuve,
la paix qui n’est pas du monde.

 

Il faut avoir passé de longs moments avec l’évangéliste Jean pour écrire des vers de cette sorte, et, de ou depuis ces moments de profonde méditation, avoir extrait une vision de la réalité, avoir posé un regard en retrait sur le monde. Car les mots les plus essentiels du Christ (et non de Jésus) sont ceux de ces vers, des mots prononcés à la fin du 4e Évangile quand le Christ, alors symbole de l’Amour universel, cette loi extraordinaire que l’humain respecte peu, répondant à une question de Pierre lui dit : « Lui ? Il demeurera ». Il parle de Jean.
La véritable histoire du monde moderne commence précisément là.
Et elle s’inscrit dans une histoire plus ample, celle du Poème et des poètes. Ceux qui justement cherchent ce qui demeure.
Pascal Riou est parfois considéré comme un poète chrétien. Nous nous fichons de ce genre d’étiquettes stupides comme de notre premier dollar. Cela n’a aucun sens, l’étiquetage, au sujet des hommes artistes. Les enfants d’Élie.
Si l’on veut situer « civilement » le poète, disons qu’il est actuellement membre du comité de rédaction de la revue Conférence, une des quatre ou cinq plus belles aventures littéraires en revue de ces 20 dernières années. Il s’occupait autrefois de la belle collection de poésie étrangère, couvertures claires et grises, des éditions Cheyne. Une collection qui offre de vraies belles découvertes en ce qui concerne les poésies contemporaines. Je pense par exemple à Hill ou Merwin. Entre autres.
Poète, acteur du monde vivant de la poésie, Pascal Riou sait sans aucun doute que l’on écrit en lisant et en vivant. Et parfois en buvant (un peu). Sa poésie le dit.
Le recueil s’ouvre sur la fin des terres, la blancheur des grèves. L’eau, sa renaissance. Il se poursuit au Thoronet, dans l’intimité de Cîteaux. Un long fleuve qui demeure, suivant le cours de la lumière. La poésie de Riou vit dans un monde où tout respire, malgré la folie ironique des mauvais hommes. Et ils sont malheureusement légion. Cette violence vient dans le poème à coups de rafales. Mais cette terre qui supporte une telle folie est aussi celle qui portait les templiers, bons hommes qui, comme le poète, ne cessèrent pas de regarder les étoiles, même depuis la flamme du bûcher. La terre est un temple. Et l’homme en fait partie. La terre, l’homme. Janus. Nous en sommes là, en une époque où il faut aux poètes rappeler à tous ce qu’est le réel. C’est la fonction contemporaine et sacrée de la poésie.

Puis tu te dis, chacun d’eux est pourtant
la moitié du monde. Et tu penses au disciple
que Jésus aimait, la tête penchée
sur le souffle du Fils.

 

Car en terre de poésie, tout est sens et symbole.