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Syrie

 

Que peuvent nos larmes ici
quand le tourment est si
terrestre si lointain pourtant
comme saignant d’un autre temps

à pas de chat nous trimardons
au bord de la pénombre
peut-on débusquer la douleur
tout en bas sous les décombres
à peine entend-on gémir
ce qui d’humain n’a que le nom
ce qui nous ressemble si peu
si nous pleurons de si haut
sur les plaies ne tombera
que le sel sur la bouche
étrange des étrangères
ce qui d’enfant n’a que le nom
leur fut arraché comme un ongle

qui sont ces frères qui n’en sont pas
on nous dit pareils on nous dit
chair collée aux mêmes os
caresses nées des mêmes mains
je ne reconnais rien en vous
qui soit branche du même saule
à la chevelure de larmes
à l’écorce si épaisse
que nul insecte n’y peut
creuser ni silence ni loi
je ne sais rien de votre cœur
plus noir plus ineffable
qu’un chien déchiquetant la face
d’un enfant qui n’aura plus
de ce qu’il fut ni nom ni mémoire
ni conscience d’être né d’être
autre chose qu’un mufle sanglant

alors que peuvent ici nos larmes
sinon désigner la hauteur
des branches où nous tanguons
dans l’effroi de ces ténèbres
où tout de l’homme plus qu’oublié
semble même n’avoir jamais été

 

 

extrait de Les Belles Choses – Paul Dirmeikis – Editions de L’Eveilleur (2014)