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Torr-benn

 

Les hommes ont peur.
Les soudards sont sur le pays.
Ils en vivent, alors eux, ils en meurent.
Le pays est à eux, ils le violentent.
La nuit, le jour, les femmes sont des proies. Les victuailles aussi.

Finis les feux révélateurs de vie,
Le pays a froid,
retient son souffle pour mieux se cacher.

Seules les armes ont chaud, elles couchent près des lits, avec les hommes prêts à défendre la famille, les enfants.
Les enfants, ces joyaux des pauvres,
Trésors des loqueteux.

Le sommeil est mauvais.
Haché des angoisses
Toujours à l’affût des signaux donnés par les chiens lâchés la nuit, sentinelles du paysan.

Les maisons de Dieu sont les refuges des hommes.
Chapelles fortes de leur pierre de taille.
Des cheminées oubliées des églises des bois fument lorsqu’on s’y cache les soirs de sac.

Peut-être quelques enfants un peu trop blonds ou un peu trop basanés naîtront plus tard dans les fermes isolées.
Les cuisses blanches des femmes ont été tant ouvertes de force.

Mais on les aimera nos enfants.
Ils seront les nôtres.
Trop blonds ou bruns, ils nous défendront quand une autre guerre, un autre conflit de puissants viendra jeter sur notre terre et nos chemins les soudards du pouvoir.

Ils leur fendront le crâne d’un coup de penn bazh* , nos jolis petits enfants.

 

 

* Penn bazh : bâton traditionnel des paysans bretons.