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Un autre « lecteur moyen » : sur la poésie anglophone contemporaine (3)

 

Vonani Bila, poète et musicien sud-africain

 

Vonani Bila, habitant le village de Shirley en Limpopo, nous écrit ceci au sujet de son inspiration:
 

“J’écris ce que je ressens en espérant que ce que je ressens impose la structure même d’un poème. Je veux créer des poèmes forts, forts surtout de leur construction narrative surgissant de moi-même selon mes propres rythmes. Je deviens fasciné au moment où le poème découvre un nouveau vocabulaire qui provient de la structure éthique du texte, lui donnant une construction unique et indépendante capable de s’expliquer lui-même sans que l’auteur ait à venir à son secours. Mes poèmes sont inspirés par la vie, les rêves, les observations, les luttes, l’histoire, les souvenirs d’enfance, les récits qui sortent tout spontanément des lèvres des gens dans les taxis, les bus, les trains, les avions et les bateaux, récits qui me retiennent collé au poste de radio et aux pages des journaux et qui doivent être découpés et mis dans des dossiers pour les sauvegarder, des poèmes qui m’arrivent du sifflement dans les herbes des plaines, du vent qui hurle, des arbres frémissants ou même du silence.”

“Le Cochon” et “Passage sacré” représentent deux registres, deux tonalités, deux humeurs différents de Bila. Tous les deux font preuve de la prédilection  du poète pour les formes narratives. “Le Cochon” est une parabole où Bila tourne en ridicule le malheur, sinon le Mal même, incarné dans l’image de ce gros méchant porc qui fait penser à une gravure de Daumier ou bien aux peintures satiriques de Georg Grosz.

Inspiré par la mort d’une soeur bien-aimée, “Passage sacré” appartient au genre de l’oraison funèbre au rythme solennel et mesuré prononcée au seuil même de la maison maternelle symbolique du clan qu’elle protège, épopée familiale en raccourci où  défilent les générations  des êtres les plus chers au poète.

La poésie de Bila présente donc une synthèse toute contemporaine d’éléments lyriques et  narratifs qui puisent dans la tradition bardique la plus ancienne selon laquelle l’on confie le devoir solennel au poète de dire et de chanter l’histoire de son peuple.

Vonani Bila écrit ses poèmes en deux langues, le xitsonga et l’anglais. Il est éditeur de la revue Timbala et fondateur d’un programme résidentiel pour écrivains.