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Un regard sur la poésie native américan (9)

L'atelier de Layli Long Soldier

 

     La poésie de Layli Long Soldier est caractéristique en ce qu’elle utilise la dimension linéaire de l’écriture pour faire danser les mots et pour donner du relief aux inflexions tonales. Sa mère jouait du piano et tout naturellement Layli a intégré la musique à son mode de vie. Elle avoue : « Enfant, pour moi le son conduisait l’émotion la plus pure ».  Elle prétend que ses dons pour le chant ou la pratique d’un instrument ne lui ont jamais permis d’envisager une carrière (elle a chanté et joué de la guitare basse dans un groupe) mais sa passion parallèle pour l’écriture l’amènera à devenir cette jeune auteure si prometteuse. « Il y avait une articulation que je trouvais dans l’écriture et que je ne pouvais accomplir avec la musique, aussi pratiquer les deux c’était comme exercer la main droite et la main gauche de mon corps. La droite c’était pour la musique, celle qui atteignait et prenait ; la gauche c’était la silencieuse, celle qui cherchait, rassemblait mots et phrases, virevoltait et vagabondait, conduisait des investigations».  Layli dit que le langage possède une curiosité ludique et que le corps du poème sur une page représente une certaine quantité d’énergie.

     La richesse de la poésie de Layli Long Soldier tient au fait qu’elle exprime et assume plusieurs identités. Mère, Indienne, professeur, et d’autres encore… Elle admet avoir eu peur de rater sa vie et aujourd’hui encore elle confesse : « l’art ne m’évitera pas d’être une mauvaise mère, la poésie ne me sauvera pas, pas plus que penser ». Elle dit aussi que ce qui la maintient sur la route avec la volonté d’y être prudente c’est le « tu » du poème, à savoir sa fille qui lui confére son titre de « maman ». Cette relation est chargée de toute la fortitude, courage et opiniâtreté, qu’il y a à être différente, c’est-à-dire Sioux, Oglala Lakota.  Elle déclare: « j’espère que viendra le temps où les américains de souche européenne représentant le courant dominant pourront considérer les communautés Indiennes, leurs cultures et leurs points de vue en tant qu’héritage national, parce que c’est celui-là qui est le leur dans le sens d’une appartenance à une terre».  Il faudrait qu’arrive ce temps où les gens se connectent à cet endroit au moment où ils y sont et de façon collective. « De cette façon nous allons de l’abstrait vers le détail. De l’invisibilité vers l’individuel puis le communautaire. Et ce mouvement de reconnaître nos différences sera un geste de respect. Nos cultures indiennes refusent d’accepter la généralité : nous demandons et attendons le spécifique. Cette façon particulière d’entrer en relation conduit à un certain degré de complicité », et à la réelle compréhension me permettrai-je d’ajouter.

     Layli possède une licence en écriture créative obtenue à l’institut des arts Amérindiens de Santa Fe (Nouveau-Mexique). Elle a terminé cet été même sa maîtrise à Bard College à New-York. Elle vit à Tsaile, sur la réserve Navajo en Arizona, avec son mari Orlando White lui aussi poète, et leur fille Chance. Elle est enseignante à l’université Navajo Diné collège. Son premier recueil de poésie est intitulé Chromosomory (Chromosomoire) et est paru en 2010 chez Q Ave Press (des extraits traduits de ce recueil ont été publiés dans la revue l’Intranquille-N°4 et 5, des Ateliers de l’agneau. D’autres poèmes ont été mis en ligne sur le site la Toile de l’Un, rubrique sur le dos de la tortue). Elle s’essaie aussi à la sculpture et aux arts plastiques. 

 

This  for dg okpik (poète esquimau)--- Ceci pour dg okpik

A cette heure, un sceau cacheté sur le corps   de ce corps, les jambes de larmes courent     dans nos jambes,
la tension d’un harnais                                      dans la tension, la blanche gaze d’un nuage couvercle
dans ces nuages, le projeté brusque l’emplumé d’une flèche                                                à la flèche,
tempe et front                    sur notre front, la torsade des mots                                  dans chaque mot,
notre mère notre mère         comme nos mères, sang et permission             comme nous permettons,
le champ est ouvert                                                                     ce qui est ouvert, le calme d’une biche
comme une biche, nous mangeons la tête basse                                    dans nos têtes, dans nos têtes.

 

     Layli est entrée dans les classes d’écriture créative dans le but de servir ses curiosités et intérêts du moment. Elle n’a jamais pensé qu’elle y prendrait autant de plaisir, encore moins qu’elle s’y épanouirait et qu’elle y consacrerait toujours plus de temps. Elle dit qu’écrire maintenant lui procure une joie solide et profonde. Elle dit qu’après toutes ces années d’apprentissage elle en a retiré une leçon de vie, écrire lui a enseigné ce que peut la patience. « En prenant mon temps avec le poème, » dit-elle,  « je suis toujours surprise par ce qui finit par arriver et à se mettre à exister dans le langage et par son biais. (Le langage étant le plus immatériel des matériaux qu’utilise l’art.) Ces surprises ont transformé ma curiosité en réel amour pour l’écriture». 

 

Vol funéraire pour Mark Turcotte (poète Anishinaabe ;(N.d.T)

 

Mort né               bercé sur                 la poitrine du père      une maison

lattes de bois       donnent non-naissance      aux non-lèvres pareilles      à des gerçures bleues

                    corde lit                                         chair pièce humides

          bon Dieu                  le père        la traction                      sa tête

                                                    une fenêtre                       l'eau stries comment               les oiseaux pense-t-il

        l'encerclent                                  et l'approchent                 font retraite         un millier au total

                                                                                                                             sang ailes secousse

       un chant de non-poumons             aimants appel                  Papou Papa Père Pa

neige visage              toit creux les lumières      rouges et blanches             aux coins des murs

 

 

     Dans son poème vol funéraire, Layli explose la forme et fait exploser les sons, notre expérience est comme éparpillée dans le chaos domestique mais avec une sorte de délicatesse. Le mouvement est inscrit dans et s’évade de l’immobile. C’est le premier poème que Layli ait écrit pour lequel la forme s’est imposée en premier. «Avant que les mots ne soient posés sur la page, je savais à quoi je voulais que le poème ressemble, en quelque sorte la forme a déterminé le contenu et cela en opposition à Charles Olson qui affirme que le contenu détermine la forme. J’ai écrit ce poème en réponse à celui de Mark Turcotte intitulé “A Blur of Echoes.” La lecture que Mark en avait faite m’avait beaucoup touchée. C’était à propos de la perte d’un enfant à la naissance. Après cette lecture j’ai discuté avec lui des effets de cette perte sur la mère et sur lui qui se trouvait être le père. De retour chez moi, j’ai écrit des milliers de poèmes sur la maternité, sur l’expérience féminine de la naissance mais le poème de Mark a attiré mon attention sur la relation du père aux enfants. Dans le cas de Mark je n’arrivais pas à imaginer cette perte de l’enfant à peine arrivé, et la présence de l’image des oiseaux dans son poème m’avait secouée pendant des semaines. Alors quand je me suis assise pour écrire et lui répondre, je voulais que mon poème ressemble à une formation d’oiseaux en vol au travers de la page. Je ne sais pas si j’y ai réussi mais c’était mon intention. Pour moi les courtes phrases représente le moment délicat et fragile de la grossesse. Ces fragments sont comme les bébés, petits, et pêts à s’envoler pour l’au-delà prêts à rejoindre les petites tâches dans le ciel. Et oui bien sûr les césures offre de l’immobile, un espace de silence où se concentre la violence qui transcende toute l’imagerie donnée par le langage. De plus chaque phrase devant être courte, cela m’a poussé à choisir des mots d’un, deux ou trois syllabes; des mots qui harnachent les caractéristiques de l’enfance : maison, oiseaux, perte, et qui ouvrent un territoire pour l’émotion et le spirituel, le tout concourt aux logopoeia et melopoeia du poème (cf Ezra Pound, phanopoeia, logopoeia et melopoeia, trois modes qui chargent le langage d’énergie. N.d.T)

     Layli trouve en ses anciens professeurs et camarades de classe de l’institut des arts amérindiens, le soutien dont elle a besoin. La chaleur d’une communauté d’artistes et d’écrivains lui est un confort non négligeable. Echanger, discuter les problèmes propres aux disciplines artistiques et littéraires, avoir des retours et des critiques sont des encouragements pour elle. Elle dit même volontiers qu’il lui semble que ces voix amies sont aussi sa propre voix. Elle se sent profondément impliquée dans leurs projets et ce qu’ils font, la réciproque est aussi vraie. Elle parle de cet ancien professeur joint pour avoir son avis sur le bienfondé de la virgule et qui avait préparé pour elle des tas de livres utilisant la ponctuation la moins traditionnelle. Il lui avait accordé des heures de discussion. Est-ce que les gens font cela dans la vie ordinaire s’exclame-t-elle pour exprimer son sentiment enthousiaste de vivre l’extraordinaire, ce grâce à la poésie. Elle cite aussi les noms  de Joy Harjo, de Luci tapahonso, de Laura Tohee, de Susan Power, aînées et renommées, auteures pionnières, Indiennes tout comme elle, et dont elle a dévoré les livres pendant ses années d’études.  Ces poètes l’ont mis sur les rails de la poésie en quelque sorte, et chaque fois qu’elles lui manifestent leur approbation et soutien, chaque fois qu’elles lui montrent qu’elles suivent son travail, Layli confesse combien cela la porte, lui permet d’aller de l’avant.

     A propos du travail de Layli Long Soldier, Maggie Nelson de la PEN organisation écrit : «  La première fois que j’ai lu Layli Long Soldier, je suis tombée sous le charme, ce n’est pas exagéré de le dire. Avec Whereas, elle nous offre le tranchant d’une pensée et d’un travail d’écriture qui montre les rapports possibles entre les discours politiques et la capacité littéraire d’y répondre. Ici Layli répond avec sensibilité, force et gentillesse, avec confiance mais avec tant de questions que je me suis encore une fois trouvée sous le charme, admirant et savourant chaque invention verbale. »

 

 

Extrait  de Whereas qui est une réponse à la résolution du congrès de présenter des excuses aux Indiens d’Amérique (2009).

 

Un samedi de décembre 2009, le président Barack Obama signait le Congressional Resolution of Apology to Native Americans. Aucun dirigeant tribal, aucun représentant des nations Indiennes n’étaient invités à recevoir et assister aux excuses. Le président n’a jamais lu publiquement et à voix haute ces excuses- bien qu’il ait été consigné que plus tard le sénateur  Brownback avait lu ces excuses devant cinq représentants tribaux (garder en mémoire qu’il y a 566 tribus officiellement reconnues par l’état Américain.) Et ces excuses étaient insérées dans un décret législatif plus large et sans rapport avec elles, nommé Defense Appropriations Act (ou décret sur les acquisitions militaires). Ce qui suit est ma réponse aux excuses autant qu’au langage, élaboration et écriture du dit document. Les faits sont ce qu’ils sont, et je ne veux pas attaquer le président Obama, ni un politicien en particulier, ni aucun parti politique ; je ne suis pas affiliée à un parti. Mais néanmoins je suis citoyenne des Etats-Unis ainsi que de la tribu Sioux Oglala- c’est une double citoyenneté au sein de laquelle je dois travailler, je dois manger, je dois créer, je dois materner, je dois lier amitié, je dois écouter, je dois observer, et constamment vivre.

 

ATTENDU QUE mes yeux se posent sur la déclaration, « attendu que l’arrivée des Européens en Amérique du nord a ouvert un nouveau chapitre dans l’histoires des peuples Indiens. » En d’autres circonstances, je hais l’acte de rire quand heurtée blessée ou en danger. Cette amère dissimulation. Ma fille emprunte de nouvelles habitudes à ses amies. Elle a couru, trébuché, glissé, tombée sur les genoux et paumes sur l’asphalte.

Ils l’ont transportée dans la cuisine. Elle est juste tombée, elle saigne ! je sursautai. Des courants d’un rouge profonds coulaient de ses bras et jambes, des traces sur les pavés blancs. Je regardais son visage. Un sourire

la faisait frissonner. Un rire, nerveux. Faisant ce que ses amis faisaient, elle avait le courage d’un nouveau comportement- je ne peux le nommer mais je peux le repérer. Arrête ma fille. Si tu t’es fait mal, pleure. Tu dois

montrer tes sentiments afin que les autres sachent, afin que nous puissions t’aider. Comme ça. Elle a laissé se répandre une inondation depuis le salon jusqu’à la salle de bains. Puis une eau douce versée et je lavais

précautionneusement d’un léger effleurement à l’aide d’une compresse de coton. Je lui faisais face je me souvenais, dans notre maison dans notre famille nous sommes nous-mêmes, de vrais sentiments. Tu peux l’être avec les autres, vraie. Je l’envoyai

s’allonger sur le divan et regarder un film l’encourageant, t’en fais pas. Pourtant je suis sérieuse quand je dis que je ris en lisant la phrase  « a ouvert un nouveau chapitre. » je ne peux empêcher mon corps. Je tremble. La triste

réalisation que cette phrase manifeste en la montrant. Le frisson de ma fille n’est pas nouveau- mais relève d’une très ancienne pratique profondément ancrée qu’elle a héritée de moi à me regarder ;

ATTENDU QUE je fatigue. A cause de mon effort de le faire aller ensemble avec l’effort de la déclaration : « Attendu que les Indiens et les colons non-Indiens s’engagèrent dans de nombreux conflits armés qui des deux côtés malheureusement, ôtèrent la vie à des innocents, y compris celles de femmes et d’enfants. » Je fatigue

à m’engager dans de nombreux conflits, fatiguée de l’expression des deux côtés. Deux côtés en tant que femme et enfant à cet attendu que. Deux côtés des paroles et des jeux de mots, faisant bosse au-dessus des dictionnaires. Fatigue de se référer aux termes tels que fatigue, de comprendre lasse, affaiblie, exténuée, force réduite à cause du labeur. Marre. En Lakota, fatigue c’est okita qui signifie fatigué. Devrais-je préciser que j’en ai marre. Pourtant sous la rubrique okita j’ai trouvé le terme wayuh’anhica, qui signifie exténuer un cheval de ne pas savoir comment le monter proprement. Suis-je okita ou est-ce que je wayuh’anhica?

Dans mon effort à pousser et tirer le langage, combien dois-je travailler pour concrétiser ici ce qui est réel. Réellement, je mesure 1 mètre-77cm. Réellement, je dors du côté droit. Réellement, je me réveille après huit heures de sommeil et mes yeux pendent comme deux carrés d’ardoise. Réellement, je suis blokita très fatiguée. Réellement, c’est une affaire de wayuh’anhica, qui signifie que j’ai exténué le cheval parce que je ne sais pas proprement le monter. Je grimpe les dos des langages, les chevauche et les mène à des conflits textuels- peut-être que je tire les rênes quand je veux dire va. Peut-être que j’éperonne quand je veux descendre. Cela a-t-il une importance. Okita, je suis bloquée, je veux sortir. De la répétition, mon élan à noter : attention, le cheval ici n’est pas une référence à mon héritage ;

ATTENDU QUE sa naissance signifiait à la mère sa responsabilité d’enseigner ce que c’est que d’être Lakota alors cette question : que savais-je au sujet d’être Lakota ? Signifiait panique, le rouge aux joues de mon embarras. Que savais-je de notre langage sinon des bribes ? Lui apprendrai-je à être morceaux. Jusqu’à ce qu’un ami me console, ne t’inquiète pas, toi et ta fille apprendrons avec nous. Aujourd’hui elle se tient devant moi et au centre de sa fierté dans le salon pour partager une chanson Diné, le langage de son père. Ses mains chantent les gestes en même temps je la regarde être musiques multiples. Lors d’une cérémonie

pour honorer le premier poète lauréat de la nation Diné, un speaker explique que chaque peuple a reçu sa langue à atteindre. Je comprends atteindre activement, un mouvement. Il offre une prière et une introduction à l’héritage de la langue. J’écoute j’atteins mes yeux avec mes mains, mes mains sur mes genoux, mes genoux tels une page calme où je tiens ma fille. Je la berce, en avant, pour entamer une conversation

à propos des langues maternelles en opposition aux langues d’adoption, comment se forger une appartenance. Je fais des rapprochements je bouge en mesure avec des références à Derrida, maître penseur du langage qui pensait à sa mère aussi. Relations mère-enfant et enfant-mère, est-ce que c’est postmoderne. Comme sa mère souffrait des effets négatifs d’une attaque il écrit : je lui demandais si elle avait mal (oui) alors où ? […elle] répond à ma question : j’ai mal à ma mère, comme si elle parlait pour moi, à la fois dans ma direction et à ma place. Sa mère, qui parlait à sa place de sa douleur et pour elle-même de la sienne, le faisait-elle en tant qu’une seule et même. Pourtant Derrida  proposerait une compréhension du mot mère parce ce qu’elle n’est pas. En avant, en arrière. Je lève mes pieds

tandis que mes orteils touchent le sol je me souviens de l’impossibilité linguistique d’une identité, comme si n’importe lequel de nous ne pouvait jamais être identique. A qui, à quoi? Peut-être au Pas. Je tiens ma fille confortablement et lui dis iyo-tanchilah mi-chuwintku. C’est vrai je ne sais pas comment écrire notre langue sur la page correctement, l’écrit prend de nombreuses formes

oui je sais qu’elle comprends grâce à notre mouvement. Bercer, dans ce pays au si nombreux langages les rapports nationaux disent que les langues Indiennes se meurent. Le nombre les enfants locuteurs et des enseignants âgés diminue, nous le tenons des informations publiques. Mais chez nous son père et moi n’enseignons pas les statistiques, dans ce mourir veux-je dire. Attendu que nous ressentons défiance- le plus proche de differance que je puisse trouver. Pourtant je le confesse

il y a de nombreuses heures passées à écrire pour s’entretenir avec un document national qui nous concerne, nous, ma famille. Des heures seule à penser, sans. Mon espoir : ma fille comprend le tout pour ce qu’il est, pas pour ce qu’il n’est pas, tout pour cela            les morceaux;           

ATTENDU QUE je sirote l’eau froide de l’hiver figée sur les aiguilles des pins, j’en garde encore le goût des jours après. Quand seule je m’éveillais des rideaux gris brûlaient au lever du soleil et ma gorge descendait au trou-puits, une teinture de ces aiguilles vertes me transformaient. Comment devrais-je raconter en détail, quand est-ce que c’est trop. Quand ma mère se creuse, je l’écoute. Nous parlons d’une enveloppe pour les reçus, de café noir torréfié et de l’agrafeuse que je voulais emprunter au voisin. Dans les plus petites choses je regarde l’aiguille de la boussole de la conversation enregistrer son retour au centre. Mère qu’est-il advenu de nous, de ton ancien toi. Fille pour mère, nous-mêmes au présent. Citoyennes au pays, ancien et passé pour le présent ou, est-ce une affaire de présence ? Ma fille ne l’aurait pas fait plus jeune mais cette année elle le voulait. Pour son anniversaire, une oreille percée. L’aiguille-pistolet fait mal pendant seulement un court instant la rassure-t-on. Au bon vieux temps, grand-mère avait maintenu de la glace sur mes lobes puis avait percé avec une aiguille à coudre. Ce sera plus facile pour toi, dis-je pour l’encourager. Elle court dans le centre commercial vers la chaise où l’aiguille l’attend, elle sourit. Impatience, le point d’émotion de la présence. Je veux écrire quelque chose de gentil, alors que les choses du pays et de la politique, de la nation, et de nation à nation, brûlent, m’ont tatouée. Aiguille-Rouge-Enflammée m’a marquée. Pourtant dans la possibilité de l’encre au travers de l’aiguille, l’image plus grande arrive grâce à un millier de gouttes de sang. Il y a longtemps les os servaient à façonner des aiguilles. Si je pouvais choisir, c’est cet outil que j’utiliserai ici, une aiguille d’os pour pénétrer la peau. Pour injecter l’encre le rappel permanent : je suis ici je ne suis pas/insensibilisée-réduite à un simple point ;

ATTENDU QUE j’ai lu dans un journal New yorkais un article relatif à la séquestration fédérale de fonds prévus pour les réserves, les réductions. Des promesses fédérales et des traités. L’article détaille les conditions de vie sur les réserves celles où le taux des suicides est de dix fois plus élevé que pour le reste du pays. Dedans l’histoire d’une fillette de douze ans dont la mère était morte et qui ne connait pas son père elle rebondit d’orphelinat en maison en foyer d’accueil, lasse. Je remarque comme l’auteur si banalement informe des abus sexuels répétés qu’elle a subis. Et pour le suivi psychologique, les services sont indisponibles. Il y a une clinique qui n’a plus d’argent après le mois de mai, ne tombez pas malade après le mois de mai est le message important. Pendant que je lis je pleure je pleure toujours et ici je dois le être claire mes pleurs n’indiquent pas la tristesse. Plus bas je lis un commentaire qui suit l’article :

Je suis une jeune-fille de 14 ans et j’ai récemment visité la réserve de______dans le Dakota du sud avec mon groupe. Les conditions dans lesquelles les Indiens vivaient étaient choquantes. Quand je suis arrivée chez moi, j’ai écrit une pétition sur le site maisonblanche.org pour que le gouvernement des Etats unis présente des excuses et offre réparation aux peuples Indiens. Cette pétition restera jusqu’au 23 juillet seulement, donc s’il vous plait signez et faites circuler !!!Votre signature signifiera beaucoup pour de nombreuses personnes. Merci.

Chère jeune-fille de 14 ans je veux écrire. Le gouvernement a déjà formellement présenté des excuses aux peuples indiens au nom d’un vous pluriel, votre groupe de jeunes, votre mère et père, vos meilleurs amis et leur famille. Vous comme tous les citoyens Américains. Vous n’étiez pas au courant, je sais. Et pourtant oui, Chère-Jeune-fille les conditions sur les réserves ont changé depuis les excuses. Je m’explique, les excuses ont été suivies d’une séquestration budgétaire. Pour le vocabulaire ordinaire, séquestration est une rétention, bannissement ou exil. En termes de loi cela signifie saisie pour mettre en lieu sûr mais s’est transformé, afin de signifier, pour ce qui concerne le budget fédéral : sujet à coupe, au mieux c’est ce que je comprends. Chère-Jeune-fille je suis allée aux services médicaux de santé Indiens pour soigner une dent, une douleur compliquée. Les soins de santé Indiens sont garantis par traité mais à la clinique les fonds limités n’autorisent pas de soigner au-delà d’un plombage. La solution offerte : l’arracher. Sous les pinces les masques et les lumières de la clinique, une dent qui aurait pu être sauvée fut placée dans ma paume pour que je la prenne après séquestration. Je ne partage pas ceci pour invectiver la souffrance, les faits sont ce qu’ils sont je partage pour expliquer. Chère-Jeune-fille, je rends honneur à votre réponse et j’agis. Bien qu’à la racine de réparation il y ait réparée. Ma dent ne repoussera plus jamais. La racine, partie.

 

     Voilà comment Layli Long Soldier trouve le moyen d’exprimer la réalité Indienne. Attendu que son message et sa manière sont suffisamment puissants, je me vois dans l’impossibilité tout simplement d’essayer d’ajouter quoique ce soit.