Écrire
toujours écrire mais
si je crois savoir pour quoi
je ne sais pourquoi
les mots s’acharnent à dire
ce qu’ils ne diront jamais
jamais ils ne parleront de ce matin
où le soleil tarde à se lever
où un semblant de givre se dépose
sur les vitres qui ne reflètent rien
où les arbres deviennent comme moribonds
sous la faux venteuse de l’automne
écrire
toujours écrire mais
l’utilité… non l’ego
des traces… non des éraflures
chaque jour
chaque nuit
sentir le flot de la sécheresse
vacuité d’heures inertes
écrire ou vivre
du pareil au même
il reste dans mes pas
ce qu’il restera de mes mots
une impression de passage
la certitude de mes incertitudes
*
mes yeux se perdent dans la foule
de gens invisibles
ce matin est un désert surpeuplé
de souvenirs du présent
des parfums / odeurs
des pleurs / rires
je stagne comme une montagne mobile
de la neige… non de la terre
en fermant les yeux
je ne fais / peux que les (en)fermer
rien d’autre ne se passe
des murmures seulement des murmures
tout ce qu’on (se) répète
de ce qu’on a jamais osé dire
l’incapacité à
éradiquer l’impossibilité
je vis comme un brouillon
ou un palimpseste… plutôt
ce qui s’affiche
ne s’affiche pas
les ratures deviennent
l’écriture gommée
un silence d’encre
une coquille bavarde
tant d’images
au son flou
*
me voilà devant cette maison familiale
à quelques mètres à peine de la plage
les rives de Lacanau-Océan se remettent lentement
d’un été un peu trop ardent et vif
les rues se parent de nombreuses flaques molles
le ciel est gris comme un lendemain d’ivresse
j’ai de la poussière dans les yeux
et de la brume dans le cœur
un sourire voilé d’hiers évaporés
et une larme discrète en coin de mémoire
pendant un très court laps de temps
cette maison… un peu ma propriété
propriétaire éphémère de mon passé
de mon enfance… d’une errance
je me vois sur cette balançoire fragile
apaisé par l’écume en l’air
du sable jusque dans les os
de l’iode comme du sang bleu
allongé sur ce matelas de mousse usée
bercé par les mouvements du vent et du rien
assoupi par la mélodie du vivre dans la rue
les voix / rires / cris des inconnus / étrangers
étranger je l’étais assurément bien que vivant là
étranger je l’étais assurément bien que respirant
ce parfum d’ici
ce(s) lieu(x) d’être(s)
*
à peine commence-t-on à s’habituer à
quelqu’un que cette personne disparaît
à peine commence-t-on à se lover contre
un lieu qu’il finit par ne plus être nulle part
à peine commence-t-on à se fondre en
une époque qu’elle se dissout dans le temps
le mouvement / la vie
la fuite / l’existence
je connaissais ton nom… mon ami-e
je ne savais rien de toi
toutes ces parcelles de lumières
à corps d’ombres
nous sommes les empreintes
que nous ne laissons pas
d’ici je ne vois pas la lune
englobée dans les réverbères
la ville… hécatombe du naturel
tout s’y habille d’artifices
sous mes yeux la rocade défile… folle
tremblements nerveux du vide & du silence
je ne rêve pas d’un ailleurs lointain
puisque y vit en ce moment même
je ne peux pas partir d’où
je ne fais que partir
je reste & dans ce « je reste » il y a
tous les départs qui s’en vont
A paraître, début 2021, aux éditions Aux cailloux des chemins