1

Pierre Warrant, Poèmes

1.

t’ont-ils confié ce qu’ils disaient entre eux

ils parlaient de choses
que tu ne pouvais comprendre
de chemins indécis
de clairières trop lointaines

ils recueillaient des signes sur la table
pour préserver l'aurore et le silence
en s'arrêtant sur une feuille
et tant de nuits penchées à la fenêtre

tu les voyais border le ciel de flammes et de pétales
ce n’était pas une parenthèse
rien de tout cela ne leur appartenait
leur travail était ici et faisait d’eux des hommes

sinon leurs yeux et leurs poitrines
que garderas-tu de tous ces noms
la cendre de la pluie ?
le poids d’une rose qui les vit naître ?

les mots d’une femme tombés de leur visage ?
une trouée une brûlure
le bruit des choses inquiètes
qui s’accomplissent et se prolongent ?

peut-être la mélancolie du vent
quand ils s’en vont un peu plus loin
blessés par la lumière
courbés en toi chassés d’eux-mêmes ?

 

2.

à l’autre bout de ton silence
je me mêlerai à l’eau de ton visage
au rire de ta présence

j’accrocherai des confidences
aux pierres posées sur ta patience
à tes joues fraîches comme l’enfance

j’écouterai la femme et le ruisseau
la bouche de nos aurores
l’ombre féconde de nos fatigues

ensemble

nous laverons nos mains dans la lumière
le vent léger dans les cheveux
l’ivresse ouverte à l’invisible

notre maison avec les fleurs
sera offerte aux heures passées
aux rêves d’éternité

aux jours à venir sous le feuillage
je t’écrirai un seul poème
pour approcher ce qu’il dira de toi

et les mots au repos
tomberont plus loin
entre chacun de nos espaces

 

3.

l’air vibre
tout chante tout respire
le silence a rejoint
le feuillage et le pré

la mémoire creuse l’horizon
le temps nous reconnaît
la fenêtre du regard
tremble près du chemin

il y a tant de sourires
dans le bleu de l’instant
tant d’écoute
tant de fleurs

on s’assied à la table
de la lumière
on lâche l’ancre
de nos îles

à recueillir le bruit
de l’eau dans la rivière
on pourrait presque
se blesser à ce qui passe

on ramasse
des bribes sur la rive
on moissonne
l’invisible de l’eau

on dénoue
les visages perdus
posés pieds nus
sur chaque pierre

où irons nous en solitude
quand le soleil
sera couché
sur notre joie ?

 

4.

la main est pluie
sur le corps des amants
offerte au feu de vivre
livrant le chant du monde

sur elle reposent
les chagrins de la terre
la pensée en mouvement
le désir du soleil dans les arbres

sur elle se glissent
les secrets de chaque voix
la beauté et les sons
aux clartés déchirantes

on la regarde
comme une louange
plongée
dans l'eau de la rivière

et on ne saurait dire
de la rivière ou de la main
laquelle s’en va
laquelle reste

pour nous offrir
la transparence
la lumière
et la mer.

 

5.

ils parleraient
dans l’élan indécis d'un matin
d’une soif sans remède
où l’âme confuse
se cache auprès des feuilles

pour n’avoir pas dormi en vain
pour s’être nourris aux étoiles
ils ouvriraient les mains
aux visages inconnus du silence
au bruit léger des sources

ils parleraient
à la splendeur de ce qui vient
d'une parole libre
plus vaste que le sang
en équilibre sur le miracle ou la fatigue

d’être encore là
vivants
pour le rester
dans le frisson
de ce que la langue ignore.

 

6.

ils se demandent

mais que serait la fin de l’été
si elle n’apportait son lot
de sable et de prières

la mer s’en va revient
comble les trous
ramasse les souvenirs

échappée du grand large
brûlant des sourires tièdes
ou encore bleus

l’heure veille courbe et creuse
les mots étendent sur l’eau calme
une mélodie plus tendre qu’une larme

ils se demandent encore

serait-ce cela
le pinceau sans limite de la joie
ce manque qui nous reste

ce fragile espoir
d’apprendre à naviguer
de ne plus fuir la solitude

cette vague sans promesse
gonflée aux cris et aux silences
livrant sa soif comme la partie d’un Tout.

 

7.

on portera plus loin
la flamme de la nuit
l'eau des rivières
et le silence de chaque peur

à quels printemps
se soumettront les certitudes
l'avenir de nos louanges
et cet espace de trop de mots

on mélangera aux fleurs
la terre à bout de souffle
la soumission des morts
les choses muettes qui nous guettent

la joie chauffera
une autre nécessité
la phrase inachevée de ce qui nait
dans le parfum des mimosas

 

8.

des yeux parfois questionnent la douleur
les profils perdus
la tendresse trop avide
ce temps qui tue enrage et file
mais sous nos pieds
des bateaux vont et viennent encore
l’eau trouble vient battre et réveiller nos tempes.

 

9.

tu portes
la source d’un murmure
l’essence d’un paysage
nourri au blanc du vent

porterais-tu
à l’étoile claire
l’empreinte
de son errance ?

 

10.

l’air lourd et chaud
remue le bleu
et le chemin

on demeure là
stupéfaits confondus
prenant le risque de la lenteur

on ne sait plus
on s’approche
on pleure doucement
on brûle des vestiges

un affolement
une volupté sublime
un désir de rupture

on doute

on fait silence
on ruse avec le monde
on entre dans la présence

une attention nouvelle
aux gestes aux rencontres
à la matière dont nous sommes faits

on se réconcilie

au vivant en marche
doux rugueux
visible ou invisible

on se lave au présent
au temps qui nous relie
nous porte nous emporte

 

 

 

Présentation de l’auteur

Pierre Warrant

  • Belge, né en 1963, Pierre Warrant vit et travaille à Bruxelles.
  • Ingénieur de formation et de métier.
  • Poète, photographe et voyageur par passion.
  • Il est membre de l’Association des Écrivains belges de langue française.
  • Ila collaboré à la revue du Journal des Poètes jusqu’en 2018.


    Né en 1963, Pierre Warrant vit et travaille à Bruxelles.

    Poète, photographe et voyageur par passion, il publie dans diverses revues littéraires et de poésie depuis 2005 (Recours au poème, Bleu d’encre, L’Arbre à Paroles, Terre à ciel).

    Il a contribué aux Anthologies « A claires voix »  (Editions de l'Arbre à Paroles) en 2013, « La poésie française de Belgique / une lecture parmi d’autres » (Editions Recours au Poème) en 2015 et «Tétras Lire 1988-2018: l'Anthologie» (Editions Tétras Lyre) en 2018.

    Il est membre de l’Association des Écrivains belges de langue française et a collaboré à la revue du Journal des Poètes dont il fut membre du Comité de Rédaction jusqu'en 2018.

    Son premier recueil « Altitudes » a été publié en 2013 aux éditions Tétras Lyre. ​Il a reçu le prix triennal de poésie Nicole Houssa 2015 de l'Académie Royale de Langue et de Littérature Française de Belgique. 

    ​Son deuxième recueil « Confidences de l’eau » a été publié en 2016  aux éditions L'Arbre à Paroles. Il a reçu le prix biennal de poésie Maurice Carême 2017.

    Son troisième recueil « Le temps de l'arbre » a été publié en 2020  aux éditions du Cygne. 

Bibliographie 

  • Le temps de l’arbre, 2020
    Editions du Cygne

  • Confidences de l’eau, 2016
    Editions L’Arbre à Paroles
    Prix Maurice Carême 2017.

  • Altitudes, 2013
    Editions Tétras Lyre
    Prix Nicolas Houssa 2015
    de l’Académie Royale de Langue et de Littérature Française de Belgique.

  • Contribution aux anthologies
    • Tétras Lire 1988-2018: l'Anthologie, publiée en 2018 aux Editions Tétras Lyre.
    • La poésie Française de Belgique, une lecture parmi d’autres, de Yves Namur, publiée en 2015 aux Editions Recours au Poème.
    • A claires Voix, publiée en 2013 aux Editions l’Arbre à Paroles

  • Publications dans diverses revues de poésie depuis 2005 : Bleu d’Encre, L’Arbre à Paroles, Journal des Poètes, Recours au Poème, Terre à Ciel.

 

 

Poèmes choisis

Autres lectures

Pierre Warrant, Confidences de l’eau

Tu es perdu ce qui encombre ne sert pas il n’est de pur que ce que tu es ou pourrais être écrivait Pierre Warrant dans Altitudes ((. Premier recueil du poète, aux éditions Tétras [...]




Pierre Warrant

  • Belge, né en 1963, Pierre Warrant vit et travaille à Bruxelles.
  • Ingénieur de formation et de métier.
  • Poète, photographe et voyageur par passion.
  • Il est membre de l’Association des Écrivains belges de langue française.
  • Ila collaboré à la revue du Journal des Poètes jusqu’en 2018.


    Né en 1963, Pierre Warrant vit et travaille à Bruxelles.

    Poète, photographe et voyageur par passion, il publie dans diverses revues littéraires et de poésie depuis 2005 (Recours au poème, Bleu d’encre, L’Arbre à Paroles, Terre à ciel).

    Il a contribué aux Anthologies « A claires voix »  (Editions de l'Arbre à Paroles) en 2013, « La poésie française de Belgique / une lecture parmi d’autres » (Editions Recours au Poème) en 2015 et «Tétras Lire 1988-2018: l'Anthologie» (Editions Tétras Lyre) en 2018.

    Il est membre de l’Association des Écrivains belges de langue française et a collaboré à la revue du Journal des Poètes dont il fut membre du Comité de Rédaction jusqu'en 2018.

    Son premier recueil « Altitudes » a été publié en 2013 aux éditions Tétras Lyre. ​Il a reçu le prix triennal de poésie Nicole Houssa 2015 de l'Académie Royale de Langue et de Littérature Française de Belgique. 

    ​Son deuxième recueil « Confidences de l’eau » a été publié en 2016  aux éditions L'Arbre à Paroles. Il a reçu le prix biennal de poésie Maurice Carême 2017.

    Son troisième recueil « Le temps de l'arbre » a été publié en 2020  aux éditions du Cygne. 

Bibliographie 

  • Le temps de l’arbre, 2020
    Editions du Cygne

  • Confidences de l’eau, 2016
    Editions L’Arbre à Paroles
    Prix Maurice Carême 2017.

  • Altitudes, 2013
    Editions Tétras Lyre
    Prix Nicolas Houssa 2015
    de l’Académie Royale de Langue et de Littérature Française de Belgique.

  • Contribution aux anthologies
    • Tétras Lire 1988-2018: l'Anthologie, publiée en 2018 aux Editions Tétras Lyre.
    • La poésie Française de Belgique, une lecture parmi d’autres, de Yves Namur, publiée en 2015 aux Editions Recours au Poème.
    • A claires Voix, publiée en 2013 aux Editions l’Arbre à Paroles

  • Publications dans diverses revues de poésie depuis 2005 : Bleu d’Encre, L’Arbre à Paroles, Journal des Poètes, Recours au Poème, Terre à Ciel.

 

 

Poèmes choisis

Autres lectures

Pierre Warrant, Confidences de l’eau

Tu es perdu ce qui encombre ne sert pas il n’est de pur que ce que tu es ou pourrais être écrivait Pierre Warrant dans Altitudes ((. Premier recueil du poète, aux éditions Tétras [...]




Pierre Warrant, Confidences de l’eau

Tu es perdu
ce qui encombre
ne sert pas
il n’est de pur
que ce que tu es
ou pourrais être

écrivait Pierre Warrant dans Altitudes ((. Premier recueil du poète, aux éditions Tétras Lyre, 2013.)).  Humain perdu, voie ouverte, « l'heure est venue / de vivre ». 

Pierre Warrant, Confidences de l’eau, L’Arbre à paroles, 2016, 70 p., 12€.

Pierre Warrant, Confidences de l’eau, L’Arbre à paroles, 2016, 70 p., 12€.

Voici un second recueil où l’intime décantation se poursuit près des horizons marins, des canaux et des fontaines, et sous la pluie – « sur chaque goutte / le ciel de sa promesse ». Une cinquantaine de poèmes en trois mouvements : élan des bords de mer - reflux laissant la mer enfouie - quête d’un chemin d’eau.« De la mer // on ne peut rien dire » ; c’est elle qui « a tout à nous dire ». Une voix non localisable écoute, et fait glisser quelques mots simples. Éléments, sentiments, situations et paysages se répondent. Le temps déborde la succession des instants et les lieux sont poreux. Les secrets sont en attente, « tout est accessible / retenant sa réponse / depuis toujours », dans la circulation de volutes familières :

et toujours
ce léger tremblement
ce murmure du temps
qui inlassablement
nous relie à la courbe des vagues
((Sur le site de Pierre Warrant (http://www.pierrewarrant.be/), ce poème se termine sur un vers supplémentaire, après un espace : aux pulsations du cœur))

Confidences de l’eau ou rêves du poète ? La question amènera peut-être à pressentir que révélation et désir ne relèvent pas d’ordres fondamentalement différents : quand « on prend le risque de grandir », notre aspiration est déjà connaissance. 

Silence de l’eau
parcelle de l’univers

à l’insu de lui-même
un mot se prononce

être au monde

Comme le précédent, ce livre a inspiré un spectacle mêlant poésie, photographie et musique. Explorateur et passeur, Pierre Warrant nous invite dans l’espace des espaces, « là où respirent les naissances ».

 

 

 




Pierre Warrant

Pierre Warrant vit à Bruxelles. Poète, photographe et voyageur par passion, il publie depuis 2005 dans diverses revues de poésie et contribue en 2013 à l'anthologie A Claires Voix. Altitudes est son premier recueil. Il fait suite à une expédition en Himalaya jusqu'au pied de l'Everest. Un spectacle présenté en 2012 en est issu. Il résulte d'une collaboration avec d'autres artistes et allie poésie, musique et photographie.




Anthologie de la poésie belge — 2

∗∗∗

JACQUELINE DE CLERCQ

Bruxelloise, Jacqueline De Clercq publie son premier opus de poésie, La Demeure des Aulnes, en 1991, aux éditions In’hui ; l’ouvrage reçoit le prix M. Van de Wiele décerné par l’Association Charles Plisnier. Paraissent ensuite, La Comptine du temps, Le Cormier, 1994, Courts circuits, haute tension , L’Arbre à Paroles, 1996, Le Dit d’Ariane, Orizons, 2008, Achaba & L’un parle de binche, l’autre du mandé, (recueil collectif) E.M.E. 2010 et nombre de contributions dans des revues de poésie françaises et belges. Les conférences présentées lors de colloques internationaux de littérature sont publiées dans les actes de ceux-ci : chez Ponts/Ponti, Milan, 2012, Orizons, Paris, 2008, Karthala, Paris, 2003 & 2016.

 

ÉPHÉMÉRIDES

« Le végétal nous dévoile »

Ghérasim Luca

il a plu cette nuit

à une feuille sans vie

de glisser sous

ma porte

il pleut sur les tombes

Fête des Défunts

le jour & les ombres

s’effacent

il pleuvra comme

sans fin. Infiniment me

plaira, Sol Invictus,

ton retour

∗∗

AUTOMNE

FIGU(R)ES D’AUTOMNE

elles

ont la forme

de petites couilles,

sont

dures et

vertes et

pendouillent

aux

rameaux défeuillés du figuier

  • leur manière de faire la figue à l’hiver !

∗∗

AUTOMNE

SCÈNE DE CHASSE À L’ENVERS

agglutinés derrière la clôture

du jardin, des chasseurs et

leurs chiens donnent

de la voix

en face

perchés sur le portique

des agrès, six couples

de faisans,

parfaitement alignés

les hommes gueulent,

les cadors aboient

pas une plume des

volailles ne tressaille

l’air s’emplit de menaces

Allez ouste !... Cassez-vous !...

Foutez l’camp, emplumés de malheur !...

cris, hurlements

glapissements rageurs

le calme campagnard trépasse

les volatiles demeurent

résolument immobiles

de guerre lasse,

les niguedouilles repartent,

bredouilles

LE TIR AU PERCHÉ EST INTERDIT SUR UNE PROPRIÉTÉ PRIVÉE

bien informés,

les gallinacés.

 

∗∗∗

RONY DEMAESENEER

Né en 1973 à Bruxelles. Bibliothécaire-documentaliste, chargé de cours en Histoire et technique du livre, anciennement libraire de livres anciens et d’occasions, Rony Demaeseneer est également auteur et collabore à plusieurs revues de critique littéraire. Chroniqueur, il anime régulièrement des rencontres littéraires dans le cadre de festivals et salons du livre. Il a collaboré au Dictionnaire Rimbaud (2014) aux éditions Robert Laffont dans la collection Bouquins. Depuis 2015, il anime les Dîners littéraires bruxellois à la Maison de la Francité. Il a publié en 2019 un récit poétique et familial entre Bruxelles et Prague, L’habitude (presque) rassurante des départs aux éditions Eléments de langage.

 

EXTRAITS DE « A MAINS BASSES »

…ils s’aimèrent en contrebande…

…ils s’aimèrent par les mains, sur des banquettes de bistrot, dans les arrière-salles, à l’abri des regards délibérément indiscrets des habitués qui ricanent à l’ombre des mousses brunes, sur les accoudoirs de trams aux destinations inconnues qui pourtant traversent leur ville, dans l’échancrure de chambres louées à l’heure, en plein midi pour échapper à celles qui, inévitablement, vous bousculent, vous hèlent, vous touchent, ils s’aimèrent en contrebande, sur les bancs paresseux de parcs désertés où n’urinent plus que les délaissés, transpirant sous le soleil quand il y en a, mouillant leurs cols de salive et de l’odeur de leurs mains dégraissées par l’envie de palper l’autre, d’en dévoiler la complicité pour peu qu’elle ne soit pas trop voyante, enfin donc ils s’aimèrent sur les autels d’églises désacralisées…

-

…une bière fraîche qui pétillera de toi…

…où serai-je quand tu auras disparu, dans un parc, assis peut-être sur un banc au soleil, sur une digue peu fréquentée tenant la main et le cerf-volant d’Arthur, sur une plage balayée par un vent léger sous un ciel gris, que ferai-je quand tu n’y seras plus, boire au comptoir d’un bistrot, sous une tonnelle devant une bière fraîche qui pétillera de toi, sous l’auvent de notre cour fleurie où tu es venue pour ta dernière sortie, dans les bras de celle qui sera enfin ma femme, dans les bras d’une autre, dans ceux de mon fils qui pleurera sans comprendre vraiment, qui rira pour un rien, dans un hoquet d’innocence, qui serai-je quand je me rendrai compte de ton absence, un seigneur, une ordure, un fumiste comme tant d’autres, un renégat, un trompeur, un trompé, une rumeur effacée…

-

désespérant de mettre la main sur…

…cherchant sur les rayonnages de ma bibliothèque un livre qui pourrait te rappeler à moi mais n’en trouvant aucun, désespérant de mettre la main sur celui qui me donnerait le goût de te ressusciter, de relever le son d’une voix qui ne fit que hurler, que je n’ai jamais entendue chuchoter le moindre mot d’amour, un seul encouragement aurait suffi peut-être à briser le vacarme d’une gorge avide de cris, de beuglements qu’aucun livre décidément ne pourrait faire taire

 

∗∗∗

PIERRE WARRANT

Né en 1963, Pierre Warrant vit et travaille à Bruxelles. Poète, photographe et voyageur par passion, il publie dans diverses revues littéraires et de poésie depuis 2005 (Recours au poème, Bleu d’encre, L’Arbre à Paroles, Terre à ciel). Il a contribué aux Anthologies « A claires voix » (Editions de l'Arbre à Paroles) en 2013, « La poésie française de Belgique / une lecture parmi d’autres » (Editions Recours au Poème) en 2015 et «Tétras Lire 1988-2018: l'Anthologie» (Editions Tétras Lyre) en 2018. Il est membre de l’Association des Écrivains belges de langue française et a collaboré à la revue du Journal des Poètes dont il fut membre du Comité de Rédaction jusqu'en 2018. Son premier recueil « Altitudes » a été publié en 2013 aux éditions Tétras Lyre. Il a reçu le prix triennal de poésie Nicole Houssa 2015 de l'Académie Royale de Langue et de Littérature Française de Belgique. Son deuxième recueil « Confidences de l’eau » a été publié en 2016 aux éditions L'Arbre à Paroles. Il a reçu le prix biennal de poésie Maurice Carême 2017. Son troisième recueil « Le temps de l'arbre » a été publié en 2020 aux éditions du Cygne.

 

Poèmes – Septembre 2021

1.

t’ont-ils confié ce qu’ils disaient entre eux

ils parlaient de choses

que tu ne pouvais comprendre

de chemins indécis

de clairières trop lointaines

ils recueillaient des signes sur la table

pour préserver l'aurore et le silence

en s'arrêtant sur une feuille

et tant de nuits penchées à la fenêtre

tu les voyais border le ciel de flammes et de pétales

ce n’était pas une parenthèse

rien de tout cela ne leur appartenait

leur travail était ici et faisait d’eux des hommes

sinon leurs yeux et leurs poitrines

que garderas-tu de tous ces noms

la cendre de la pluie ?

le poids d’une rose qui les vit naître ?

les mots d’une femme tombés de leur visage ?

une trouée une brûlure

le bruit des choses inquiètes

qui s’accomplissent et se prolongent ?

peut-être la mélancolie du vent

quand ils s’en vont un peu plus loin

blessés par la lumière

courbés en toi chassés d’eux-mêmes ?

2.

à l’autre bout de ton silence

je me mêlerai à l’eau de ton visage

au rire de ta présence

j’accrocherai des confidences

aux pierres posées sur ta patience

à tes joues fraîches comme l’enfance

j’écouterai la femme et le ruisseau

la bouche de nos aurores

l’ombre féconde de nos fatigues

ensemble

nous laverons nos mains dans la lumière

le vent léger dans les cheveux

l’ivresse ouverte à l’invisible

notre maison avec les fleurs

sera offerte aux heures passées

aux rêves d’éternité

aux jours à venir sous le feuillage

je t’écrirai un seul poème

pour approcher ce qu’il dira de toi

et les mots au repos

tomberont plus loin

entre chacun de nos espaces

 

 

∗∗∗

PASCAL FEYAERTS

Pascal Feyaerts vit dans le Hainaut où il exerce le métier de bibliothécaire et a écrit à ce jour six recueils de poésie (Acanthe et Coudrier) et un recueil de nouvelles (Chloé des Lys).  L’année 2010 le voit finaliser un spectacle musico-poétique avec la violoniste et compositrice Marielle Vancamp : Sur un nuage. Pour lui, le poète se doit de créer de la transcendance.

Baudelairien dans l’âme, soucieux du bel écrit et respectueux de l’histoire littéraire plus proche de nous il cite comme référence :  Karel Logist, Francis Dannemark, Marie-Clotilde Roose, Mimy Kinet, Phillipe Leuckx, Carl Norac, Eric Allard, Claude Donnay ou encore le français Christian Bobin pour n’en citer que peu.

Pascal Feyaerts est membre de l’Association des Écrivains belges de langue française, et expose parfois ses dessins essentiellement au fusain.

 

On ne sait plus

On était parole
Et on devient vent
On était Éole
Mais que faire du sang

Un épiderme
Nous rappelle
Que se vêtir de pierres
Se lester de sa présence
Donne naissance aux maisons
Mais ne dit rien
Sur l’origine des visages

*

Un visage on peut y entrer
Par effraction
Comme ça
Sans prévenir
Sans la moindre clé
Et s’y installer
Pour passer l’hiver
Entre deux rides

*

Tu sais écrire c'est écrire
des histoires que l'on met
à l'endroit ou à l'envers
on évite le silence pour
mieux y poser le verbe
mais le verbe dénonce nos errances
et on se retrouve réduit à l’absence

 

∗∗∗

FRANCOISE HOUDART

Françoise Houdart.  Poète et romancière belge, née à Boussu en Hainaut. Enseignante retraitée de l’enseignement supérieur. Anime des rencontres en classes, bibliothèques et autres cercles culturels autour de la lecture et l’écriture. Une œuvre poétique et romanesque couronnée de nombreux prix dont, en poésie,  le Gauchez Philippot, le prix Charles Plisnier pour Les profonds chemins, une nomination au prix Rossel pour Oublier Emma, le prix Louis Piérart pour, notamment, Tu signais Ernst K. et …Née Pélagie D.  et  le Prix de Littérature de la Province de Hainaut pour l’ensemble de son œuvre.  Tous ses romans ont été publiés par les Editions Luce Wilquin, aujourd’hui disparues.  Les  Editions Audace ont pris le relais en publiant son 20ème roman, Niokobok, écrit en soutien d’un projet humanitaire au Sénégal. Son dernier roman paru en avril 2021 a été publié par les Editions MEO.  

 

 

 

EXTRAITS DE « LE POURPRE DU JOUR »

J'ai pleins paniers de feuilles éteintes

petites vies chues en mes mains

petites morts ocres

familières

petits riens

L’automne à ta bouche

à le goût des noisettes

Je me sens écureuil

II

J’offre ma dernière enfance à l’investiture

du poème ainsi faut-il se déprendre

d’une présomption d’innocence

que la mémoire du jadis gardera intacte

et fervente

à la périphérie de la parole

III

Quand

nous seront rendues les ailes

Quand

au septième matin se dressera le jour

devant nos yeux fermés

comme montagne de clarté

Quand

nos ombres étourdies voleront si haut

qu’à toucher l’ultime octave du vertige

se consumeront avant que d’être les mots trop étroits

pour tant d’immensité

Quand

tout ce que nous aurons cru posséder sous le regard

et plus loin que la frontière du visible

tout nous aura été repris

et que nous seront rendues les ailes

alors

le temps sera venu de dénouer les pages

que retiennent les livres

et de les contempler

grands oiseaux

envolés des cimaises de nos mémoires

grands oiseaux

et nous

pierres immobiles soudées au même feu

nous

captifs à l’ancre du désir

nous

d’un battement d’ailes franchissant

la montagne

IV

Je convoque le monde

à témoigner de nous à l’échéance de nos souffles

lors qu’il suffit d’un seul oiseau

pour que la terre se souvienne

de l’arbre

et qu’ainsi ne cesse de s’accomplir le miracle

des saisons

Je convoque le monde

à l’humble repas de celui qui s’assied

sous l’arbre

et

partage son pain avec

l’oiseau

 

 

 

 

 

 

 




La Belgique invitée au Marché de la poésie cette année s’invite chez Recours au Poème éditeurs !

La Belgique invitée au Marché de la poésie cette année s’invite chez Recours au Poème éditeurs !

 

 

Coordonnée par Yves Namur

La poésie française de Belgique.
Une lecture parmi d’autres

 

 

 

Pour découvrir le livre cliquez sur ce lien : La poésie française de Belgique

 

 

Coordonnée par Yves Namur, poète, éditeur, spécialiste de cet espace poétique, l’anthologie de la poésie française de Belgique présente des poèmes de 89  poètes, femmes et hommes :

Georges Thinès, Philippe Jones, André Romus, André Schmitz, Liliane Wouters, André Doms, Jacques Demaude, Claire-Anne Magnès, Gaspard Hons, Anne-Marie Derèse, Jacques Sojcher, Véra Feyder, Rose-Marie François, Colette Nys-Mazure, William Cliff, Jacques Crickillon, Michel Voiturier, Anne Bonhomme, Werner Lambersy, Christian Hubin, Françis Chenot, Geneviève Bauloye, Jean-Pierre Verheggen, Jacques Vandenschrick, Anne Rothschild, Robert Gérard, Marc Dugardin, Corinne Hoex, Serge Meurant, Guy Goffette, Daniel Fano, Frans de Haes, Pierre-Jean Foulon, Roland Ladrière, Pierre-Yves Soucy, Pierre Gilman, Jean-Marie Corbusier, Jacques Goorma, Jean-Luc Wauthier, Françoise-Lison Leroy, François Emmanuel, Daniel Simon, Béatrice Libert, Jean-Michel Aubebert, Daniel de Bruycker, Philippe Lekeuche, Thierry-Pierre Clément, Véronique Wautier, Francis Dannemark, Caroline Lamarche, Philippe Leuckx, Eric Brogniet, Philippe Mathy, Sabine Lavaux-Michaëlis, Jacques Keguenne, Lucien Noullez, Pierre Schroven, Claude Donnay, Denys-Louis Colaux, Carl Norac, Serge Núnez Tolin, Karel Logist, Véronique Bergen, Paul Mathieu, Pierre Warrant, Véronique Daine, Vincent Tholomé, Serge Delaive, Cathy Leyder, Laurent Demoulin, Laurence Vielle, Yves Collet, Piet Lincken, Christophe van Rossom, Ben Arès, Marie-Clotilde Roose, Otto Ganz, Hubert Antoine, Fabien Abrassart, Pascal Leclercq, Laurent Fadanni, Harry Szpilmann, Antoine Wauters, Kathleen Lore, Raphaël Miccoli, Eric Piette, Nicolas Grégoire, Maxime Coton.    

Yves Namur est né à Namur (Belgique) en 1952. Médecin, éditeur, auteur d’une trentaine d’ouvrages dont La tristesse du figuier (Lettres Vives, 2012) et Ce que j’ai peut-être fait (Lettres Vives, 2013). Traduit et publié dans une quinzaine de langues, il a reçu plusieurs prix parmi lesquels le prix Louise Labé, le prix Tristan Tzara, le prix littéraire de la Communauté française, le prix international Eugène Guillevic pour l’ensemble de son oeuvre et le prix Mallarmé 2012. Il est membre de l’Académie royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique et membre de l’Académie Mallarmé.

 

Les livres numériques Recours au Poème éditeurs peuvent être lus par tout le monde, avec et sans liseuse ou tablette.
Un simple ordinateur suffit

 

Recours au Poème éditeurs propose aussi deux formules très simples d’abonnement à ses livres

 

Cliquer ici pour découvrir l’abonnement découverte : cet abonnement permet de recevoir deux livres par mois

 

Cliquer ici pour découvrir l’abonnement de soutien à notre action poétique : cet abonnement donne accès à tous les livres parus l’année de l’abonnement




Altitudes

 

Ceci Cela
Que cherchons-nous
sinon ceci

rejoindre l’imprévu
célébrer l’improbable
nouer les fils de l’équilibre
provisoire

que trouvons-nous
sinon cela

s’étonner
s’essayer au plus simple
gravir et grandir
peu à peu.

 

 

***

 

L’étole
A mon cou
tu as glissé une étole
elle ne pèse ni ne s'impose
elle est là discrète et blanche
effleurant l’espace
dessinant le vertige

silence de la neige et du vent
écoute invisible du lien

il y aurait l'avant
il y aurait l'après
entre les deux
il y aurait un bout d'étoffe
coincé entre deux mondes
deux yeux   deux larmes

quelques craquelures de solitude
un souffle un chemin
le toit du monde
une étole si peu de poids
enroulée pour toujours
à mon âme

qui révèle   simplifie  
qui je suis   qui je suis   aujourd'hui. 

 

 

‘Altitudes’, Pierre Warrant, Ed. Tétras Lyre, 2013