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Alain Freixe, Peut-être

Quelque chose tombe. C’est lent et imparable. Sa retenue le déchire. Le dérobe à l’oblique. Et angle droit sur le vide, le tourne et retourne, le verse et renverse, se perd.
Et dans l’air, c’est à peine si passe le froid de l’ombre.

 

 

∗∗∗

Quelque chose tombe. De clin en clin, comme on le dit d’un œil dans le temps où il reprend ses esprits pour faire tas. Devant. En bas. En bord en bord de monde comme en bord de page les fragments d’ardoise sous les couteaux de l’autre été, aspiré par l’aigu du coin. Qui s’éboule.

 

 

∗∗∗

Quelque chose n’en finit pas de tomber qui nous jette dans le soir des défaites. 
Y vont et viennent, toujours plus perdues, contre toutes les réquisitions du monde, les lumières de sentinelles désarmées. 
C’est la veille. Encore et toujours. 
Souvenances actives de quelques-uns.
À voix de mains.

∗∗∗

Nous pèsent les abandons et nous paralysent les trahisons. Lourd héritage qui nous brûle les yeux jusqu’à nous empêcher d’entrevoir ces peut-être qui poudrent l’air quand tournent et bifurquent les chemins, ces possibles qui ne serpentent au flanc des jours que lorsque nos pas à se heurter à leurs pierres écartent herbes sèches et poussières.

 

∗∗∗

Peut-être, 
lampe douce, allumée sur les eaux du jour par un vent tisonnier, amoureux des matins sans nom.

 

∗∗∗

Peut-être,
et quelque chose serait là. Une main d’ombre gantée de l’arc bleu du silence. Une main flottante et qui appelle à la relève. A la reprise. Une main d’avant les mots. D’avant les couleurs. A la volée. Une main de nuit avec dans sa paume un soleil souterrain.

 

∗∗∗

Peut-être,
et déliées, les routes alors fileraient devant sous un horizon inexploré. 
Loin dans demain.

 

∗∗∗

Nos yeux se prendraient à leurs mirages. 
Images qui iraient jusqu’à traverser leur peau. Eclairs d’oubli où la durée crépiterait comme en un terrain vague où les noms anciens auraient été perdus sous les cendres et les restes de quelques cartons éventrés entre vieux pneus et cagettes à demi-brûlées avant une aube toujours remise, toujours promise.

 

 

∗∗∗

Une aube. 

Quelque chose comme un Noël sur la terre. Celui des enfants dont les yeux, retournés, comme ces terres d’automne ouvertes à la neige, à ses vigueurs prochaines, attendraient, tendus dans les courants qui les emportent, les couleurs des jours nouveaux qui feraient brèche sur brèche au temps d’avant, ce temps muré dans les heures, dans le chaos des lumières électriques où la nuit se perd, toujours plus enfoncée dans les plis de ses masques, les boues de sa figure sans plus aucune chance de visage.

 

∗∗∗

Mais c’est le soir.
Encore le soir. 
Le soir et la pluie sur les dernières pages écrites, les dernières images risquées, comme si la fin avait été donnée au commencement.
Et c’est l’ombre de la mort sur les feux rouges, toujours plus nombreux, sur la route dont les ciels sont bouleversés, l’asphalte éboulé et les eaux salies dans les nids-de-poule, qui m’arrête.

∗∗∗

Qu’est ce qui serait de saison?
Quelles bifurcations?
Quels peut-être?

 

Présentation de l’auteur

Alain Freixe

Textes

Alain Freixe né le 3 décembre 1946, en terres catalanes.

Vit à Nice. Aime à musarder entre philosophie et poésie.

Retraité de l’Education Nationale comme professeur de Lettres. Conseiller Poésie du Recteur de l’Académie de Nice d’abord à l’Action Culturelle puis à la Délégation Académique des Arts et de la culture (DAAC) entre 1990/91 et 2008.

A animé l’Association Podio, pour la défense et l’illustration de la poésie à Grasse entre 1996 et 2016 et les comités de pilotage de deux manifestations poétiques La poésie a un visage (1999-2010) et La poésie des deux rives (2004 – 20014)

A créée en 2007 et anime depuis une structure éditoriale dédiée au Livre d’artiste, singulier ou de dialogue… Les Cahiers du Museur.

Chronique la poésie au journal L’Humanité ainsi que dans diverses revues de poésie (Friches, Europe, Phoenix…)

Vice-Président de l'Association des Amis de l'Amourier.

Vice-président du Centre Joë Bousquet et son temps, Maison des mémoires, Carcassonne.

Membre du comité de la revue Friches.

Est présent sur Internet principalement sur son blog : lapoesieetsesentours.blogspirit.com et sur les sites amourier.com ; bribes-en-ligne ; remue.net ; terredefemmes.blogs.com ; Terre à ciel ; le site de Claude Ber ; Recours au poème…

 

 

© Crédits photo marc lapolla.

Dernières parutions :

Livres courants :

Contre le désert, septembre 2017, collection Fonds poésie, éditions de l’Amourier

Champ d’eau, chants de vie, in revue Connivences 6, ouvrage collectif sur la Camargue, septembre 2017

Et toujours finir dans les pierriers, Cahiers de la passerelle, gravures de Béatrice Heudenbourg, 2017
Vers ce pays dont on est l’homme, éditions Tipaza, collection Métives, juin 2018 (la marelle!) avec des repros de peintures d’Henri Baviera.
Les blessures de Joë Bousquet 1918 – 1939  avec Serge Bonnery aux éditions du Trabucaïre (Perpignan), mai 2018.

 

Livres d’artiste :

 Mano a Mano 8, Alain Freixe et Alain Lestié, Les Cahiers du Museur, été 2018

Champs d’eau, chants de vie, éditions de la Margeride, avec 2 peintures originales de Robert Lobet, 49 exemplaires, juin 2018

Envisager, peintures de Gérard Eppelé, Collec A Côté, Les Cahiers du Museur, 2019

Madame des couleurs, avec Raphaël Monticelli, peinture de Carmen Boccu, Collec A Côté, Les Cahiers du Museur, 2019

L’explosante-fixe, avec Serge Bonnery, peintures de Michel Fourquet, Collec Connivence, Les Cahiers du Museur, 2019

La Dame rouge, sur une photographie originale d’Elizabeth Prouvost, Collec A Côté, Les Cahiers du Museur, 2019

Fonte, avec une photographie d’Evelyne Rogniat, Collec A Côté, Les Cahiers du Museur, 2019

Silences, sur une proposition de Youl, 2 exemplaires, octobre 2019

Sur les bords glacés de la nuit noire, peinture de Roland Kraus, Les Cahiers du Museur, Collection A Côté, oct 2019

 

Livres de bibliophilie :

L’oiseau rouge n’abolit pas le ciel, 3 feuilles de céramique de Sabrina D’Agliano, La Diane Française, mai 2018
Comme si s’en revenait le printemps, 5 gravures de Remo Giatti, la Diane française, juin2018
 

 

 

 

Poèmes choisis

Autres lectures