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Guylaine Monnier, Dans un tel pot de terre, extraits

Il dit que tout ce qui se regarde est résoluble en petite part. C’est ce qui rend
le souvenir plus vague, qui ne peut se résoudre comme un brouillard en pluie.
Trop vague pour que le moindre élément ne s’en détache. Du brouillard renaître
la pluie. Du brouillard renaître la mer. Il pourrait recomposer chaque partie ;
d’une seule solution, extraire la chenille et le papillon

*

Nous sommes les chimères, comme sont faits les embruns : de vents, d’océans et
du bris des lames. Il l’ignore. Lors de la grossesse, la mère reçoit des cellules
fœtales, vice versa. Elles se logent dans l’autre, cerveau, poumon, peau et cœur.
Elles y demeureront une dizaine d’années, parfois davantage. Chimère l’un de
l’autre, vipère et lion tout à la fois. Et pour forêt qui abrite ses chairs :
— Arrête de te cacher derrière les arbres comme ça. Le jour où tu disparaîtras
vraiment, je te verrai derrière tous les arbres

*

Les ignorants se taisent. L’endroit perdu est oublié. On le dit au cœur battant de
l’ailleurs. Nus et blottis, ils ne s’en souviennent plus. Il y a des forces extérieures  
qui ont redistribué l’ordre, puis toutes sortes de couleurs qui ont requalifié les
formes et leur syntaxe. Sans elles, elle le garderait sur la peau. Il finirait par y
verdir, il avalerait l’amande et son germe vert

*

Le ciel de mon enfance est bleu. Or les jupes relèvent les bleus. Les couleurs du
monde disent une enfance. Or l’enfance distribue ses bleuets. Il mit les bleuets au
fond de sa poche. En grappe et en capitule sur la peau aucune trace. Or les poches
se percent les couleurs se répandent. Les nuits de mon enfance n’étaient pas
pierre. Il prit la pierre et la mit dans sa poche. Or les pierres se roulent. Hors des
poches le dernier pétale et la pierre roulée

*

Qui s’obstine. Les bleuets trébuchent dans les ombres bleues. C’est que le monde
garde ses couleurs. Or les couleurs du monde se percent. Or le monde distribue
ses bleus. Les coquelicots ne fraient plus avec les blés les bleuets, les bleuets ne
se cueillent plus dans les champs les bleuets. OUBLIETTES. Or le bleu en rafale
sur nos têtes. L’enfance s’oublie. Dès l’Or

Présentation de l’auteur

Guylaine Monnier

Guylaine Monnier participe régulièrement à des revues littéraires​ (Catastrophes, Teste, Cockpit, PLI, Monologue, Doc(k)s, Olga, Ouste...)​ ​Elle a notamment écrit Albums, chez Daïmon et Un jour demain, chez Pupilles Vagabondes. Elle affectionne le dialogue entre forme et texte, l’écriture en mouvement (performance, vidéopoème). Elle organise des événements comme TAPAGE (set de poésie/DJ, Point Éphémère), MéduZine, et anime la revue de poésie RADICAL(E).

Sur Internet : https://www.gmonnier.com

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