Guylaine Monnier, Dans un tel pot de terre, extraits

Par |2023-11-06T11:25:04+01:00 2 novembre 2023|Catégories : Guylaine Monnier, Poèmes|

Il dit que tout ce qui se regarde est résol­u­ble en petite part. C’est ce qui rend 
le sou­venir plus vague, qui ne peut se résoudre comme un brouil­lard en pluie. 
Trop vague pour que le moin­dre élé­ment ne s’en détache. Du brouil­lard renaître 
la pluie. Du brouil­lard renaître la mer. Il pour­rait recom­pos­er chaque partie ; 
d’une seule solu­tion, extraire la che­nille et le papillon

*

Nous sommes les chimères, comme sont faits les embruns : de vents, d’océans et 
du bris des lames. Il l’ignore. Lors de la grossesse, la mère reçoit des cellules 
fœtales, vice ver­sa. Elles se logent dans l’autre, cerveau, poumon, peau et cœur. 
Elles y demeureront une dizaine d’années, par­fois davan­tage. Chimère l’un de 
l’autre, vipère et lion tout à la fois. Et pour forêt qui abrite ses chairs : 
— Arrête de te cacher der­rière les arbres comme ça. Le jour où tu disparaîtras 
vrai­ment, je te ver­rai der­rière tous les arbres

*

Les igno­rants se taisent. L’endroit per­du est oublié. On le dit au cœur bat­tant de 
l’ailleurs. Nus et blot­tis, ils ne s’en sou­vi­en­nent plus. Il y a des forces extérieures  
qui ont redis­tribué l’ordre, puis toutes sortes de couleurs qui ont requal­i­fié les 
formes et leur syn­taxe. Sans elles, elle le garderait sur la peau. Il fini­rait par y 
verdir, il avalerait l’amande et son germe vert

*

Le ciel de mon enfance est bleu. Or les jupes relèvent les bleus. Les couleurs du 
monde dis­ent une enfance. Or l’enfance dis­tribue ses bleuets. Il mit les bleuets au 
fond de sa poche. En grappe et en capit­ule sur la peau aucune trace. Or les poches 
se per­cent les couleurs se répan­dent. Les nuits de mon enfance n’étaient pas 
pierre. Il prit la pierre et la mit dans sa poche. Or les pier­res se roulent. Hors des 
poches le dernier pétale et la pierre roulée

*

Qui s’obstine. Les bleuets trébuchent dans les ombres bleues. C’est que le monde 
garde ses couleurs. Or les couleurs du monde se per­cent. Or le monde distribue 
ses bleus. Les coqueli­cots ne fraient plus avec les blés les bleuets, les bleuets ne 
se cueil­lent plus dans les champs les bleuets. OUBLIETTES. Or le bleu en rafale 
sur nos têtes. L’enfance s’oublie. Dès l’Or

Présentation de l’auteur

Guylaine Monnier

Guy­laine Mon­nier par­ticipe régulière­ment à des revues littéraires​ (Cat­a­stro­phes, Teste, Cock­pit, PLI, Mono­logue, Doc(k)s, Olga, Ouste…)​ ​Elle a notam­ment écrit Albums, chez Daï­mon et Un jour demain, chez Pupilles Vagabon­des. Elle affec­tionne le dia­logue entre forme et texte, l’écriture en mou­ve­ment (per­for­mance, vidéopoème). Elle organ­ise des événe­ments comme TAPAGE (set de poésie/DJ, Point Éphémère), MéduZine, et ani­me la revue de poésie RADICAL(E).

Sur Inter­net : https://www.gmonnier.com

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