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Sonnet Modal, poète indien

Bengali, fondateur des Chair Poetry Evenings et de The Enchanting Verses Literary Review, Sonnet Mondal (1990-) promène ses poèmes sur le net, sur le papier et physiquement, de la Macédoine à la Turquie, de la Suède au Nicaragua et dans de nombreuses universités américaines.

Pour lui, la poésie, plus que le roman, est le fer de lance de la littérature indienne contemporaine. Il milite pour le renouveau de la poésie bengalie et la perpétuation de la poésie indienne, entre autres en anglais, mais pas seulement ; à l’instar de nombre de poètes indiens d’aujourd’hui, il considère que c’est au niveau des traductions entre langues indiennes que se passent les échanges les plus significatifs. Sa poésie, qui peut être intimiste, se révèle très engagée à d’autres moments. Positive et enthousiaste à son heure, il lui arrive d’adopter un autre ton lorsque son auteur tacle la guerre, notre époque et ses travers : Sonnet s’implique dans le monde ​actuel, littéraire ou pas, et, comme certains de ses condisciples et compatriotes, mène de front un militantisme poétique acharné et un militantisme politique désabusé.  

La poésie indienne anglophone, qui n’a pas en France le rayonnement qu’elle mérite, se targue de ses propres traditions et qualités lyriques, de ses propres approche et style.

Art bouddhique, Hevajra Mandala, -500 avant Jésus Christ, Arpoma.com.

Depuis l’Anglo-Indien d’origine portugaise Henry Louis Vivian Derozio (1809-1831), premier représentant de cette tradition, jusqu’aux contemporains comme Sonnet Mondal, en passant par Toru Dutt (1856-1877), une Bengalie qui écrivait en anglais et en français, Nissim Ezekiel (1924-2004), issu de la communauté des Bene Israel à Bombay, A.K. Ramanujan (1929-1993), fervent défenseur des dialectes, et Jayanta Mahapatra (1928-), qui en 2015 a refusé sa Padma Shri en signe de protestation contre la montée de l’intolérance en République indienne, elle s’est imposée partout.

Toutefois, dans la mesure où la confrontation entre l’anglais censément officiel et l’anglais indien (ou hinglish), directement perceptible par le lecteur britannique ou américain, ne l’est pas par le francophone, le passage en français est délicat, tant il est mal vu à Paris de “déformer” notre langue. Qu’à cela ne tienne, voici des poèmes de Sonnet Mondal présentés ici sans insister sur leurs idiosyncrasies passagères ; à un avenir incertain (quand la francophonie sera moins métropolocentrée) reviendra de mieux souligner en quoi l’hinglish diffère du brexitien, lui apporte un charme et une force qui l’enrichissent.

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POEMS/POÈMES

Traduit de l’anglais (Inde) par Bernard Turle

 

Strange Meetings

 

Sometimes we run into someone
just for once in our lives

and our bones refuse 
to fit inside the skin

the same way.

Plans proceed as waves
and recede as doubts.

 A  fleeting joy.  
with gnawing pangs
of apprehension

 the stretch between 
experience and fear

seems like the time taken by a  fish
to reveal and conceal itself

in front of a  fish hook.

 

 

 

 

 

Singulières rencontres

 

Parfois nous croisons quelqu’un
une seule fois dans notre vie

et nos os rechignent
à se remettre en place

dans notre chair.

Des projets fusent en houles
et refluent en doutes.

Joie passagère,
tourment pétri
d’appréhension,

l’abîme entre 
expérience et peur

est tel l’instant où le poisson
se montre puis se défile

confronté à l’hameçon.

 

Locked

 

Sometimes 
the iron in a lock 
must be thinking
why was I moulded
into something as such!

 A life that came
with boldness
got swept into
isolation — by the tongue
of a melancholic rust

hanging like a slave
to the will of the key
and fingers.

 

Verrouillé

 

Parfois 
le fer d’un cadenas
doit se demander :
pourquoi m’a-t-on
modelé ainsi ?

Une vie pleine
d’allant
fut recluse
par la languette
d’une rouille taciturne,

soumise, esclave
du bon vouloir d’une clé
et de doigts.

 

 

 

The Ragpicker

 

It was amazing how
the little girl came
to me and asked 
for a coin.

The world is 
throwing less wastes,
it seems.

Earlier ragpickers
were reticent 
or perhaps I am
a dustbin 
of riches now.

 

 

 

 

 

La petite chiffonnière

 

Étonnante, la façon
qu’eut la fillette
de venir à moi,
réclamant une pièce.

Le monde
rejette moins de détritus,
semblerait-il.

Les chiffonniers d’avant
étaient plus réservés
ou suis-je devenu
une poubelle 
de riche ?

 

From Tushar’s Apartment [Malabar Hills, Mumbai]

 

A stable flute pushes me
and a drunken gale retaliates.

My life drifts     like a stranded kite
between the melodious and the mysterious.

Nature gazes like a winsome stranger 
strolling     dancing     jumping
like the Bauls of Bengal.

Chirrups of mystic birds 
ride on the chariot of the sea
pulled to the shore by its horses.

Thoughts     in an intercourse
with naked wave
scream of a world lost in lust.

Hypnotism of the inconclusive
charms me into the grey
of pregnant clouds and pensive waves.

In front of paradoxical nature-sounds.         
                       I realize
My mind is heavier than my soul.
      What seemed impossible 
               was always possible.

Dear Nature — I am thinking
if to marry you 
or, keep you as an escort!

 

 

La vue depuis l’appartement de Tushar [Malabar Hills, Mumbai]

 

Une flûte étale me pousse de l’avant
puis un coup de vent ivre riposte.

Ma vie louvoie   cerf-volant ballotté
de mélodies en mystères.

Séduisante inconnue   la nature observe
flâne   danse   saute
tels les Bâuls du Bengale.

Des oiseaux mystiques pépient
montés sur le chariot marin
tiré par ses hongres jusqu’à la grève.

Mes pensées    accouplées
à des vagues nues
entonnent un univers plongé dans la luxure.

L’hypnose du non-concluant
me happe dans la grisaille
de nuées enceintes et de flots songeurs.

Face aux sons contradictoires de la nature
                          je comprends
que mon esprit pèse plus que mon âme.
      Ce qui semblait impossible 
                a toujours été possible.

Nature chérie — je m’interroge :
Dois-je t’épouser
ou te garder comme escort ?

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉFÉRENCES

 

Sonnet Mondal | Site personnel
www.sonnetmondal.com

Directeur| Chair Poetry Evenings, Kolkata
www.chairpoetryevenings.org

Rédacteur en chef | The Enchanting Verses Literary Review
www.theenchantingverses.org

Rédacteur Inde | Lyrikline Poetry Archive, Berlin (Haus für Poesie)
https://www.lyrikline.org/
https://www.lyrikline.org/en/partner/ 

 

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Les contributions de Bernard Turle

Présentation de l’auteur

Sonnet Mondal

Born and brought up in Kolkata, West Bengal, Sonnet Mondal is an Indian poet, literary curator, editor, and author of Karmic Chanting (Copper Coin 2018), Ink and Line​ (Dhauli Books, 2018) and five other books of poetry. He has read at literary festivals in Macedonia, Ireland, Turkey, Nicaragua, Sri Lanka, Germany, Italy, Ukraine, Hungary, and Slovakia. His writings have appeared in several publications across Europe, North America, Asia, and Australia. Recent works have appeared in the Xavier Review, Kyoto Journal, Rochford Street Review, McNeese Review, Irish Examiner, Palestine Chronicle, Indian Literature, and Asia Literary Review.

Mondal was one of the authors of the “Silk Routes” project of the International Writing Program at the University of Iowa from 2014 to 2016. Founder director of Chair Poetry Evenings International festival, Mondal edits the Indian section of Lyrikline Poetry Archive (Haus für Poesie, Berlin) and serves as the editor in chief of Enchanting Verses Literary Review. His works have been translated into Hindi, Italian, Chinese, Turkish, ​Slovak, Macedonian, Slovenian, Hungarian, and Arabic.

 

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