Sonnet Modal, poète indien

Par |2020-02-02T12:38:47+01:00 5 janvier 2020|Catégories : Essais & Chroniques, Sonnet Mondal|

Ben­gali, fon­da­teur des Chair Poet­ry Evenings et de The Enchant­i­ng Vers­es Lit­er­ary Review, Son­net Mon­dal (1990-) promène ses poèmes sur le net, sur le papi­er et physique­ment, de la Macé­doine à la Turquie, de la Suède au Nicaragua et dans de nom­breuses uni­ver­sités américaines.

Pour lui, la poésie, plus que le roman, est le fer de lance de la lit­téra­ture indi­enne con­tem­po­raine. Il milite pour le renou­veau de la poésie ben­galie et la per­pé­tu­a­tion de la poésie indi­enne, entre autres en anglais, mais pas seule­ment ; à l’instar de nom­bre de poètes indi­ens d’aujourd’hui, il con­sid­ère que c’est au niveau des tra­duc­tions entre langues indi­ennes que se passent les échanges les plus sig­ni­fi­cat­ifs. Sa poésie, qui peut être intimiste, se révèle très engagée à d’autres moments. Pos­i­tive et ent­hou­si­aste à son heure, il lui arrive d’adopter un autre ton lorsque son auteur tacle la guerre, notre époque et ses tra­vers : Son­net s’implique dans le monde ​actuel, lit­téraire ou pas, et, comme cer­tains de ses condis­ci­ples et com­pa­tri­otes, mène de front un mil­i­tan­tisme poé­tique acharné et un mil­i­tan­tisme poli­tique désabusé. 

La poésie indi­enne anglo­phone, qui n’a pas en France le ray­on­nement qu’elle mérite, se tar­gue de ses pro­pres tra­di­tions et qual­ités lyriques, de ses pro­pres approche et style.

Art boud­dhique, Heva­jra Man­dala, ‑500 avant Jésus Christ, Arpoma.com.

Depuis l’Anglo-Indien d’origine por­tu­gaise Hen­ry Louis Vivian Derozio (1809–1831), pre­mier représen­tant de cette tra­di­tion, jusqu’aux con­tem­po­rains comme Son­net Mon­dal, en pas­sant par Toru Dutt (1856–1877), une Ben­galie qui écrivait en anglais et en français, Nis­sim Ezekiel (1924–2004), issu de la com­mu­nauté des Bene Israel à Bom­bay, A.K. Ramanu­jan (1929–1993), fer­vent défenseur des dialectes, et Jayan­ta Maha­p­a­tra (1928-), qui en 2015 a refusé sa Pad­ma Shri en signe de protes­ta­tion con­tre la mon­tée de l’intolérance en République indi­enne, elle s’est imposée partout.

Toute­fois, dans la mesure où la con­fronta­tion entre l’anglais cen­sé­ment offi­ciel et l’anglais indi­en (ou hing­lish), directe­ment per­cep­ti­ble par le lecteur bri­tan­nique ou améri­cain, ne l’est pas par le fran­coph­o­ne, le pas­sage en français est déli­cat, tant il est mal vu à Paris de “déformer” notre langue. Qu’à cela ne tienne, voici des poèmes de Son­net Mon­dal présen­tés ici sans insis­ter sur leurs idio­syn­crasies pas­sagères ; à un avenir incer­tain (quand la fran­coph­o­nie sera moins métropolo­cen­trée) revien­dra de mieux soulign­er en quoi l’hinglish dif­fère du brex­i­tien, lui apporte un charme et une force qui l’enrichissent.

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POEMS/POÈMES

Traduit de l’anglais (Inde) par Bernard Turle

 

Strange Meet­ings

 

Some­times we run into someone
just for once in our lives

and our bones refuse 
to fit inside the skin

the same way.

Plans pro­ceed as waves
and recede as doubts.

 A  fleet­ing joy. 
with gnaw­ing pangs
of apprehension

 the stretch between 
expe­ri­ence and fear

seems like the time tak­en by a fish
to reveal and con­ceal itself

in front of a  fish hook.

 

 

 

 

 

Sin­gulières rencontres

 

Par­fois nous croi­sons quelqu’un
une seule fois dans notre vie

et nos os rechignent
à se remet­tre en place

dans notre chair.

Des pro­jets fusent en houles
et reflu­ent en doutes.

Joie pas­sagère,
tour­ment pétri
d’appréhension,

l’abîme entre 
expéri­ence et peur

est tel l’instant où le poisson
se mon­tre puis se défile

con­fron­té à l’hameçon.

 

Locked

 

Some­times 
the iron in a lock 
must be thinking
why was I moulded
into some­thing as such!

 A life that came
with boldness
got swept into
iso­la­tion — by the tongue
of a melan­cholic rust

hang­ing like a slave
to the will of the key
and fingers.

 

Ver­rouil­lé

 

Par­fois 
le fer d’un cadenas
doit se demander :
pourquoi m’a‑t-on
mod­elé ainsi ?

Une vie pleine
d’allant
fut recluse
par la languette
d’une rouille taciturne,

soumise, esclave
du bon vouloir d’une clé
et de doigts.

 

 

 

The Rag­pick­er

 

It was amaz­ing how
the lit­tle girl came
to me and asked 
for a coin.

The world is 
throw­ing less wastes,
it seems.

Ear­li­er ragpickers
were reticent 
or per­haps I am
a dustbin 
of rich­es now.

 

 

 

 

 

La petite chiffonnière

 

Éton­nante, la façon
qu’eut la fillette
de venir à moi,
récla­mant une pièce.

Le monde
rejette moins de détritus,
semblerait-il.

Les chif­fon­niers d’avant
étaient plus réservés
ou suis-je devenu
une poubelle 
de riche ?

 

From Tushar’s Apart­ment [Mal­abar Hills, Mumbai]

 

A sta­ble flute push­es me
and a drunk­en gale retaliates.

My life drifts     like a strand­ed kite
between the melo­di­ous and the mysterious.

Nature gazes like a win­some stranger 
strolling     danc­ing     jumping
like the Bauls of Bengal.

Chirrups of mys­tic birds 
ride on the char­i­ot of the sea
pulled to the shore by its horses.

Thoughts     in an intercourse
with naked wave
scream of a world lost in lust.

Hyp­no­tism of the inconclusive
charms me into the grey
of preg­nant clouds and pen­sive waves.

In front of para­dox­i­cal nature-sounds. 
                       I realize
My mind is heav­ier than my soul.
      What seemed impossible 
               was always possible.

Dear Nature — I am thinking
if to mar­ry you 
or, keep you as an escort!

 

 

La vue depuis l’appartement de Tushar [Mal­abar Hills, Mumbai]

 

Une flûte étale me pousse de l’avant
puis un coup de vent ivre riposte.

Ma vie lou­voie   cerf-volant ballotté
de mélodies en mystères.

Séduisante incon­nue   la nature observe
flâne   danse   saute
tels les Bâuls du Ben­gale.

Des oiseaux mys­tiques pépient
mon­tés sur le char­i­ot marin
tiré par ses hon­gres jusqu’à la grève.

Mes pen­sées    accouplées
à des vagues nues
enton­nent un univers plongé dans la luxure.

L’hypnose du non-concluant
me happe dans la grisaille
de nuées enceintes et de flots songeurs.

Face aux sons con­tra­dic­toires de la nature
                          je comprends
que mon esprit pèse plus que mon âme.
      Ce qui sem­blait impossible 
                a tou­jours été possible.

Nature chérie — je m’interroge :
Dois-je t’épouser
ou te garder comme escort ?

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉFÉRENCES

 

Son­net Mon­dal | Site personnel
www.sonnetmondal.com

Directeur| Chair Poet­ry Evenings, Kolkata
www.chairpoetryevenings.org

Rédac­teur en chef | The Enchant­i­ng Vers­es Lit­er­ary Review
www.theenchantingverses.org

Rédac­teur Inde | Lyrik­line Poet­ry Archive, Berlin (Haus für Poesie)
https://www.lyrikline.org/
https://www.lyrikline.org/en/partner/ 

 

Présentation de l’auteur

Sonnet Mondal

Born and brought up in Kolkata, West Ben­gal, Son­net Mon­dal is an Indi­an poet, lit­er­ary cura­tor, edi­tor, and author of Karmic Chant­i­ng (Cop­per Coin 2018), Ink and Line​ (Dhauli Books, 2018) and five oth­er books of poet­ry. He has read at lit­er­ary fes­ti­vals in Mace­do­nia, Ire­land, Turkey, Nicaragua, Sri Lan­ka, Ger­many, Italy, Ukraine, Hun­gary, and Slo­va­kia. His writ­ings have appeared in sev­er­al pub­li­ca­tions across Europe, North Amer­i­ca, Asia, and Aus­tralia. Recent works have appeared in the Xavier Review, Kyoto Jour­nal, Rochford Street Review, McNeese Review, Irish Exam­in­er, Pales­tine Chron­i­cle, Indi­an Lit­er­a­ture, and Asia Lit­er­ary Review.

Mon­dal was one of the authors of the “Silk Routes” project of the Inter­na­tion­al Writ­ing Pro­gram at the Uni­ver­si­ty of Iowa from 2014 to 2016. Founder direc­tor of Chair Poet­ry Evenings Inter­na­tion­al fes­ti­val, Mon­dal edits the Indi­an sec­tion of Lyrik­line Poet­ry Archive (Haus für Poe­sie, Berlin) and serves as the edi­tor in chief of Enchant­i­ng Vers­es Lit­er­ary Review. His works have been trans­lat­ed into Hin­di, Ital­ian, Chi­nese, Turk­ish, ​Slo­vak, Mace­don­ian, Sloven­ian, Hun­gar­i­an, and Arabic.

 

Poèmes choi­sis

Autres lec­tures

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Bernard Turle

Ancien élève de l’École Nor­male Supérieure de Saint-Cloud, tra­duc­teur boulim­ique, BERNARD TURLE, Prix Baude­laire, Prix Coin­dreau, traduit des auteurs anglo­phones des cinq con­ti­nents, entre autres Peter Ack­royd, Mar­tin Amis (Prix du Meilleur Livre étranger 2015 avec La Zone d’intérêt), André Brink, Alan Hollinghurst (Prix du Meilleur Livre étranger 2013 avec L’Enfant de l’étranger), T.C. Boyle et des romanciers indi­ens tels que Jeet Thay­il, Manu Joseph, Sud­hir Kakar ou Rana Das­gup­ta (Prix Guimet du Meilleur Livre asi­a­tique 2017 avec Del­hi Cap­i­tale). Directeur de fes­ti­val (1997–2011), il a mon­té des œuvres comme The Beggar’s Operade John Gay dans sa pro­pre adap­ta­tion et tra­vail­lé avec des musi­ciens bri­tan­niques et indi­ens. Pour le vingtième anniver­saire du fes­ti­val défunt, il a organ­isé une ren­con­tre inter­na­tionale de poésie en 2017. Avec, entre autres, sa com­plice de scène, la com­positrice Véronique Sou­ber­bielle, il s’est fait libret­tiste et paroli­er (ils ont pro­duit ensem­ble le cd Veroni­ka Vox, 2016). De sa longue pra­tique de la tra­duc­tion est sor­ti un fas­ci­cule bilingue sur l’intimité du tra­duc­teur, Diplo­mat, Actor, Trans­la­tor, Spy (traduit par Dan Gunn, Cahi­er Series, Sylph Editions/Université Améri­caine de Paris, 2013). D’autres livres pub­liés sous son nom (Une heure avant l’attentat, Autop­sie d’une inquié­tude) lui ont don­né l’occasion de réu­nir ses exis­tences par­al­lèles en écrivant, entre autres, sur l’Inde et sa Provence natale.
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