1

Valérie Canat De Chizy, La langue des oiseaux

Bel hymne à la vie, à la marche que cette "Langue des oiseaux" que la poète a perdue, devenant à quatre ans sourde.

Tout ce livre, un récit vraiment poétique, tente de circonscrire la douleur que fut cette surdité soudaine. Et le livre est aussi une belle résilience - reconstruction intime au bord des sons disparus, à l'écoute cependant de toutes les beautés du monde.

Dans une langue douce, sereine, mais qui n'isole pas les âpretés, la poète relate, réfléchit, accorde ses mots aux expériences négatives et positives de sa vie. Attribuant à la "marche", un pouvoir de réparation du réel (dans le sens anthropologique que lui offre l'essayiste Pierre Sansot), le livre dispense une vraie joie à se (re)connaître en dépit de la surdité, en dépit des affres, en dépit de tout ce qui fut perdu.

Dans un style qui donne tout son or à la description de la nature, des saisons, la poète consigne un travail de sape : elle rejoint ainsi la petite de quatre ans qui "entendait" tout; elle peut de nouveau lui tendre la main et renouer passé/présent, grâce à l'inouïe beauté des mots et des poèmes.

"Marcher, c'est ouvrir quelque chose à l'intérieur de soi", dit-elle si justement. C'est aussi initier le lecteur à autre chose, comme découvrir un nouveau pays.

Par l'expérience intime, la ferme, son chat Osiris, sa vie dans la nature, Valérie Canat de Chizy porte attention aux "manifestations du renouveau".

Valérie CANAT DE CHIZY, La langue des oiseaux, éd. Henry, coll. La main aux poètes, 2023, 48 p., 10 euros. Vignette de couverture d'Isabelle CLEMENT.

Son livre assure que la littérature est aussi un domaine du partage, celui des émotions essentielles.

Sans pathos, avec cette mise à distance indispensable, le livre nous enjoint à être proche de notre expérience, de notre vie.

Présentation de l’auteur

Valérie Canat de Chizy

Valérie Canat de Chizy est  bibliothécaire à Lyon. Ses premières publications paraissent en 2006 chez Encres vives. D’autres recueils suivront: "Entre le verre et la menthe" chez Jacques André éditeur en 2008, "Même si" au Pré # carré en 2009, "Pierre noire" aux éditions de l’Atlantique en 2010. Depuis 2005, elle assure des recensions pour la revue Verso. Elle est en outre présente dans diverses revues de poésie.
Son blog: http://verrementhe.blogspirit.com

© Crédits photos (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

Autres lectures

Valérie Canat de Chizy, caché dévoilé

Valérie Canat de Chizy semble écrire pour tenir ouverte la porte de ses nostalgies, pour ne  pas s’enfuir définitivement  dans les terres du passé, dans ses refuges et lieux de retraite où risquerait [...]




Autour des Editions La Porte : Estelle Fenzy, Valérie Canat de Chizy et Marie-Noëlle Agneau, Michèle Nosbaum

Estelle Fenzy, Mon corps c’est ta maison 

9 courts poèmes en deux parties constituent le recueil : Filles légères et Mon corps c’est ta maison ; cette deuxième partie, donne le titre au recueil. Des mots pour dévoiler la sensualité de la vie quand elle accueille la démesure, que l’insolence du désir habite en notre existence et que l’âme se met à nu, le corps est maison, abri ou terre de refuge. Une poésie qui fait écho aux vers de R G Cadou quand en la maison d’Hélène les oiseaux faisaient leurs nids. En ce corps de « terre insolente » « les oiseaux n’ont pas besoin de nid », tout est offrande. D’une ode à l’autre, la femme en son règne végétal, féconde et l’amour et la poésie.

Estelle Fenzy, Mon corps c’est ta maison, La Porte, 2018.

Extrait

Jours de liesse et nuits heureuses
semés de lampes sombres
Dans l’obscurité s’écrivent l’amour, les poèmes.

 

 

 

 

Valérie Canat de Chizy et Marie- Noëlle Agniau, Le poème correspondant 

 

Qui de l’une ou de l’autre écrit ? Peu importe, les poèmes se succèdent en une ondulation poétique et végétale ; en écho les mots de l’une et de l’autre.

Des poèmes comme des tableaux impressionnistes, par petites touches des paysages intérieurs pour dire la vie qui s’écoule, qui fait son nid en des saisons d’ombre et de lumière. Au fil de l’eau, les poèmes nous emportent et se répondent, un mot ou deux de l’une et naît le poème de l’autre. On retrouve comme pour les duos poétiques d’Arlette Chaumorcel et Jean-Claude Coiffard, une même connivence poétique entre deux poètes dont l’écriture proche constitue l’unité du recueil.

Ecouter l’autre, lire l’autre et se promener dans ses paysages intimes puis écrire pour laisser aussi ses empreintes et entrevoir l’espace qui l’habite ; déployer ses souvenirs, être l’arbre, le sable, la feuille, la mer, le soleil…

Valérie Canat de Chizy et Marie- Noëlle AgniauLe poème correspondant, La Porte, 2017.

Extraits (poèmes de l’une et de l’autre…)

 

Si tu es lettre que je guette                                                            La lettre dans la boîte

bien solide sur mes jambes                                                           porte plus que des mots

 

sache qu’elles tremblent                                                                sans l’ouvrir à distance

comme ombre dans le vent                                                             je devine sa présence

 

Quand paraît ton nom                                                                    porteuse de pépites

si tu es quelqu’un d’autre                                                              grains de lumière

 

sache que je veux des livres réels                                                  c’est de cela

avec des pages réelles                                                                   dont je dois me nourrir

et des mains réelles pour les tenir.

                                                                                                       le papier est neutre

Si tu n’es rien                                                                                 mais empreint de bonté.

je peux rêver

 

et faire craquer dans mes dents

l’aigre-doux d’une voyelle.

 

 

 

 

Michèle Nosbaum, Poèmes

La poésie de Michèle Nosbaum est ode à la nature, à la douceur, au temps qui passe ; c’est une poésie qui appelle à la méditation, elle nous emporte sur des « chemins de traverse », elle est portée par une « mélancolie discrète » que la lumière ne cesse d’éclairer. Les mots comme des flammes jaillissent au cœur de la nuit, une poésie qui « célèbre la fragilité de l’instant ».

 

Extrait

 

 Il faut allumer le feu
Avant de promettre 
La lumière
Penser chaque note
Pour donner l’accord parfait.
La chorégraphie du paysage
Les ailes qui l’écrivent
Et ces petits pas
Qui rythment le temps
Entre ciel et terre. 

 

 




Valérie Canat de Chizy, caché dévoilé

Valérie Canat de Chizy semble écrire pour tenir ouverte la porte de ses nostalgies, pour ne  pas s’enfuir définitivement  dans les terres du passé, dans ses refuges et lieux de retraite où risquerait de se dépeupler le présent.

je fais l’ours
je creuse un trou
dans la terre
branches de sapin
feuilles de houx
je me recroqueville
dans ma peau
lovée tel un foetus
dans sa poche d’eau (26)

 

Valérie Canat de Chizy, caché dévoilé, Jacques
André Éditeur, coll. Poésie XXI, 2019.

Les scènes figées dans les yeux de l’enfance, aussi vivaces que les boutons d’or / que l’on faisait déteindre / sur la peau (60) reviennent dans ses textes comme une tendre ritournelle, une saveur qui donne un parfum particulier à sa poésie. C’est par ces retours en terre d’enfance qu’elle veut nous dire « le goût profond de ce qu’elle aime » en résonance avec le poème de d’Hèlène Cadou qu’elle a choisi de mettre en exergue de son livre.

Ses poèmes disent les rêves lorsqu’ils déposent délicatement les mots sur la page avec la langue sobre que tissent les émois. Et derrière ces mots tout un monde de sentiments obscurs, de sensations de vide : au dedans le blanc s’installe écrit-elle.

 

des feuilles mortes 
Jonchent le sol
C’est la saison du déclin
Les arbres se teintent
De rouge et d’ocre 
( 62)

 

Un monde où la mort se donne à ventre ouvert, dans une immensité ponctuée de quelques touches de soi aux prises avec l’absence dévorante, avec une conscience douloureuse de ce qui est à jamais perdu, pourtant figé là dans l’éternité d’une histoire, son histoire. Les végétaux et minéraux pénètrent l’intimité organique, l’enlacent sans effusion, avec une douce sensualité, tapissent de pétales les parois du corps : des paquerettes / sortent de ma peau… des rocailles chaudes / à l’intérieur / la poitrine / couverte de verdure.

La tristesse ainsi fleurit comme un paysage intérieur, un profond chagrin qui semblait inconsolable et pourtant d’où jaillissent des éclats de rire, la sensation d’être abreuvé. Une étincelle parfois / allume le feu  (25) dans la surprise d’un instant d’apaisement, d’un moment de bonheur : …devant les roses / aux pétales d’orange / le cœur monte / déborde dans le vase (38).  Pourtant jamais la tristesse du temps ne désserre son étreinte.

Ainsi la poésie de Valérie Canat de Chizy se faufile à l’intérieur même du chaos en une profusion de pétales pour sentir le monde vibrer : je laisse éclore / de minuscules fleurs/ écrit-elle « présences ténues / aux abords du monde / le sens se tisse / loin des hommes / la vie palpite / jointure entre ciel et océan (55)

Caché dévoilé est un recueil d’une grande justesse, d’une juste authenticité. Ce recueil nous donne à lire une poésie qui saisit la vie là où elle se vit comme une vague va et vient, berce l’âme. L’écriture de Valérie Canat de Chizy se dévoile sans oser véritablement le faire, touche le bord des choses, le bord d’elle même sans doute pour ne pas trop creuser, atteindre trop fortement le fond de ce qu’elles voudraient lui dire.

Elle est aveu sur les blessures du temps toujours en alerte, sur le vécu de la différence. Faut-il fuir, faire semblant d’être une autre, redevenir petite ?  Ou alors peut-être comme elle le dit de façon si touchante accepter /cette part de moi / juste être / au fond pas si différente / mal accomodée (36).

Une écriture qui nait de l’enfance, revient tout près de ses terres pour tenter de s’en extraire. De s’en dégager un peu.

Cette écriture nous appelle à une lenteur quasi contemplative pour mieux prendre la mesure de la présence vivante des objets et petits riens du quotidien, de la légèreté d’une feuille, de la volatilité des cendres. Pour mieux s’arrêter sur la fissure.

Une poésie qui se murmure comme se murmure l’amour à l’oreille des amants. 

 

 

 

 

 

Présentation de l’auteur

Valérie Canat de Chizy

Valérie Canat de Chizy est  bibliothécaire à Lyon. Ses premières publications paraissent en 2006 chez Encres vives. D’autres recueils suivront: "Entre le verre et la menthe" chez Jacques André éditeur en 2008, "Même si" au Pré # carré en 2009, "Pierre noire" aux éditions de l’Atlantique en 2010. Depuis 2005, elle assure des recensions pour la revue Verso. Elle est en outre présente dans diverses revues de poésie.
Son blog: http://verrementhe.blogspirit.com

© Crédits photos (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

Autres lectures

Valérie Canat de Chizy, caché dévoilé

Valérie Canat de Chizy semble écrire pour tenir ouverte la porte de ses nostalgies, pour ne  pas s’enfuir définitivement  dans les terres du passé, dans ses refuges et lieux de retraite où risquerait [...]