Gaël Tissot, Trois géographies
Géographie de l'aube
Ne serait l'aube inachevée
les trajectoires
cité qui se déploie
dans les contours d'une carte à venir
deux rues parallèles bien que courbes
la germination lente des passages
nefs
arcades
rayonnement magnétique des vies qui l'habitent.
À l'étrave des heures
le vent tari des paroles.
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Il me faut arpenter le jour
pour qu'enfin cède
au corps dérivant
la ville
se renouent l'air et les méandres de papier
pour que survienne l'ancrage des fleuves
se révèlent les lignes invisibles des toits
pour qu'enfin disparaissent
le silence
et les peurs amarrées.
Géographie de l'impasse
Il me faudra marquer les impasses,
les passages impossibles,
ce qui hésite
l'avancée de la rue dans la masse fluide des bâtiments
peu à peu rétrécit
oblique le temps
les angles désagrégés, le resserrement de parois dont le rythme se fait plus rapide
puis
la fin
le regard sur ce qui bloque
mur
arche
portes aux couleurs basses.
De la rue en suspens, le désir plus loin
lueur peut-être
ou clés perdues de l'existence.
//
Je raconterai la main qui tremble, l'impuissance à poursuivre une terre qui recule.
Je raconterai la volonté contre le bloc
renonce
et le corps se retourne
cède à l'issue opposée
qu'il faudra prendre.
Se percute la peur
les jours sans suite, sans espérance autre que le report sur la carte d'une voie qui se ferme
ligne dans le geste arrêté
des pas qui butent
les zones inaccessibles
au devenir
abandonné.
Géographie de la limpidité
Je rêve parfois d'avenues larges
de simplicités évidentes
aux angles dénombrables
aux ouvertures sans failles
existence
aux détours démasqués
et j'avance
chemins aux arêtes vives
parmi d'autres marcheurs clairs
aux croisements limpides
ajustés.
//
À découvert
fixerait l'incertitude du temps
la chute des jours
par la régularité de polyèdres
d'unités simples rendues accessibles
charpentes
sans questions
dans la clarté du saillant.
Déploiement intérieur
d'une géométrie lucide
ou
le négatif d'un labyrinthe
cité idéale qui irait ample
blanche
aux murs de sel.