Guillaume Decourt, Diplomatiques
Une couverture uniformément grise et un format peu usuel, sans quatrième de couverture ni autre élément protocolaire du paratexte : Diplomatiques, publié dans la collection Trait court de Passage d’encres, propose dès l’abord un univers sémantique qui invoque le dépouillement, la discrétion, la retenue.
Et les textes égrenés aux 29 pages du recueil ne trahissent pas cette attente. Un énonciateur dont la présence s’articule à l’emploi du pronom personnel de la première personne du singulier mène le lecteur dans un univers particulier où l’anecdotique motive des poèmes dont les éléments sémantiques prennent racine dans le vécu du poète. Ainsi ces vers liminaires qui suivent la dédicace « A ma mère » qui ancre dès l’ouverture la trame textuelle dans une réalité identifiable.
(Tel-Aviv)
C’est en Israël que je commençai l’étude
Du piano auprès d’un maître de Tel-Aviv
Un vieux Juif séfarade à la méthode rude
Encore aujourd’hui mon travail des doigts raviveQuelques restes d’hébreu le goût des falafels
La plage à la bombe pendant l’Intifada
Le téléphérique aux vacances de Noël
Que nous prenions pour l’ascension de MassadaJ’aimais la musique mais surtout le clavier
Frapper fort ou bien le plus doucement possible
J’avais un don certain pour la vélocitéJouer vite et propre m’était presque naturel
Comme pour d’autres le coup de tête ou le dribble
Moi mon père me faisait écouter Brendel
Dans une forme des plus classiques, le sonnet, qui se mêle à des dispositifs textuels plus modernes, Guillaume Decourt retrace les débuts de son existence dont les étapes sont énumérées grâce à l’évocation d’une chronologie énoncée par un discours narratif qui préserve la fonction référentielle du langage. Les temps dévolus au récit permettent l’évocation de souvenirs qui sont l’occasion de consulter des personnages ayant marqué la jeunesse de l’auteur. Ainsi se mêlent les catégories génériques et la poésie devient espace autobiographique. Cette ambition magnifiquement servie par l’auteur structure le recueil. Le lecteur prend connaissance des étapes marquantes du parcours de vie du poète auteur. Et plus que questionner les frontières des typologies discursives, il semble donc que vacillent les catégorisations auctoriales. Qui parle ? Le poète ? L’auteur ? Peu importe, car nous ressentons une puissante émotion à la lecture de ces textes. Et il semble que les magnifiques fulgurances offertes par cette recollection kaléidoscopique des étapes importantes d’une vie ne soient décuplées par une mise en œuvre poétique qui, loin d’amoindrir la puissance évocatrice du langage, lui confère une dimension toute particulière.