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Louis RAOUL, Possibles lieux, extraits

À vendre, chaussures bébé, jamais portées.

                                                                                                                                                      Ernest Hemingway 

 

Paysage où l’été y passe le plus clair de son temps. Sur les chemins il n’y a que mes pas avec leur bruit qui me quitte et me revient sans cesse. Il y aura peut-être l’écho d’un passage plus en avant de ce que je pourrais voir. Des chaussures neuves et bavardes qui reviennent du marché. Puis la rencontre et la joie sur ton visage. Mais fugacité de l’instant, comme cet arbre que l’on abat et qui laisse la lumière reprendre possession du lieu. Des oiseaux passent, hésitant, il faudra se faire à l’absence d’un haut séjour.

Je me suis installé sur la hauteur, là où tant d’autres se sont assis. Et mon regard porte plus loin, comme relayé par ceux qui ne m’appartiennent pas, mais me rapprochent un peu plus de l’amande. Je t’imagine alors au plus haut d’un âge, avec ce parapluie un peu penché vers une ombre sur le chemin. Soulevé à chaque pas, un pan d’étoffe d’où le talon épie le suiveur. Tu portes un manteau de la terre aux joues, et tu marches jusqu’à l’automne. Pour une lumière à portée de sang, dans l’éclair roux d’un gibier de septembre. 

Il fait un été de plusieurs soleils, le lit asséché de la rivière dévoile l’âge de la terre, une terre si dure, que toute mise au jour est remise. Quelque part, les os d’un chasseur-cueilleur en attente de lumière. En attente aussi, l’ébauche de ton visage dans mes pensées. Je marche tout le long d’un jour immobile, l’absence me faisant cortège. J’attends l’orage pour qu’un chemin révèle tes traces, toi qui marches dans l’imaginable.   

Il y aurait eu peut-être, cette petite fièvre de printemps avec sur la table de chevet, le sirop qui fait dormir. Enfance bordée de nuages, tu aurais toussé des oiseaux. Il y aurait eu aussi ce versant d’une écharpe sur le dossier d’une chaise. Peinture d’une chambre de l’imaginable. Tu n’aurais pas pu voir par la fenêtre la montagne, comme un élan arrêté de la terre vers le ciel. Et la lune, comme un visage à l’aplomb de cette robe aux plis changeants, entre neige et ombre.

Présentation de l’auteur

Louis Raoul

Louis Raoul est né en 1953 à Paris où il réside toujours. Il a publié à ce jour de nombreux recueils dont : Démantèlement du jour (éditions Eclats d’encre), Les beaux suivants (éditions de l’Atlantique), En attendant les murs (éditions La Renverse), Pailles de pluie (éditions Alcyone) ainsi qu’un livre d’artiste en collaboration avec le peintre Guévork Aivazian (éditions Aivazian). Et a collaboré à diverses revues et anthologies.

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