Louis RAOUL, Possibles lieux, extraits

Par |2020-11-06T04:12:34+01:00 6 novembre 2020|Catégories : Louis Raoul, Poèmes|

À ven­dre, chaus­sures bébé, jamais portées.

                                                                                                                                                      Ernest Hemingway 

 

Paysage où l’été y passe le plus clair de son temps. Sur les chemins il n’y a que mes pas avec leur bruit qui me quitte et me revient sans cesse. Il y aura peut-être l’écho d’un pas­sage plus en avant de ce que je pour­rais voir. Des chaus­sures neuves et bavardes qui revi­en­nent du marché. Puis la ren­con­tre et la joie sur ton vis­age. Mais fugac­ité de l’instant, comme cet arbre que l’on abat et qui laisse la lumière repren­dre pos­ses­sion du lieu. Des oiseaux passent, hési­tant, il fau­dra se faire à l’absence d’un haut séjour.

Je me suis instal­lé sur la hau­teur, là où tant d’autres se sont assis. Et mon regard porte plus loin, comme relayé par ceux qui ne m’appartiennent pas, mais me rap­prochent un peu plus de l’amande. Je t’imagine alors au plus haut d’un âge, avec ce para­pluie un peu penché vers une ombre sur le chemin. Soulevé à chaque pas, un pan d’étoffe d’où le talon épie le suiveur. Tu portes un man­teau de la terre aux joues, et tu march­es jusqu’à l’automne. Pour une lumière à portée de sang, dans l’éclair roux d’un gibier de septembre. 

Il fait un été de plusieurs soleils, le lit asséché de la riv­ière dévoile l’âge de la terre, une terre si dure, que toute mise au jour est remise. Quelque part, les os d’un chas­seur-cueilleur en attente de lumière. En attente aus­si, l’ébauche de ton vis­age dans mes pen­sées. Je marche tout le long d’un jour immo­bile, l’absence me faisant cortège. J’attends l’orage pour qu’un chemin révèle tes traces, toi qui march­es dans l’imaginable.   

Il y aurait eu peut-être, cette petite fièvre de print­emps avec sur la table de chevet, le sirop qui fait dormir. Enfance bor­dée de nuages, tu aurais tou­ssé des oiseaux. Il y aurait eu aus­si ce ver­sant d’une écharpe sur le dossier d’une chaise. Pein­ture d’une cham­bre de l’imaginable. Tu n’aurais pas pu voir par la fenêtre la mon­tagne, comme un élan arrêté de la terre vers le ciel. Et la lune, comme un vis­age à l’aplomb de cette robe aux plis changeants, entre neige et ombre.

Présentation de l’auteur

Louis Raoul

Louis Raoul est né en 1953 à Paris où il réside tou­jours. Il a pub­lié à ce jour de nom­breux recueils dont : Déman­tèle­ment du jour (édi­tions Eclats d’encre), Les beaux suiv­ants (édi­tions de l’Atlantique), En atten­dant les murs (édi­tions La Ren­verse), Pailles de pluie (édi­tions Alcy­one) ain­si qu’un livre d’artiste en col­lab­o­ra­tion avec le pein­tre Guévork Aivaz­ian (édi­tions Aivaz­ian). Et a col­laboré à divers­es revues et anthologies.

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