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Luce Guilbaud, La perte que j’habite

Arasé. Tel est le premier mot qui m’est venu à la lecture de La perte que j’habite : écrit à ras du langage. C’est la mort qui veut cela. Face à la disparition, rien n’apparait plus – sinon le rien de la mort de l’être aimé avec qui on avait fait la vie.

Plus d’un poème décrit le monde tel qu’on le voit désormais, dans sa platitude : il est devenu muet. C’est que

jamais ne sera rendu
      l’éclat des lucioles dans la chambre ni
      le regard qui me disait vivante.

En même temps, quelque chose veut persister. Pour lui, pour soi.

je ranime le feu
avec mon souffle de vivante
c’est la flamme qui danse

Luce Guilbaud, La perte que j’habite, les Cahiers du Loup bleu, éd. Les Lieux-Dits, 2023, 44 p., 7 €.

vite rabattue

et se prépare aux cendres
mais aucun feu plus jamais

On reste là, dans l’entre-deux, ni morte ni vivante. D’où le projet du poème annoncé d’entrée :

le poème voudrait penser
ce qui a été étouffé    étranglé
ce qui s’est éteint
ce qui s’est tu

Il s’agit pour Luce Guilbaud de penser cette perte où elle se perd, qu’elle habite alors que les mots l’abandonnent. Voilà ce que l’on va suivre à la trace de notre lecture : la résurgence du poète, lestée désormais d’une absence. Tel est son combat, c’est aussi le nôtre, ou le sera un jour. Avec cette difficulté :

ce que je cherche à voir
c’est sans doute ce que je fuis

Une recherche que l’on suit page après page, dans l’attente d’un dénouement qui ne viendra pas comme on l’attendait, parsemée de bonheurs d’écriture, comme : « celui qui part avec mes clés » ; « tenir ta main dans la terre remuée » ; « le printemps sera sans réponse »…

Dans son avancée, Luce Guilbaud convoque des poètes qui l’ont tenue, Marina Tsetaïeva, Georges Séféris, Roberto Juaroz, Pascal Quignard, c’est Aragon qui aura le dernier mot, clouant sur la dernière page du poème « le lieu de nous où toute chose se dénoue ».

Et pourtant, « le sourire est toujours sur le seuil » écrit Luce Guilbaud. Ce sourire qui éclaire si bien son visage, pour qui la connaît un peu. Le mot de la fin pourrait être

Sourire pour accompagner ton départ
Vers ce pays sans nom sans réveil sans rêve

qui est le lieu décrit par Aragon. À moins que nos pensées ne soient que vanité… ces pensées que le poème devait bâtir. Comme si vivre encore serait trahir le mort… alors que, dit le poète cité, Roberto Juaroz, « vivre commence toujours maintenant »

Cette plaquette est la cinquantième parution de la collection du Loup bleu, Sylvie Turpin l’a l’illustrée avec un animal bleu comme il se doit, au regard perçant, on dirait qu’il va bientôt détaler en dehors de la couverture. Lui aussi…

 

Présentation de l’auteur

Luce Guilbaud

Luce Guilbaud est née en 1941 en Vendée. Peintre et poète, elle est professeur d'arts plastiques. Elle vit et travaille dans la région de Montargis et en Vendée.

Bibliographie

Œuvres écrites par Luce Guilbaud

  • Pierre de souche, Georges Monti, 1977.
  • La Chair à vif des roses, Le Pont de l’épée, 1978.
  • En retard d’une foudre, Le Pont de l’épée, 1984.
  • Présages et tremblements, La Bartavelle, 1989.
  • Partage du couchant, La Bartavelle, 1997.
  • Le Cœur antérieur, Le dé bleu, 1998. Couverture de Sylvie Turpin.
  • L’Homme perpendiculaire dans sa nuit, Encres vives, 1999.
  • À mon seul désir, Les petits classiques du grand pirate, 2001. Accompagnement de Sylvie Turpin.
  • Les oiseaux sont pleins de nuages, Soc et foc, 2001. Illustrations de Line Gourgues. Pour la jeunesse.
  • Rouge incertain, Le dé bleu-Écrits des forges, 2002. Couverture de Sylvie Turpin.
  • Une pluie de non retour, Dumerchez, 2002. Gravures de Sylvie Turpin.
  • Une robe de feuilles, Ficelle, no 51, Atelier V. Rougier, 2003.
  • Du sel sur la langue, Soc et foc, 2004. Illustrations de Claudine Gabin. Pour la jeunesse.
  • Comme elle dirait la mer, Tarabuste, 2004. Dessins de Christian Bonnefoi.
  • Noir et après, Éditions Alain Benoit, 2004. illustrations de Bernard Joubert.
  • Au terme de l’abeille, Ficelle, no 87, Atelier V. Rougier, 2008. Gravures de Vincent Rougier.
  • L’Enfant sur la branche, L'Idée bleue-Cadex, 2008. Illustrations de Fanny Millard. Pour la jeunesse.
  • Feuillée de vert avec retouches, Tarabuste, 2009. Frontispice de Jean-Louis Gerbaud.
  • Iris (Danièle Fournier et Luce Guilbaud), Québec, L’Hexagone, 2012.
  • Au présent d’infini, Ficelle, no 107, Atelier V.Rougier, 2012. Gravures de Vincent Rougier.
  • Nuit l’habitable ou le dit d’amour épris, Les arêtes, 2012. Accompagnement de Bernard Joubert.
  • Pas encore et déjà, suivi de Trame, Henry, 2012. Couverture d'Isabelle Clément.
  • Par les plumes de l’alouette, 2012, Corps puce, 2012. Photographies de Camille Bonnefoi. Pour la jeunesse.
  • Naviguer dans les marges, Soc et foc, 2013.Illustrations de Maïté Laboudigue. Pour la jeunesse.
  • Mère ou l’autre, Tarabuste, 2014.
  • Le Sourire du scarabée, La renarde rouge, 2014. Illustrations de Nelly Buret. Pour la jeunesse.
  • Vent de leur nom, Henry, 2015.
  • Dans mes filets, Ficelle, no 124, Atelier V.Rougier, 2016. Gravures de Vincent Rougier.
  • L'Esprit des lieux, La main qui écrit, Saint-Omer en toutes lettres, 2016.
  • Demain, l'instant du large, Lanskine, 2017.
  • Débordé pourpre, Les Lieux-Dits Éditions. Collages de Sylvie Turpin, 2020.
  • Où la chambre d'enfant, Collection Doute B.A.T., Tarabuste, 2020.
  • Perspective flottante, marais poitevin, vignettes de V. Rougier, Vincent Rougier éditions, coll. Plis urgents, 59, 2021.
  • Au bord de l'autre, gravures de Sylvie Turpin, Atelier des noyers, 2021.
  • La Perte que j'habite, ill. de Sylvie turpin, Cahiers du Loup bleu, Les Lieux-Dits éditions, 2023.

Œuvres écrites et illustrées par Luce Guilbaud

  • La Mutation des racines, SGDP, 1975.
  • L’Âge des terres fluides, Arcam, 1979 (encres).
  • Les Repaires de la nuit, Le dé bleu, 1979 (couverture illustrée).
  • Les Moustaches vertes, Farfadet, Le dé bleu, 1981 (réédition en 1986 et 1997). Pour la jeunesse.
  • La petite feuille aux yeux bleus, Farfadet, Le dé bleu, 1983 (réédition en 1998). Pour la jeunesse.
  • Dérivée, Soc et foc, 1984 (encres).
  • Le Dormeur d’épaves, Polder, Décharge, 1986 (couverture illustrée).
  • Une journée, quelques mots simples, La Bartavelle, 1992 (réédition en 1999).
  • Des fourmis dans les mots, L’épi de seigle, 1997 (couverture illustrée, réédition en 1999). Pour la jeunesse.
  • Une cigale dans la tête, Farfadet, Le dé bleu-Écrits des forges, 1998. Pour la jeunesse.
  • Autoportrait à ciel perdu, Tarabuste, 1998 (monotypes).
  • Qui ? Que ? Quoi ?, Tarabuste, 2002 (collages). Pour la jeunesse.
  • Poèmes du matin au soir, Le dé bleu-Écrits des forges, 2004 (couverture). Pour la jeunesse.
  • Sanguine, La renarde rouge, 2005 (monotypes).
  • Ici rouge-gorge, La renarde rouge, 2009 (monotypes). Pour la jeunesse.
  • Incarnat, Contre-allées, 2011.
  • Qui va là ?, Les carnets du dessert de lune, 2013 (collages). Pour la jeunesse.
  • Renouées (Amandine Marembert et Luce Guilbaud), Les éditions du petit pois, 2014 (monotypes).
  • Aux quatre orients le fleuve, Vagamundo, 2015 (encres).
  • Risques et reliques, Le cordel de Luce Guilbaud, Les arêtes, 2016 (encres).
  • Appels en absence, Les éditions du petit pois, 2017 (encre de couverture).
  • Couleurs par ci, couleurs par là, Henry (coll. Bleu marine), 2018. Pour la jeunesse.
  • Grandir plus loin, La Renarde rouge, 2018. Pour la jeunesse.
  • Qui va avec ailes, Éditions Les Carnets du Dessert de Lune, 2019. Pour la jeunesse. Prix Vercelé.
  • Amour dormant, éditions Al Manar, 2020 (2 éditions dont un livre d'artiste).
  • Mourir enfin d'amour, suivi d'Amour dormant, éditions Al Manar, 2021 (3 monotypes).
  • Sourire de Lune (anthologie), Les Carnets du dessert de lune (collection Petite lune), 2022. Pour la jeunesse.
  • Une leçon de présence, éditions Al Manar, 2023 (monotypes).

Livres d’artiste

  • Tresser les heures, poème de L. Guilbaud, photographies et réalisation plastique de Cristina de Melo, 2009.
  • Calendrier d’arbres, texte de Patrick Joquel, conception graphique et monotypes de L. Guilbaud, Éditions de la Pointe Sarène, 2009.
  • L’amour m’avait trouée vivante, poème de L. Guilbaud, réalisation plastique de Nelly Buret, Éditions Entre 2, 2010.
  • Méandres, cahier d’artiste, série 2, poème de L. Guilbaud, réalisation plastique de N. Buret, Éditions Entre 2, 2010.
  • La Foudre sur le crayon, texte de Maria Gabriela Llansol, couv. et 20 monotypes de L. Guilbaud (papier Népal pour les tirages de tête), Les Arêtes, 2010.
  • Braises, poème de L. Guilbaud, réalisation plastique de N. Buret, Éditions Entre 2, 2010.
  • Écorces et lichens, texte de Patrick Joquel, ill. de L. Guilbaud, Les cahiers du Museur, 2011.
  • Le Rien du tout, texte de Claude Vercey, ill. de L. Guilbaud, Les cahiers du Museur, 2012.
  • Exister tremble, texte de Jeanine Baude, accompagnement de L. Guilbaud, Livre pauvre, 2013.
  • Debout sur la mer, poème de L. Guilbaud, gravure de Sylvie Turpin, Les cahiers du Museur, 2013.
  • Toute une forêt, texte de Romain Fustier sur une gravure de L.Guilbaud, Livre manuscrit, chez l’artiste, 2013.
  • Quelque chose manque ou quelqu'un, poème de L.Guilbaud, gravures de N. Buret, Typographie de Fred Ouri, Éditions Entre 2, 2014.
  • Jardin d'en haut, poème de Florence Saint-Roch, 21 monotypes de L.Guilbaud (papier Népal pour les tirages de tête), Les cahiers du Museur, 2016.
  • Ces jours heureux, texte de Jeanine Baude, Monotype L. Guilbaud (Pour les 30 ans de la Maison de la poésie Rhône Alpes), 2016.
  • Laisse de mer, poème de L. Guilbaud, Gravures et conception graphique de N. Buret, Éditions Entre 2, 2017.
  • Histoire sorcière, poème de L. Guilbaud, estampes d'Yves Picquet, Éditions Double-cloche, 2018.
  • Mourir enfin d'amour, poème de L. Guilbaud, Aquarelles et mise en page de Jacky Essirard, Atelier de Villemorge, 2018.
  • Rouge à poing, texte d'Yvette Calas, La Maison ronde, 2020.
  • L'Heure d'hiver, poème de Luce Guilbaud, livre-objet d'Yves Picquet, 2021.
  • Le Dernier Pas avant la mer, Port-folio de Nelly Buret (photographies) sur un poème de L.Guilbaud, Nelly Buret éditrice, coll.A2, 2022.
  • Pluie et vent, texte de Marie Huot, Les cahiers du Museur, 2023.

Ouvrages accompagnés par Luce Guilbaud

  • Jean-Gabriel Cosculluela, L’affouillé, Jacques Bremond, 1980.
  • Jean-Pierre Georges, Dizains disette, Le dé bleu, 1987.
  • Jacques Brémond, Cette ville aux quinze portes, La Bartavelle, 1990.
  • Jacques Charpentreau, Musée secret, Les éditions Serpenoise, Presses universitaires de Nancy, 1992.
  • Jacqueline Held, Ton chat t’écoute, Le dé bleu, Farfadet, 1994.
  • Catherine Mafaraud, Ombres de dos en plein soleil, Alain Benoist, 2002.
  • Anne-Marielle Wilwerth, "Démesurément la lumière", L’Arbre à paroles, 2003.
  • Joël Bastard, Papillotes sans chocolat, Rougier, Ficelle, no 71, 2006.
  • Colette Andriot, Pattes d’oiseaux pattes de chat, La renarde rouge, 2007.
  • Yves-Jacques Bouin, Elle ne passe jamais bien loin, Mazette, 2010.
  • Danielle Terrien, Traces vertes, Rougier, Ficelle, 2010.
  • Cécile Oumhani, Cités d’oiseaux, La lune bleue, 2011.

Présence dans les anthologies

  • Enfance et poésie, Jacques Charpentreau, Éditions ouvrières, coll. L'Enfance heureuse, 1972.
  • Quelques poètes poitevins d'aujourd'hui, Menanteau, Valensol, 1978.
  • En Vendée voilà, Le dé bleu, 1991.
  • Êtres femmes, Le Temps des cerises et Écrits des forges, 1999.
  • L’Évidence d'aimer, Louis Dubost, Le dé bleu, 2000.
  • Poèmes à lire et à rêver, Seuil jeunesse, 2003.
  • Les plus beaux poèmes d'hier et d'aujourd'hui: le florilège de Fleurs d'encre, J.Charpentreau, Hachette, 2004.
  • Ce que disent les mots, Pierre Maubé, Éclats d'encre, 2004.
  • Drôles d'oiseaux, un livre, un CD, Didier jeunesse, 2006.
  • Si le rouge disparaissait, Le Temps des cerises, 2010.
  • La Fête de la vie, Das Fest des Lebens, En forêt, im Wald, 2011.
  • Enfance, Rue du monde, 2012.
  • La vie funambule, Montini-Carpentier, Couleur livres, ill. de L. Guilbaud, 2013.
  • Jouer avec les poètes, Jacques Charpentreau, 2015.
  • Anthologie islandaise, Por Stefansson, 2016.
  • L’Epais des forêts, La main qui écrit, Direction Florence Saint-Roch, 2018.
  • Anthologie sur l’eau, textes réunis par Claudine Bertrand, Henry, 2018.
  • Mes premières comptines et autres petits poèmes, ill. et poèmes de L. Guilbaud, Couleur livres, 2019.
  • Qui rira lira, illustré par B.Gibert, Le Seuil, 2020.
  • Sourire de lune, Anthologie de poèmes parus au Dé bleu et ill. , Les carnets du dessert de lune, 2022.
  • Le Feu, anthologie dirigée par Claudine Bertrand, Ed Henry, 2023.

Poèmes choisis

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