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Amont dévers — une anthologie poétique : Dans la poésie italienne, transductions (1)

Cette chronique a été proposée durant des années par notre collaborateur  Jean-Charles Vegliante. Cette première édition date d'octobre 2016.

∗∗∗

 

Pour cette anthologie, nous proposons quelques exemples – parfois singuliers mais d’après nous bien caractéristiques – de la poésie italienne majeure et parfois “mineure” ou minorée mais non moins importante, venue après l’immense travail fondateur de Dante Alighieri : aussi bien en ce qu’elle a pu constituer une source pour d’autres littératures européennes et au delà (on pense surtout à Pétrarque), que par son irréductible particularité, souvent occultée ou ignorée de ce côté des Alpes.

Le presque-même et l’apparente facilité de passage d’une langue à l’autre, de formes innovatrices ou institutionnalisées à d’autres (ici semblant aller de soi), et aussi la proximité culturelle indéniable entre les deux académies – italienne et française –, ont souvent agi à l’inverse de ce qu’on aurait pu attendre, éloignant les prétendues “sœurs latines” au lieu de les rapprocher pour de féconds échanges. Non que ceux-ci n’aient pas eu lieu, au moins depuis l’époque des troubadours descendant vers la Péninsule, puis avec la Pléiade pétrarquisante en sens inverse, enfin à nouveau de Paris en direction de l’Italie (et du reste du monde), mais trop souvent de façon asymétrique ou – en France surtout –  intermittente, sans échapper à la tendance assimilatrice, à cette acculturation sûre de son bon droit dont notre pays a donné bien d’autres exemples ; et au centralisme, duquel l’infinie variété des dialectes, parlers, langues locales italiennes (parfois riches déjà d’une vaste littérature) ne pouvait qu’avoir à pâtir. Comme quoi, la poésie elle-même n’échappe pas à l’idéologie et, plus simplement, à l’histoire dans laquelle s’ancre son expression.

La transduction, suivant l’acception néologique que j’en avais proposée dès les années 80 du siècle dernier (voir D’écrire la traduction, 19962) voudrait éviter cet écueil, aussi bien que celui des récritures, certes intéressantes – j’en connais d’ailleurs quelque chose – voire géniales (Bonnefoy) mais par trop éloignées de l’ébranlement que doit continuer de transmettre dans le texte d’arrivée, à mon avis, l’œuvre originale en sa différence. L’opération créatrice d’un texte nouveau, par définition autonome dans la langue-culture de destination, ne devrait jamais négliger cette posture première, filiale si l’on peut dire, relativement au texte de départ : Amont dévers, résurgence et source qui seraient à la fois nôtres et communes à l’autre versant, étranges doubles adret ou ubac selon la perspective adoptée – et vraisemblablement tantôt alternés, partagés en fonction du type de texte original à transduire. À amener donc, sans détournement, vers l’autre pente, en acceptant d’y être nous-mêmes transportés… facile à dire ! Il n’y a pas d’ancillarité, pas même de modestie : dans certaines limites qui sont celles de leur temps, nous croyons bien qu’il y a des versions “définitives” (avec guillemets). Et provisoires donc. C’est souvent alors d’une petite conversion qu’il s’agit, au moins momentanée – nouvel oxymore –, par exemple devant tel poème dialectal moderne, pour lequel n’existe littéralement aucun type d’équivalence possible dans une langue aussi centrale et normée que la française. Et que dire du rythme… Alors, plus que jamais, traduire sera aussi transformer, en une métamorphose qui ne devrait pas devenir annexion – voire au mieux récriture – mais demeurer au plus près de l’étranger perturbant, fût-il dans le cas des deux proches voisines qui nous occupent une sorte de familier étrange.

Faut-il préciser que ce choix, terriblement limité sans doute, n’est au demeurant que celui d’un lecteur parmi d’autres, avec les préférences et aussi les capacités de critique et d’écriture qui se manifesteront d’emblée, en bonne pratique-théorie : autant dire subjectif, encore qu’un certain nombre de limites et de règles moins discutables y aient été respectées. Nous pensons en effet que la langue – d’origine et de destination en l’occurrence –, les langues donc, restent toujours souveraines, prédominantes pour la délicate et indispensable communication littéraire, sans laquelle risque de s’étioler toute transmission. Relativement extensibles, si l’on peut dire, elles ne sont pas celles de la doxa, en principe… La langue vers laquelle se dirige le flux verbal et musical (et son rythme) doit être “inventée” en quelque façon : mais qu’est-ce à dire ? Certes poussée jusqu’à ses extrêmes, ouverte à la rencontre avec l’étranger, bousculée et renouvelée peut-être, mais non « subvertie » comme on s’est plu à le prétendre un peu gratuitement, sous peine encore une fois de clôture et d’entre-soi stérilisants. La révolution est ailleurs, si elle existe. La fidélité aussi – qui a dit, par exemple, qu’il faudrait rendre la rime par la rime ? – à condition de ne pas oublier de « traduire la forme », primordiale en tous les cas. Alors, oui, une rime indiquant par exemple la fin d’une séquence (d’une strophe) doit être restituée : le sens, au delà des signifiés particuliers, est à ce prix. Dans le vaste océan des possibilités, l’écrivant quel qu’il soit, et le traducteur plus que tout autre, se meut aussi librement qu’il le désire, sans risquer une asphyxie hors de l’eau. Son milieu naturel, d’échange et d’accueil entre les langues, est en fin de compte varié mais unique, monde sémantisé de l’humain au sein duquel toute rencontre – et la survie dans la transduction même – demeure praticable. Dante, rendant grâce à son maître Brunet Latin, par exemple : « comment [au monde] l’homme peut gagner l’éternité » (Enfer, XV). Sublime illusion, leurre du littéraire, bien sûr.  

Pour ce qui est de la poésie italienne, une autre donnée objective serait qu’elle représente au bas mot la moitié de toute la Littérature de l’aire italophone, canonique ou non : de quoi nous rassurer, quelles que soient les limites de notre sélection présente. Et de la réussite (autonome) dans la langue de destination, le français écrit – parfois à l’occasion parlé-écrit, gageure encore plus ardue –, la langue en bref des poètes d’aujourd’hui. Les textes suivent, dans l’ordre qui sera celui d’une Anthologie possible : un livre parmi beaucoup d’autres, au fil et au gré d’affinités, de regroupements à la fois formels, sensibles et thématiques. Reste donc à lire, à simplement s’avancer jusqu’à « toucher les vêtements » de l’autre (Hölderlin, Die Wanderung), dans l’autre texte ici amené au plus près de notre attente.

Première livraison :

-      Pétrarque, évidemment…

(Le sonnet d’abord,

 tel qu’en lui-même enfin…)

                   “Désir fou qui espère…”

Vous qui écoutez en vers épars le son
de ces soupirs dont je nourrissais mon cœur
aux premiers temps de la juvénile erreur,
quand j’étais presque autre homme que je ne suis,

du style divers où je pleure et raisonne
entre vaine espérance et vaine douleur,
si vous avez connu l’épreuve d’amour,
j’espère trouver pitié, sinon pardon.

Or je vois enfin comment de tout le monde
j’ai été longue fable ; et donc, bien souvent,
revenant sur moi, de moi-même j’ai honte ;

et cette honte est le fruit de mon délire
et le repentir, et clairement savoir
que ce qui plaît au monde n’est qu’un bref songe.

F. Petrarca, R.V.F., i

L’adorable pâleur qui recouvrit
D’un nuage amoureux le doux sourire,
À mon cœur se montra si souveraine
Qu’il vint à sa rencontre en mon visage.

Alors je connus comme, au Paradis,
On sait tout l’un de l’autre, tant fut plaine
La pensée bienveillante, que ne virent
Hormis moi aucuns, qui ailleurs s’engagent.

Tout angélique aspect, tout geste aimable
Qui jamais apparut en femme éprise,
Comparé au sien serait négligeable.

Elle tenait baissés ses beaux yeux fiers,
Et se taisant disait, de moi comprise :
Qui, mon fidèle ami, veut te soustraire ?

F. Petrarca, R.V.F., cxxiii

Jamais sur un toit passereau solitaire
autant que moi ne fut, ni bête en un bois,
si je ne vois son visage, et ne connais
d’autre soleil, ni d’autre objet pour ces yeux.

Des larmes sans fin sont mon plaisir suprême,
le rire deuil, tout mets poison et absinthe,
la nuit angoisse, et le ciel bleu m’est de plomb,
et un rude champ de bataille mon lit.

Il est bien vrai que le sommeil, comme on dit,
est parent de la mort, s’il soustrait le cœur
à la douce pensée qui le tient en vie.

Fertile pays, le seul aussi heureux,
vertes rives fleuries, ombreuses vallées,
vous possédez mon bien, et moi je le pleure.

F. Petrarca, R.V.F., ccxxvi

Francesco Petrarca, Rerum Vulgarium Fragmenta (Canzoniere)

-      Un écho lointain, par-dessus Leopardi :

(non plus sonnet,

mais Ballata minima)

       Le passereau solitaire

Toi dans la tour ancienne,
   passereau solitaire,
   tu essaies ton clavier,
   comme en son sanctuaire
   moniale prisonnière
   l’orgue, à ses doigts légers ;

que, pâle tout-à-coup,
   saisit l’étonnement
   de trois notes cachées,
   dans l’orgue, seulement
   trois, fuyant comme mots
   ensevelis, en paix.

D’un lointain sanctuaire
   empreint de mort encens
   dans ses grands caveaux vides,
   par le silence immense
   tu envoies tes trois notes,
   ô esprit solitaire.

Giovanni Pascoli, Myricae 1896

Cf.  http://www.recoursaupoeme.fr/chroniques/avec-une-autre-po%C3%A9sie-italienne/j-c-vegliante-1

_______________________

-       Tout autre chose bien sûr, Michel-Ange :

                      (Madrigal)

Quel est celui qui de force à toi m’amène,
hélas, hélas, hélas,
lié serré, où libre suis d’entraves ?
Si tu peux enchaîner autrui sans chaînes,
et si sans mains ni bras tu m’as mis en cage,
qui me défendra contre ton beau visage ?

 Rime (M. 1)  

                       (Sonnet)

Tout vide clos, tout espace couvert,
quoi que ce soit qu’une matière enserre
conserve la nuit, tant que vit le jour,
contre ses lumineux solaires jeux.

Et si elle est vaincue par flamme ou feu,
le soleil chasse (ou lumière plus vile)
et la prive de ses divins atours,
au point que l’entame un simple petit ver.

Ce qui s’offre au soleil et se travaille
en mille graines et plantes diverses,
le rude laboureur du soc l’assaille ;

mais seule l’ombre sert à planter l’homme.
Donc les nuits sont plus saintes que les jours :
l’homme vaut plus que toutes les semailles.

Michelangelo, Rime (Son. 42)

-       Et Della Casa, vers un maniérisme ? 

Ô Sommeil, ô de la calme, humide, ombreuse
Nuit pacifique fils ; ô des pleins de maux
mortels réconfort, doux oubli des malheurs
si lourds dont la vie est âpre et douloureuse ;

secours ce cœur qui souffre et n’a de repos
désormais, et ces membres las et fragiles
soulage-les : vole vers moi ô Sommeil,
étends tes ailes brunes sur moi et pose.

Où est, loin du jour lumineux, le silence ?
et les rêves légers qui sans traces sûres
ont pour habitude de suivre tes pas ?

Hélas, en vain je t’appelle et ces obscures
froides ombres, je les flatte en vain. Ô draps
pleins d’âpreté, ô nuits poignantes et dures !

G. Della Casa, Rime

-       Des salons…     

           Femme qui coud

Oui c’est un dard, non l’aiguille
dont use en son ouvrage
celle, neuve Arachné d’amour, que j’adore :
pendant qu’elle pique et brode son beau lin,
de mille pointes perce mon cœur, et point.
Malheureux, ce trop charmant
fil de sang qu’elle tire,
coupe, noue, et affine, tourne et retord,
sa belle main chérie,
c’est le fil de ma vie.

                                                   G. B. Marino, Madrigale LXXIV

                Sifflet XXXIII

Voici un démenti en plein sa gueule
à quiconque oserait nous affirmer
que Murtola ne sait pas bien poeter
et qu’il devrait retourner à l’école.
   Je sens que monte en moi une ire folle
quand j’entends que quelqu’un veut le blâmer ;
car nul ne saurait faire s’étonner
comme lui fait, en sa moindre parole.
   Est du poete la fin l’étonnement
(je parle du suprême, non du bouffe) :
qui ne sait stupéfier, qu’il aille au ban.
   Moi je ne lis jamais ses choux, ses touffes,
sans soulever de stupeur mes sourcils :
comment être à ce point un imbécile !

                                                                             G.B. Marino, Murtoleide

-       et des prisons :

                     Au cachot

Comme va vers le centre tout corps pesant
depuis la circonférence, et comme encore
dans la bouche du monstre qui la dévore
la belette court craintive et minaudant,

ainsi quiconque de science grand amant,
qui plein d’audace depuis le marais mort
passe à la mer du vrai, dont il s’énamoure,
dans notre hôpital vient finir à la fin.

Que les uns l’appellent ‘l’antre à Polyphème’,
d’autres ‘palais d’Atlante’, certains ‘de Crète
le labyrinthe’, et certains ‘le fond d’Enfer’

(car là ne vaut faveur, savoir, ni rosaire),
je peux te le dire ; au demeurant je tremble :
c’est bastion voué à tyrannie secrète.

T. Campanella, Opere

_________

Qui pénètre en cette horrible sépulture
où règne une pérenne cruauté
trouvera écrit sur ces murs du Tartare :
“Quittez l’espérance vous qui entrez !”
Il fait jour ici autant qu’en nuit obscure,
toujours à souffrir, supporter, peiner,
car on ne sait jamais ni le jour ni l’heure
d’un retour à la chère liberté.

G. Di Michele, Opere “Cui trasi…”

Cf.  http://www.recoursaupoeme.fr/essais/un-p%C3%A9trarquiste-sicilien-m%C3%A9connu/j-c-vegliante

-       ou prisons intérieures :

            Le premier dormeur
l’un, fœtal, dort,    
à la fois respiration et apnée
accusation et pénitence
mémoire arrachée et idée
luisante mais bannie…

pourquoi ainsi s’attester
alors qu’il est un vieux désormais ?

dans l’inconscience il souffle

sur ses genoux une autre
fervente vie

           Le deuxième
dort-il ? oh si une main
légère l’effleurait
comme un rose pastel
sur un papier jaune !…

comme une langue vive
sur la peau brûlée !… 
la géographie du sang
viendrait à la surface…

(seule sa tempe bat
dans le corps ensaché
et sa mine éteinte
cache s’il fut heureux)

         Le troisième
ne dort pas : il est empêtré
dans un enfer où de
râpes langues le haranguent
qu’il a du mal à contenir…

s’embrèchent les veines
dans la pénible querelle…
poursuit en son intérieur
une écharde à l’envers…

s’il se souvient ? oui, il se souvient !
mais tout a été instigué…
un jour, cette heure, peut-être…
mais tout est là déphasé

Eugenio De Signoribus, Trinità dell’esodo (2011) 

Cf. http://poezibao.typepad.com/poezibao/2015/09/anthologie-permanente-eugenio-de-signoribus.html




Avec une autre poésie italienne : Patrizia Vicinelli

La récente édition des œuvres complètes de Patrizia Vicinelli (1943-1991), accompagnée d’une anthologie de performances filmées, permet de mesurer la force d’une œuvre qui rend à la poésie son ambition d’art total. Pour Patrizia Vicinelli poésie graphique, poésie sonore et écriture ne sont que trois facettes d’un même geste. Ses œuvres graphiques, y compris les plus abstraites, sont la visualisation de performances vocales allant de la récitation épique à la profération combinatoire de phonèmes.

L’apprentissage de Patrizia Vicinelli est marqué par deux grands « maîtres » de l’écriture expérimentale, Emilio Villa et Adriano Spatola, ainsi que par la participation à la néo-avant-garde, à laquelle elle adhère en 1966, deux ans avant l’implosion du mouvement. Ses premiers poèmes illustrent déjà une virulente critique du langage, comme dans cet extrait daté de 1962 (nous traduisons)     

Ta langue est une langue fourchue et nous
la réduirons en lamelles, la tienne et le langage
de tous

Cette langue fourchue, symbole d’une duplicité serpentine, sera réduite en lamelles, pulvérisée, selon le programme avant-gardiste, et reconstruite à nouveau pour remédier à son appauvrissement culturel et moral : « notre alphabet a tellement  / peu de lettres que j’ai honte », dit un poème daté de 1963.

Refaire un alphabet ex nihilo, repartir par la toute première lettre : tel serait l’objectif de à, a, A, un recueil de poésie visuelle et sonore paru en 1967, dédié à Emilio Villa (la version numérique est consultable ici). L’ouvrage est composé de séquences typographiques, d’enchaînements de lapsus, de calligrammes abstraits jouant délibérément avec l’illisible. Plusieurs langues sont convoquées pour compliquer le jeu : italien, français et anglais. à, a, A est aussi le bruit d’un rire sonore, terrifiant. Cet autre extrait, en français dans le texte, est représentatif d’un tel sarcasme multilingue :

ZZZZZZZ, zed zed : attention attention
l’imprévu de la maison neuve imprévu
votre Q. I. c’est inférieur ∞.

L’esprit de liberté verbale et de dérision poétique de 1968 n’est pas loin. Mais 1968 est aussi la date du durcissement des appareils de pouvoir face à toute forme de contestation. Cette année, un proche de Patrizia Vicinelli, l’intellectuel et ancien résistant Aldo Braibanti, est condamné à la prison en raison de son homosexualité ; son ex compagnon est envoyé en cure d’électrochocs. (Cf. la note historique de Maria Serena Palieri). Patrizia Vicinelli, avec d’autres intellectuels italiens, dénonce cet abus judiciaire. Elle est alors poursuivie pour détention de haschich et condamnée à la prison. Sa fuite au Maroc lui permet d’échapper temporairement (cet exil nourrit certains passages de Non sempre ricordano) mais lors de son retour en Italie, elle est emprisonnée à Rebibbia (1977-78). Elle y écrit une adaptation théâtrale de Cendrillon qu’elle met en scène avec des détenues.  

Dernière page de Apotheosis of a schizoid woman (1979). Source : archivio Maurizio Spatola.

L’ouvrage Apotheosis of a schizoid woman (1979) souligne l’approfondissement des travaux graphiques de Patrizia Vicinelli. Ce livre de collages et de poèmes visuels est imprimé en sens inverse : il se lit de droite à gauche. Le titre détourne un célèbre morceau de progressive rock « 21st Century Schizoid Man », en affirmant à la fois la force et la fragilité d’un sujet féminin. Le discours politique est également présent. Dans un des collages d’Apotheosis of a schizoid woman se détache le titre suivant : « La police voit dans le suicide d’un anarchiste détenu un « acte d’auto-accusation ».

L’allusion aux emprisonnements et aux meurtres politiques revient de manière centrale dans Non sempre ricordano (1986), « poème épique » en huit sections, considéré comme le chef d’œuvre de Patrizia Vicinelli. Pensé graphiquement comme un dazibao (un projet de départ comportait plusieurs affiches illustrées), ce long poème s’inspire de la rhétorique du manifeste. Cris de violence, slogans politiques énoncés en lettres majuscules sont alternés à des moments oniriques et visionnaires. En huit parties s’alternent des scènes de guerre, de passion et d’extase, denses d’allusions historiques et mythologiques.

Non sempre ricordano est aussi un poème « épique » au féminin, à lire à côté de La libellula d’Amelia Rosselli. Les deux poèmes ont en commun le détournement de références patriarcales, invoquées au début pour mieux être renversées : les « esprits des saints endormis » au début de Non sempre ricordano rappellent les « saints pères » de La libellula. Autre convergence frappante, la poésie de Patrizia Vicinelli est marquée par un fort multilinguisme : des fragments entiers de Non sempre ricordano sont en anglais, certains mots en français. Tout le texte est émaillé d’exclamations en d’autres langues qui multiplient ce cri : « Babel restait intacte et hurlante » (Non sempre ricordano, VII).  

Une autre poésie italienne a donné il y a quelques temps une traduction du poème « l’arbre de Judas ». Nous proposons ici un extrait de la deuxième partie du poème Non sempre ricordano. 




Amont dévers 8

                                                                                         Amont dévers

(Voir “Recours au Poème” 182, mars 2018)

 

 

 

Huitième livraison :

 

Il n’y a pas d’échappatoire hors de la masse diffuse de textes plus ou moins solide, plus ou moins gazeuse, dont nous avons été nourri(e)s et au sein de laquelle nous respirons pour vivre. Oui, circulant dans notre univers, un vaste architexte vibre diffusément comme « un tissu nouveau de citations révolues » (Barthes), bien au delà de ce que tout étudiant sait analyser désormais sous le “protocole” commun de la dite intertextualité. En font partie bien entendu les allusions et références explicites (pour ne pas parler de la parodie, au sens aussi du citationnisme, si fréquent aujourd’hui), mais également les échos lointains de transmissions inconscientes, nichées par exemple dans une cadence particulière, une tendance à la répétition, une musicalité privilégiée, un rythme surtout, avec sa traduction métrique dont l’origine parfois orale échappe le plus souvent aux études universitaires traditionnelles. Ainsi, il est probable qu’une tendance ancienne au vers double et pair, dans une poésie italienne majoritairement dominée par l’impair (avec une pause qui n’est nommée “césure” que par approximation facile), en particulier chez des auteurs siciliens, trouve ses lointaines racines dans la métrique arabe – et en l’occurrence arabo-andalouse, comme chez Cielo d’Alcamo ou Salvatore Quasimodo. Je l’ai montré, du moins ai-je essayé, ailleurs*. Il existe un échange constant, capable de modifier après coup notre lecture d’auteurs du passé (selon une souple rétrochronologie chère à Weinrich), au sein de la – finalement petite – Compagnie des poètes, unis entre eux par cette sorte de communion laïque permettant de surmonter les différences les plus âcres et rendant possible, au bout du compte, toute traduction. Mais, du côté de l’auteur aussi, le discours poétique s’adresse autant aux « destinataires futurs » qu’à ceux « passés » (F. Fortini). C’est alors le lecteur de destination qui est visé, bien sûr, ou espéré.

* Voir SMI XVI, 2016

 

 Les uns les autres

 

                 (Réponse d’Arnaut Daniel à Dante)

Il commença bien volontiers à dire :

Tant m’agrée votre courtoise demande
que je ne puis ni ne veux m’esquiver.
Je suis Arnaut, qui pleure et vais chantant ;
en peine vois-je mon ancien délire
et vois éjoui la joie qui m’attend.
Or je vous prie, au nom de la valeur
qui vers le haut de ces marches vous guide,
souvenez-vous à temps de ma douleur !
Puis dans le feu s’enfouit, qui les affine.

(La Comédie, Purgatoire XXVI, 139-48 – discours  écrit en provençal, par respect pour le maître)

 

                       (Sonnet)

 

D’en haut venu, mais avec son corps mortel,
ayant vu l’enfer de justice et le pieux,
il put de nouveau vivant contempler Dieu
pour nous apporter sur tout la vraie lumière,

lui brillante étoile qui de ses rayons
illustra à tort le nid où je suis né,
ce monde mauvais ne saurait le payer :
toi seul, qui l’as créé, peux être ce don.

Je parle de Dante, car mal reconnues
furent ses œuvres par ce peuple oublieux
qui seul aux justes refuse son salut.

Que ne puis-je être lui ! né à tel destin,
pour son cruel exil, aussi valeureux,
je donnerais mon meilleur état au monde.

          Michel-Ange, Rime, 248    

 

 

               Vittorio Alfieri

 

– Ô d'italique lice ardent athlète
et arpenteur : de cette foule lâche,
qui, sotte, ton laurier sacré t'arrache,
que cherche donc la fichue bile inquiète ?

Tu sais, toi, quel but splendide tu vises
et à quelle fin dévoient les étoiles
cet âge qui de bruits et de nouvelles
plus on le gave et plus sa soif attise ? –

Siècle ingrat, fils ; et va à vilenie,
Si on le voit sans amour ni colère,
chaque pas qu'il fait en suivant sa route :

et, quand au mal penser honte s'ajoute,
nul cœur ne sent, nul esprit n'accélère
jusqu'où monta la grandeur de ma vie.

  1. Carducci, Juvenilia (1850)

 

 

           Les courses d’autrefois

 

Tu parles, d’un’ brocante, tu parl’s d’aïo !
Don Diego, qu’a étudié les banales
de Muratore, et qu’a lu d’ses deux yeux
au musée les bouquins des plus vieill’s salles,

dit que si le Ghetto offre les prix
c’est parc’ qu’aux anciens temps c’était le juif
qui faisait l’barbe pour les mardi-gras
des places et des rues, dans ces manif’s.

Pour les fair’ cavaler, les bons Romains
leur secouaient la poussièr’, du justaucorps,
avec un nerf ou un’ baguette en main.

Et cette course, agrémentée d’baston,
un Pape l’inventa, à la mémoire
de Jésus-Christ, en sa flagellation.

          (10 janvier 1833)    

  Giuseppe Gioachino Belli, Sonetti romaneschi (éd. posthume)
  Version légèrement différente sur http://circe.univ-paris3.fr/Sonnets-Belli.pdf      

 

 

                 L’autre

Le Dieu qui à tout pourvoit
pouvait me faire poète
de foi : mon âme quiète
aurait célébré la Foi.

Bizarre est l’odeur d’encens,
pourtant je pardonne l’aide
non accordée si je pense
que tu aurais bien pu même,

non me faisant gozzano
juste ébauché dans sa cire,
me faire dannunziano :
ce qui aurait été pire !

toujours pur alimente
ce style mien qui paraît
le style d’un écolier
revu par une servante !

Je n’ai rien d’autre sur terre
de beau, entre maux et ahan !
Est comme mon petit frère
un autre gozzano, trois ans.

Je lui dois la joie qui rit
douce ! Je lui reste proche ;
je ne donnerais pour Les Laudes
cet autre gozzano petit !

Je prends ses doigts tout petits,
je lui fais voir par le monde
la chose qu’on appelle Monde,
la chose qu’on appelle Vie…

    Guido Gozzano (Vers épars, 1907-08)  

 

 

* * *

étendu sur le lit des monts
il reste à l’air libre et regarde
les campagnes ouvertes qui lui font
un horizon illimité de toutes parts
– il n’a pas de paix dans sa veille douloureuse
toujours il repense à celle
à qui il espérait lier son destin
un jour – heureux amant
se promettait-il d’être sur la terre
comme ne l’avait jamais été
avant aucun mortel – Il se sentait
promis à la félicité de toute chose.
Dans la félicité il savait rêver
son destin : toute chose croyait-il
était créée pour maintenir celle-là seule
immortelle – Ainsi aimait-il
à figurer en sa pensée –
Aucune force adverse, contraire
ne savait-il imaginer.
Il chassait toute idée morose
qui se présentât à son esprit.

    Lorenzo Calogero, Inédit [une version proche dans
    l’anthologie L. C. Poesie, CIRCE 2015 – “l’autre
    serait ici bien sûr Leopardi]

 

 

     * * *

     Je ne sais pas si entre le sourire du vert été
et ta verte différence il existe une différence
je ne sais pas si je rime par charme ou tourmenteuse
peine. Je ne sais si je rime par charme ou par raison
et je ne sais si tu le sais que je rime entièrement
pour toi. Trop de soleil a imbibé la mer dans son
tranquille emprisonnement, où le fleurage de la
mer ne veut pas mettre la main aux bâtiments coulés.
L’aube lointaine se meut à des grisailles. Je ne sais
si parmi les pâles roches je rencontrais le regard,
je ne sais si parmi les monotones cris je rencontrais
ton regard, je ne sais si entre la montagne et la
mer, il existe quand même un fleuve. Je ne sais
si entre côte et désert revient à soi un fleuve accosté,
je ne sais si parmi la brume tu accostes. Je ne
sais si tu tombes ou trembles, tu ne sais si je pleure
ou désespère. Désespérer, désespérer, désespérer,
c’est toujours un fabriquer. Tu ne sais si je pleure
ou désespère, tu ne sais si je ris ou désespère. Je
ne sais si parmi les pâles roches ton sourire.

[…]

Amelia Rosselli, La libellule (1958) – Ce passage, évoquant les Chants Orphiques de
Dino Campana, a déjà paru sur ‘Recours au Poème’ en 2012 :      
https://www.recoursaupoeme.fr/la-libellule-panegyrique-de-la-liberte-suite/ .

 

 

                 Contre-chant

                                                           au jeune S. C.    

   Non pas à la moitié, mais au bout
du chemin.

                     La sylve

   (la peur)

                     … dure…

                                       … obscure…

   La voie

                   (la vie)

                                   marrie.

   Aucune eau stellaire
sur l’obstacle noir.

   Aucun souffle d’ailes.

   Qu’est-ce qui pourrait bien trouver
sa cadence, parmi les simulacres
d’arbres (de cathédrales ?),
si même l’homme-ombre est fumée
de fumée – asparition ?

   La mort de la distinction.

   Du faux.

                     Du vrai.

   C’est un terrain sauvage.

   Le pied trébuche.

                                   Le voyage
jamais commencé (le langage
lacéré) a atteint
le point de son couronnement.

   La naissance.

                             (La démolition.)

    Caproni, Il conte di Kevenhüller, 1986

 

 

* * *

 

Ce que tu m’énervais avec ton exemple des paysans frioulans
qui étaient mieux avant, dans les années Trente/Quarante
                                                                                                         quelle angoisse ta voix
fêlée cassée par un vent glacial de mort qui me semblait à effet, et je pensai
« pourquoi tu me parles de l’Inde avec un ton si dramatique et agité, alors qu’il n’y a
pas de public » – piazza del Popolo semi-déserte, quand tu me racontais ton
(premier ?) voyage en Inde, sur un ton dramatique et agité

je pourrai te pardonner d’avoir dit la vérité, que ce bien-être est un désastre
que tu avais prévu, que l’homme est d’autant plus égoïste qu’il vit mieux
                                                                                                                                   pourrai-je me
                                                                                                                                       _pardonner jamais
que ce cri ce vent tout sauf à effet, tout sauf artificiel
                                                                                             étaient tes stigmates
était dans tes viscères
                                        t’était consubstantiel.

 

(Seulement après avoir transcrit des épigrammes de Savonarole
                                   La chair est un abîme qui attire de mille façons.
                                  Ainsi l’entends-tu de la luxure de l’État
                                                                         je me rendis compte que je dialoguais
                                                                                                                          _encore avec toi.  
Elio Pagliarani, Poesie disperse, 1995 [2006]

 

 

 

                       Saba

Ce matin de juillet
et au vol l’eau du tuyau d’arrosage
va sur gradins et feuilles
et là, c’est sûr, ma femme contente
agite joyeusement le jet…

Va la mémoire à un vers de Saba.
Mais il manque une syllabe. Combien
d’années l’ai-je mal aimé,
agacé par son délire
marmotté, par ce ressassement
d’existence…

Et à présent que reposent
son livre et mon corps
indifférents
comme un galet ou une plante
ou une ombre invincible dans le bois
(dans le vide le soleil s’élance
et un iris en crie), je reconnais
avec l’étonnement de qui voit le vrai

Tu semblais lasse, tu semblais malade
mais je t’ai reconnue, moi qui t’ai aimée.

    Franco Fortini, Composita solvantur, 1994  

 

 

           L’hiver d’après

                                                    (à Fortini)

Décembre sans grâce sans
la neige aimée chère à Boris Pasternak.
Des câbles une voix qui se cabre
en s’étranglant, et naïvement, dans l’effort pour briser
le sifflement laborieux
avant de pour toujours se faire silence.
Comptant, ah, recomptant combien d’hivers
dans une rue de Florence
(le pardessus le béret)
emmitouflé dans la rose d’une
poésie monacale
à la marge
(à la marge ?) de ton « communisme spécial ».
Non interrompu le dialogue les
(mais chenues altières) provocations
– d’un dernier hiver
aphone,
ne s’arrête pas ici – te dis-je – et
flétri jeune enfant rauque, « adieu » :
ta façon de prendre congé.

     Benzoni, Sguardo dalla finestra d’inverno, 1998

 

 

reading Magrelli on the way in

 

Je trouve que cette façon de tendre à
la chasteté de l’intellect prend
aux tripes alors que reste
inexpressif le visage reflété
et qu’à la surface rien ne change
si la plateforme continentale
tout à coup a bougé :

                      vertes ombres glissent sur les murs,
                      le léger grondement du train,
                     un pigeon bèque entre les voies

glissent aussi les vers impassibles
presque, et moi donc pourquoi dois-je sentir
derrière la respiration mince le cri ?
et lui écrivant et moi lisant
tous deux nous savons
que le tout ne peut se révéler
parce que l’éblouissement ensuite
serait définitif.

Et plus tard quand je descends
les coquelicots rivalisent
avec les autos dans le parking.

     Brenda Porster [Premiers poèmes italiens,
    site http://www.compagniadellepoete.com/ ]  

 

 

 

Traces III

 

                                                         à Rosa Luxembourg

 

Quelqu’un plus tard la verra sur le pont.

Socialisme ou barbarie, avait répété
avec un léger accent étranger une femme
pendant qu’elle allait parmi les gens du peuple
violet, celui qui a rempli aujourd’hui la place.
Et les jeunes n’ont pas compris sa langue,
qui pouvait discerner a feint de ne pas entendre.

Du pont, maintenant, un instant ultime
sur l’hécatombe des eaux
jusqu’à qui regarde, loin.

        Cristina Alziati, Come non piangenti, 2011

 

 

           Qu'est-ce, le monde ?

Qu'est-ce, le monde ?
Comment se l'enrouler autour d'un doigt*  ((F. Pessoa "Enrouler le monde entre nos doigts…" Livro do Desassossego))?
Est-ce un fil, un ruban ?
Une bande de tissu
d'une trame
aux fibres infinies et disparates.
Ne l'arrache pas rageusement,
ne la découpe pas avec application
mais doucement détache-la,
emporte-la dans la bouffée de vent
qui l'a traduite en flamme.

   Jean Soldini, Tenere il passo, 2014

 

 

 

* * *

 

                                             pour Mario

 

Pour ton poème. Entré là
et étendu sur le lit de camp; les pieds qui dépassent immobiles
les ongles qui continuent de pousser. Dans l'euphorie
de minimes reflets; la tête, l'œil 
les cils fragiles. Tu articules
avec les lèvres tu désarticules
des mots nouveaux.

Pour ton poème
intubé et sans aucun son
ici tu trouves enfin
les mots possibles.

Di Dio, Il quarto uomo, sous presse

 

 

           Les autres arts, aussi

 

               (Sculpture)

Elle enchante tout goût intègre et sûr
l’œuvre du premier art, qui reproduit
les traits, les actes, et en plus vifs membres
de cire ou terre ou marbre un corps humain.

Puis si le temps mauvais, âpre et vilain
la brise et tord, ou toute désassemble,
la beauté qu’elle fut, nul ne l’oublie,
et pour un lieu meilleur plaisir épure.

   Michel-Ange, Rime 237

 

 

               Note sur Poussin 

 

Voici l’eau toute close, la roche, la courbe
où une bourbe d’argiles s’assèche. 
Qu’est-ce qui se retourne, se tord, volume 
liquéfié, assène des facettes de lumière, 
les offusque et s’enfonce, silure dans les bruns ? 
Un très-lent démon qui englobe 
victime et mucus, boit l’abdomen, enserre 
les cuisses et les opprime 
pour que les crabes diaphanes s’y fixent  
et aux vestibules les scarabées. 
De rocher en rocher le scorpion, 
de chaume en chaume l’alarme de la sauvagine 
avant que le klaxon des cars 
se fasse entendre, ou bien par tours et antres 
les premiers tirs. Les trophées célestes 
immobiles à ta lueur là-haut, 
octobre impur. Et sans bruit le tonnerre annonce 
la fougère la ronce le serpent 
où Narcisse est entré 
où Écho s’est perdue. 

Franco Fortini, Paesaggio con serpente, 1984.
- version légèrement différente sur :
http://poezibao.typepad.com/poezibao/2013/03/anthologie-permanente-franco-fortini.html

 

 

* * *

 

                                                                en l’intérieur violent secoué par les Circlesongs de Bobby Mc Ferrin

 

loin du cercle sombre,
hors du corps et des états d’âme,
déguisé en giclée de salive
ou jet de sperme, cachet
avalé et à demi vomi, opération
d’urgence conséquente pour racler
une imprévue aspérité du conduit,
évanescente
stase de formaldéhyde,
fente dans une tablette de formica
translucide aveuglée par le néon, rejet
azuré de rapide flash,
nuit noire qui ne dit pas « tombera
condescendant de ton regard le voile,
tu verras la douce lune illuminée » et
monotone gémir, égal
de l’agonie superbe
qui respire rauque, patiente à mon côté.

       Andrea Raos, Lettere nere – Una danza, 2013

 

 

* * *

 

Les rêves dans les volets poussés
c’était nous pour toi. Après la vie des grands-parents
il y avait la vôtre, la mienne, Roberto
et le terrain, la maison, l’argent à mettre de côté.
Et ce film, Le comte de Montecristo, les magazines,
la radio de quelques opéras lyriques,
des chansons napolitaines. Sainte Marie Majeure
à Rome, où tu es restée jusqu’à la guerre.
Moi j’ai habité çà et là, un troisième étage, un quatrième,
de maisons où tes yeux ont appuyé.
Je voulais devenir maîtresse d’école,
tu demandais : est-ce qu’Alessandra est maîtresse ?
Maintenant c’est moi qui vide tes rêves, au-dedans de moi
j’ai toujours Les amies de Michelangelo
Antonioni, après l’inscription qui dit Fin.

Mario Benedetti, Tersa morte, 2013 (déjà publié sur
http://www.recoursaupoeme.fr/essais/avec-une-autre-po%C3%A9sie-italienne/j-c-vegliante )    

 

 

 

   

 




Giovanni Raboni

Lire une présentation personnelle du poète ici :

http://www.giovanniraboni.it/SelfportraitFr.aspx

La présentation de Jean-Charles Vegliante :

https://www.recoursaupoeme.fr/chroniques/avec-une-autre-po%C3%A9sie-italienne/j-c-vegliante-0

Une notice là :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Giovanni_Raboni

Un choix de poème ici :

http://www.maulpoix.net/raboni.html