Ariane Dreyfus, Sophie ou La Vie élastique

Ariane Dreyfus cite les vers de Denise Levertov à la fin de son recueil : « Me comprenez-vous bien ? / C’est de vivre que je parle, / de se mouvoir d’un instant / dans un autre instant, et dans celui / qui le suivra, de respirer, / la mort dans l’air du printemps ». Cette citation semble résumer le sens du recueil intitulé Sophie ou La Vie élastique, composé d’une série de petits tableaux de vie.

Ces poèmes se lisent comme des instantanés, narrant des épisodes de l’enfance de Sophie, héroïne empruntée au fameux roman de la Comtesse de Ségur. Ce recueil s’inspire librement des aventures et des mésaventures du personnage éponyme des Malheurs de Sophie. Le caractère de l’héroïne est préservé dans la mesure où le recueil est scandé par ses bêtises et les punitions qui lui sont infligées. 

Une vie élastique, c’est une vie dans laquelle le temps s’étire, par la présence joyeuse à l’instant.  « Je sais ce que j’ai vécu / et que je vivrai encore » : tels sont les deux derniers vers du recueil, mettant en lumière la nécessité de cultiver un esprit enfantin. La fraîcheur du regard de l’enfant amène en effet le lecteur à percevoir le monde d’une façon spontanée, à travers la lorgnette d’un œil ébloui par les trésors de la vie, comme dans le poème intitulé La Peur vient après : « Sophie aime prendre / Brillants, dorés, elle les détache du velours rouge / De tout l’intérieur de la boîte à ouvrage / Personne d’autre n’est là / Pour l’instant c’est pour elle / Les ciseaux, les bobines, la verte, / La blanche écartée de la noire, le dé / Les très jolies choses admirables / Qu’elle pose lentement sur le lit ». 

 

Ariane Dreyfus, Sophie ou La Vie élastique, Le Castor Astral, juillet 2020, 107 pages, 12€.

Ces instants de vie sont également entrecoupés de plusieurs poèmes évoquant la mort, sans pour autant basculer dans le mélodrame. L’ultime vers du poème Cerises avant de partir suggère la mort de la mère de Sophie d’une façon très douce, grâce à la métaphore et au jeu d’homophones : « La mère s’est perdue dans la mer ». De même, la poupée de la petite fille apparaît comme un véritable leitmotiv, symbolique d’une vie malmenant les êtres humains. Cette poupée offerte à Sophie dès le deuxième poème du recueil est décrite comme « une presque personne », avec « de vrais cheveux ». Elle se voit ensuite enterrée par Sophie et ses cousins Paul et Camille au milieu du recueil, dans le poème La Belle décision. Même le récit de l’enterrement de la poupée est représenté avec tout l’enjouement de l’enfance, faisant l’objet d’un jeu émerveillé : « Sans pieds et sans cheveux / Elle est morte, la poupée ! / Sophie la soulève et sourit la première, / Oui, morte ! / Vite / Tous les quatre hurlent leur joie / De décider tout ! / Courir en file indienne / Jusque dans les herbes et jusqu’à là-bas / Et danser / Le bel enterrement qu’ils lui feront ».

Présentation de l’auteur

Ariane Dreyfus

Ariane Dreyfus naît le 6 octobre 1958 au Raincy. Elle enseigne les lettres modernes en région parisienne.

Bibliographie

L’Amour 1, Ed. De, 1993 (édition modifiée et définitive in Matthieu Gosztola, Ariane Dreyfus, Éditions des Vanneaux, 2012).

Un visage effacé, dessins de Jean Fléaca, Tarabuste éditeur, collection « Doute B. a. t. », janvier 1995.

Les Miettes de décembre, dessin de Julie Thiébaut, Le Dé bleu, collection « la belle Dérangère », janvier 1997.

La Durée des plantes, éd. Tarabuste, collection « Doute B. a. t. », 1998, 2007 pour l’édition revue et corrigée.

Une histoire passera ici, dessin de Marie-Linda Ortega, Flammarion, collection « Poésie/Flammarion », janvier 1999.

Quelques branches vivantes, dessin de Béatrice Cazaubon, Flammarion, collection « Poésie/Flammarion », octobre 2001.

Les Compagnies silencieuses, dessin de Béatrice Cazaubon, Flammarion, collection « Poésie/Flammarion », octobre 2001.

La Belle Vitesse, en collaboration avec Valérie Linder, éd. Le Dé bleu, collection « le farfadet bleu », 2002.

La Bouche de quelqu'un, Tarabuste, collection « Doute B. a. t. », janvier 2003.

L’Inhabitable, dessin de Valérie Linder, Flammarion, collection « Poésie/Flammarion », mars 2006.

Iris, c’est votre bleu, dessin de Valérie Linder, Le Castor Astral, février 2008.

La Terre voudrait recommencer, dessin de Valérie Linder, Flammarion, collection « Poésie/Flammarion », avril 2010.

Nous nous attendons, Reconnaissance à Gérard Schlosser, Le Castor Astral, mars 2012.

La Lampe allumée si souvent dans l'ombre, José Corti, janvier 2013.

Le Dernier Livre des enfants, Flammarion, collection « Poésie/Flammarion », octobre 2016.

Sophie ou la vie élastique, Le Castor Astral, juillet 2020.

Poèmes choisis

Autres lectures

Ariane Dreyfus, Sophie ou La Vie élastique

Ariane Dreyfus cite les vers de Denise Levertov à la fin de son recueil : « Me comprenez-vous bien ? / C’est de vivre que je parle, / de se mouvoir d’un instant / [...]

Ariane Dreyfus, Sophie ou La Vie élastique

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Ariane Dreyfus, Sophie ou La Vie élastique

Ariane Dreyfus cite les vers de Denise Levertov à la fin de son recueil : « Me comprenez-vous bien ? / C’est de vivre que je parle, / de se mouvoir d’un instant / dans un autre instant, et dans celui / qui le suivra, de respirer, / la mort dans l’air du printemps ». Cette citation semble résumer le sens du recueil intitulé Sophie ou La Vie élastique, composé d’une série de petits tableaux de vie.

Ces poèmes se lisent comme des instantanés, narrant des épisodes de l’enfance de Sophie, héroïne empruntée au fameux roman de la Comtesse de Ségur. Ce recueil s’inspire librement des aventures et des mésaventures du personnage éponyme des Malheurs de Sophie. Le caractère de l’héroïne est préservé dans la mesure où le recueil est scandé par ses bêtises et les punitions qui lui sont infligées. 

Une vie élastique, c’est une vie dans laquelle le temps s’étire, par la présence joyeuse à l’instant.  « Je sais ce que j’ai vécu / et que je vivrai encore » : tels sont les deux derniers vers du recueil, mettant en lumière la nécessité de cultiver un esprit enfantin. La fraîcheur du regard de l’enfant amène en effet le lecteur à percevoir le monde d’une façon spontanée, à travers la lorgnette d’un œil ébloui par les trésors de la vie, comme dans le poème intitulé La Peur vient après : « Sophie aime prendre / Brillants, dorés, elle les détache du velours rouge / De tout l’intérieur de la boîte à ouvrage / Personne d’autre n’est là / Pour l’instant c’est pour elle / Les ciseaux, les bobines, la verte, / La blanche écartée de la noire, le dé / Les très jolies choses admirables / Qu’elle pose lentement sur le lit ». 

 

Ariane Dreyfus, Sophie ou La Vie élastique, Le Castor Astral, juillet 2020, 107 pages, 12€.

Ces instants de vie sont également entrecoupés de plusieurs poèmes évoquant la mort, sans pour autant basculer dans le mélodrame. L’ultime vers du poème Cerises avant de partir suggère la mort de la mère de Sophie d’une façon très douce, grâce à la métaphore et au jeu d’homophones : « La mère s’est perdue dans la mer ». De même, la poupée de la petite fille apparaît comme un véritable leitmotiv, symbolique d’une vie malmenant les êtres humains. Cette poupée offerte à Sophie dès le deuxième poème du recueil est décrite comme « une presque personne », avec « de vrais cheveux ». Elle se voit ensuite enterrée par Sophie et ses cousins Paul et Camille au milieu du recueil, dans le poème La Belle décision. Même le récit de l’enterrement de la poupée est représenté avec tout l’enjouement de l’enfance, faisant l’objet d’un jeu émerveillé : « Sans pieds et sans cheveux / Elle est morte, la poupée ! / Sophie la soulève et sourit la première, / Oui, morte ! / Vite / Tous les quatre hurlent leur joie / De décider tout ! / Courir en file indienne / Jusque dans les herbes et jusqu’à là-bas / Et danser / Le bel enterrement qu’ils lui feront ».

Présentation de l’auteur

Ariane Dreyfus

Ariane Dreyfus naît le 6 octobre 1958 au Raincy. Elle enseigne les lettres modernes en région parisienne.

Bibliographie

L’Amour 1, Ed. De, 1993 (édition modifiée et définitive in Matthieu Gosztola, Ariane Dreyfus, Éditions des Vanneaux, 2012).

Un visage effacé, dessins de Jean Fléaca, Tarabuste éditeur, collection « Doute B. a. t. », janvier 1995.

Les Miettes de décembre, dessin de Julie Thiébaut, Le Dé bleu, collection « la belle Dérangère », janvier 1997.

La Durée des plantes, éd. Tarabuste, collection « Doute B. a. t. », 1998, 2007 pour l’édition revue et corrigée.

Une histoire passera ici, dessin de Marie-Linda Ortega, Flammarion, collection « Poésie/Flammarion », janvier 1999.

Quelques branches vivantes, dessin de Béatrice Cazaubon, Flammarion, collection « Poésie/Flammarion », octobre 2001.

Les Compagnies silencieuses, dessin de Béatrice Cazaubon, Flammarion, collection « Poésie/Flammarion », octobre 2001.

La Belle Vitesse, en collaboration avec Valérie Linder, éd. Le Dé bleu, collection « le farfadet bleu », 2002.

La Bouche de quelqu'un, Tarabuste, collection « Doute B. a. t. », janvier 2003.

L’Inhabitable, dessin de Valérie Linder, Flammarion, collection « Poésie/Flammarion », mars 2006.

Iris, c’est votre bleu, dessin de Valérie Linder, Le Castor Astral, février 2008.

La Terre voudrait recommencer, dessin de Valérie Linder, Flammarion, collection « Poésie/Flammarion », avril 2010.

Nous nous attendons, Reconnaissance à Gérard Schlosser, Le Castor Astral, mars 2012.

La Lampe allumée si souvent dans l'ombre, José Corti, janvier 2013.

Le Dernier Livre des enfants, Flammarion, collection « Poésie/Flammarion », octobre 2016.

Sophie ou la vie élastique, Le Castor Astral, juillet 2020.

Poèmes choisis

Autres lectures

Ariane Dreyfus, Sophie ou La Vie élastique

Ariane Dreyfus cite les vers de Denise Levertov à la fin de son recueil : « Me comprenez-vous bien ? / C’est de vivre que je parle, / de se mouvoir d’un instant / [...]

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Angèle Casanova et Sarah Battaglia, Glace,

Le recueil Glace est le fruit d’une collaboration entre la poétesse Angèle Casanova et l’illustratrice Sarah Battaglia. Il est publié dans la collection de poésie jeunesse « de bric et de brac » aux éditions Lanskine. Au travers de ce recueil se tisse une véritable ode à l’hiver, par le biais du motif de la glace dont le verglas, les boules de neige et les glaçons sont autant de déclinaisons.

 

L’ouvrage est construit sur une alternance entre les poèmes et les illustrations, figurant tantôt sur la page de droite, tantôt sur celle de gauche, en réponse les uns aux autres. Ainsi le recueil peut-il se lire comme une courte histoire mettant en scène un petit garçon dont le prénom, « Octave », figure en dédicace. Celui-ci est toujours désigné par le pronom « il », tandis que la figure maternelle est représentée par le pronom de la première personne, laissant donc place à une universalité de la relation mère-fils. Néanmoins le visage de l’enfant se dévoile dans plusieurs illustrations, tandis que celui de la mère demeure hors-champ, s’effaçant au profit d’une langue directe mettant notamment en lumière les jeux du petit garçon dans la neige : « plaquant des monceaux poudreux / contre sa poitrine / il essaie de propulser la neige en avant / en se haussant sur la pointe des pieds / mais elle lui glisse entre les mains / et il s’asperge les bottes / sans arriver jusqu’à moi ».

 

Angèle Casanova et Sarah Battaglia, Glace,  Lanskine, février 2020, 28 pages, 10€.

Par des effets de gros plans, certains poèmes et illustrations mettent en valeur des objets ordinaires reliés à la saison de l’hiver : les « bottes » de neige et le « grattoir » deviennent ainsi des objets poétiques. À la dimension descriptive des poèmes s’ajoutent des ouvertures sur l’imaginaire et sur l’implicite : « sur la pelouse il y a / trois navets / une carotte / et une pelle jaune / l’herbe cuire / ne nous le dit pas / mais un bonhomme de neige / est mort là ». Pour finir, la lecture de ce court recueil apparaît comme une magnifique façon d’initier les enfants au langage poétique.

Présentation de l’auteur




Louis Adran, Cinq lèvres couchées noires

Le recueil de Louis Adran narre le périple de cinq soldats regroupés comme un troupeau de « bétail » sous la forme du pronom « nous ». Les lieux dans lesquels évoluent les soldats demeurent imprécis.

Grâce à une écriture suggestive, les poèmes apparaissent comme des tableaux aux effets de clair-obscur peints par le poète : « J’ai tôt peint la lumière où passerait le dernier d’entre nous laissé noir au visage […] celui-là, le dernier d’entre nous, aux chevilles racées pour rien sous les branches, à la lèvre retenue, esquissée seulement au fil des foulards féminins dénichés Dieu sait où / j’ai peint puis caché la lumière sous les arbres. »

Les corps des soldats se fondent dans le paysage : « Nous porteurs d’une aube comme neige et tête nue désormais, des herbes hautes revenant gibier, bétail sans mot ni rature au cinéma cuivre des fondrières ». Progressivement les corps disparaissent, au profit de la couleur « noire » : « On nous trouva couchés noirs / au chevet des herbes rousses / près des taillis en feu ».

Ne semblent finalement demeurer que les « lèvres », symbolisant peut-être la réduction des corps à une parole poétique capable de transmettre la mémoire dans un processus alchimique : « Avec cette lèvre abandonnée dans mes souvenirs nous ferons des denrées rares des métaux précieux ».

Louis Adran, Cinq lèvres couchées
noires
, Cheyne, collection « Grands
fonds », 2020, 80 pages, 17€.

La parole poétique est poignante et saisit des impressions sur le vif, accentuées par des effets de juxtaposition dans la prose poétique. Elle transporte le lecteur dans un rythme à la fois haletant et pourtant imprégné d’une attente troublante : « Nous solitaires crânant dans les branches pauvres et les squares, comptant sous nos pas chaque jour les couleurs du bitume et le beau taillis d’attendre ». Cette atmosphère n’est pas sans rappeler celle du Désert des Tartares de Dino Buzzati et du Rivage des Syrtes de Julien Gracq cité en exergue du recueil. Les poèmes sont porteurs d’une tension palpable, d’une impression de silence et d’un sentiment d’étrangeté : « nous n’avions pour toute langue que ces gestes furtifs, dans l’obscurité rien que ces roulis de bras ces levées de pouces pour dire « tout déraille », « ça va », « le type se pointe », « enfin » / puis l’homme est venu, les hommes, d’allure macabre chacun et serrant sous les gabardines d’un vert fauve le brillant d’une arme sans doute, un crochet de boucher ou peut-être le revolver à six coups du livre d’enquêtes aux coins cornés que je cachais sous une armoire. »

Présentation de l’auteur

Louis Adran

Louis Adran est né à Beyrouth, en 1984. Il vit actuellement en Belgique. Cinq lèvres couchées noires est son premier ouvrage publié.

Poèmes choisis

Autres lectures

Louis Adran, Cinq lèvres couchées noires

Le recueil de Louis Adran narre le périple de cinq soldats regroupés comme un troupeau de « bétail » sous la forme du pronom « nous ». Les lieux dans lesquels évoluent les soldats demeurent imprécis. [...]