1

Raymond Farina, La porte rouge (conte)

J’entrerai, moi aussi

dans ce dessin d’enfant,

dans ce train minuscule

tracé par un crayon

sur l’ennui carcéral.

Trois sifflets insolents,

trois flocons de fumée

et je prendrai  le large

en narguant mes gardiens

ébahis de ma fuite

vers la gare fictive

d’un Ailleurs aquarelle !

-

J’entrerai, moi aussi,

en suivant le chemin

jusqu’à la Porte Rouge,

dans un lieu féérique :

un verger idyllique

plein de pommiers en fleurs

et de palais de jade.

-

Puis, sortirai du conte,

ayant tout oublié,

n’ayant à raconter

qu’un calme autodafé

de graffiti nocturnes

allègrement brûlés

au feu des insomnies.

-

Pas de page finale

où disparaît l’artiste

en faisant ses adieux.

-

Rien qu’une page blanche.

Un point.

Un point, c’est tout.

-

(Extait de  La vie en prose, poème inédit)

 

Présentation de l’auteur

Raymond Farina

Poète et traducteur. Né en 1940. A résidé à Alger, Avignon, Bangui (République Centrafricaine), Casablanca, Dinard, Draguignan, Nîmes, Rodez, Safi (Maroc), Saint-Dié des Vosges, Saint Malo, Saintes. A étudié la philosophie à l'Université de Nancy puis l’a enseignée jusqu’en 2000. Réside à Saint-Denis de la Réunion (Ile de la Réunion).

Bibliographie 

PUBLICATIONS EN REVUES :

Ses poèmes ont été publiés, en France, dans les revues "Arpa"(Clermont-Ferrand), "Création"(Paris), "Diérèse"           ( Ozoir-la-Ferrière ), « Europe » (Paris), "La Barbacane"(Fumel), "La Nouvelle Revue Française"( Paris ), « Linea » (Paris), "Po&sie" ( Paris ), «Poésie 85 » et «Poésie97» (Paris), « Recours au Poème »,«Les Carnets d’Eucharis», « Terre à Ciel ». Ils ont été également accueillis dans des revues de pays francophones comme «Le Journal des Poètes» (Bruxelles), «Ecriture» (Lausanne), «La Revue de Belles-Lettres» (Lausanne), «Les Ecrits» (Montréal), «Archipel» (Anvers). Traduits en anglais, allemand, corse, espagnol, italien, portugais et roumain, ils ont été  publiés dans de nombreuses revues étrangères.

RECUEILS :

 Ses recueils ont été publiés aux Editions Rougerie , J.M. Laffont , Temps Actuels,  Les Cahiers du Confluent, Folle Avoine ,  L'Arbre à Paroles , Bernard Dumerchez et aux Editions des Vanneaux

 Le recueil Les lettres de l'origine , Collection "La petite sirène", Editions Temps Actuels , Paris, 1981 a été récemment réedité -Réedition FeniXX réedition numérique (Scandéditions-Temps actuels) (Ebook d’œuvres réeditées par la BNF- Gallica). https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k33304453.texteImage.

ANTHOLOGIES :

- Poésie française d’aujourd’hui , dans  Europe , n°645-646, Messidor, Paris, 1983.

-La maison sur les nuages, Recours au Poème Editions.

 -Sabine Dewulf, L’oiseleur des signes, Collection Présence de la poésie, Edition des Vanneaux, Bordeaux, 2019. h

TRADUCTIONS :

-de poètes américains, irlandais, australiens espagnols, italiens et portugais publiés notamment  dans les revues Arpa, A L’Index, Diérèse, Europe, La RBL, La Barbacane, Le Journal des Poètes, Po&sie, Testo a Fronte, Poetry Ireland Review,  Les Carnets d’Eucharis, Recours au Poème, Terre à Ciel.

-d’un choix de poèmes de Linda Pastan, traduit de l’anglais, intitulé  Une semaine en avril , paru en e-book, Recours au Poème Editeurs, 2015

-SITES :

-Raymond Farina - Wikipedia

https://fr.wikipedia.org/wiki/Raymond_Farina

-Le Printemps des Poètes

https://www.printempsdespoetes.com/Raymond-Farina

-Maison des écrivains et de la littérature-Fiche biobibliographique:

www.m-e-l.fr/raymond-farina,ec,706

Autres lectures




NOTES POUR UN FANTOME (extrait)

 

Fantôme  -mais de qui ?-
D’un poète ? D’un fou ?
D’un double placentaire
dont on ne peut faire son deuil

ou d’un autre fantôme,
feu-follet faux-fuyant,
simulacre de vie,
qui se demande si c’est lui
ou le monde qui prend le large,

frère invisible & insolent,
déambulant dans nos migraines
-convaincu que ce sont les siennes-,
s’endormant dans nos insomnies
traversant nos visions sans cesse,
avec notre Afrique fictive
ou l’exode insensé
d’un peuple de nuages,

jubilant de nous retourner
cette question qu’on lui pose
quand il redescend dans ses limbes,
sourd à l’appel de la lumière,
peu pressé de ressusciter,
impatient d’épouser l’oubli,
d’aller jouer du violon
pour les taupes et les rhizomes,

esquisse à jamais esquissée
par un dieu lassé de créer
ou  –qui sait?-  créature
que le diable a crachée.

 

 

                     *
                   

Que dire à ceux qui aimeraient
-enviant son irréalité-
vivre dans sa peau invisible,
jour après jour vivre la vie
qu’un être flou joue et rejoue
avec tant de prédicats vagues?

Que leur dire sinon
qu’ils se trompent de scénario,
qu’ici la nuit étouffe,
hantée
par les traces
d’angoisses félines
que n’effacent pas les soleils,

qu’ici on rêve
de changer de rêve,
de passer la frontière
sur la douce réminiscence
des nuages d’avant
-pressés d’aller faire
leurs orages
et leur calligraphie
d’éclairs-,

de bêtes emblématiques,
chacals dont se souvient la pierre,
mystiques éperviers
ciselés dans le bleu,
chats dormant
leur sommeil divin

-la faune rassurante
d’une calme Egypte mentale-
 




EXERCICES (extrait 1)

 

O meurtrières sécurités qui nous font
éponger le Déluge, effacer toute trace
d'Apocalypse - pour minimiser le drame
dont, sous le paysage, on capte les indices -,

prendre la Terre pour une planète sage,
oublier que l'âme est ce Vésuve où parfois
gicle un aveu de lave, crève un abcès de braise,
sans que jamais l'on voie sa nodale fureur.

De ceux que satisfait ce peu de vérité
une fable dira le trajet indécis :
une suite de brefs et délicats suicides
                    
entre refus de vivre et horreur de mourir,
avec, heureusement, la violence de songes
majuscules dont leurs paupières s'envermeillent.




EXERCICES (extrait 2)

 

"J'inventerai des bleus que ne sait aucun ciel
pour faire l'Infini, pour peindre ton visage,
o Christ halluciné du jardin des olives.
Je puiserai mes ors dans les blés de Provence,

et vous, soleils, volcans intimes, les ferez
fondre, les porterez jusqu'à ce jaune extrême
qu'exige la tendresse équivoque des anges
dans cette tragédie de violets et de cendres."

Tes mains t'abandonnaient et tes visions flamandes.
Tu n'étais plus Van Gogh que ce tableau clinique                                                                                                                        
-symptômes alignés comme des écoliers-

à côté de Vincent attendant au parloir         
le Destin devenu un timide peut-être
ou Dieu ce vieillard vieux qui ne sait plus son Verbe.