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Fabien Marquet, Le Poète anonyme (Poèmes de la dernière modernité), extrait

Descendre.
En quel lieu sûr descendre.

Pour recevoir un legs des lumières vives.
Pour que flashs
Ou manchettes
Écrans publicitaires – avec leur lot de pixels
Dernier Cri –
Ne laissent plus sur la rétine
Qu'un souvenir d'ahuri...

Oui
Pour un crâne perforé                                                         
Le jour passe
Les épaules s’affaissent
Le corps     vidé
Ne tient plus que par la tête – sans qu'on sache comment –
Suspendu comme un poids
Il avance...

*

Lumière de ma lampe économe lumière molle ma lampe

Quelle idée de lait ce soir renfermes-tu donc ?
Quelle Puissance nourricière gît derrière ta paroi ?
Je chuchote
– Pour ne pas te froisser –
Et la musique à tes côtés monte vers toi
Et redescend afin de te bercer
Lumière de ma lampe économe lumière molle...

*                                                                            

Le soir
Autour de nous les premières lumières s’allument écrasées
Par le ciel nocturne
Sur le bitume encore fumeux

Quelque part
L'orage gronde
Comme un ouvrier
Tout noir de poix

Mais on sait déjà que la terre va pleurer ses eaux perdues
La radio
Est à deux doigts d'annoncer la naissance d'une catastrophe
Ou d'une révolution

Ouf ! Quelle journée...

Tant de bruits qui ont passé en rafale
De soleils virulents
Dans le clapotement des sirènes :

Le cœur a perdu pied dans un mirage d'asphalte...

A l'autre bout
La main tremblote                                                 

*

Rien à midi
Pas même sa lumière blanche et mauvaise
Qui a fait de moi
Sa bête somnolente

Par l’air dense ce soir
Le monde avec elle pourra transiter
Et venir se presser

Sensible au bord d’une mémoire béante
Que j’aurai devant moi – occupé à fouir...
Fouir
Et à me dérober

Peut-être ferai-je bouger les lignes...

∗                                                                                                                                        

Écoute-le... maintenant
Il passe sur la route et se démultiplie
Grondant tout feu tout flammes
Dans une embardée

Se perd comme un tonneau
Au roulement de tambour

Puis il disparaît...

Sous les dernières gouttes
Les feuilles lasses tout à l'heure crépitantes
A laisser interdit
Fabriquent un bruit moelleux :

Le temps a été sec et lourd
Caniculaire

 Le Poète anonyme (Poèmes de la dernière modernité), éditions Unicité 2022

Présentation de l’auteur

Fabien Marquet

Biographie :

Né en 1974 en Isère, Fabien Marquet vit actuellement à Perpignan. Il a étudié les lettres et la philosophie. A exercé divers petits boulots. Touché à l'enseignement avant de se consacrer au théâtre et à l'écriture.

Bibliographie :

En revue :

Europe, A l'Index, Les Cahiers du Sens, Les Cahiers de l'Université de Perpignan (PUP), Les Impromptus.

Chez un éditeur :

-Par la fenêtre je me suis fait feuillage, Éditions Unicité (2017)

-La Main sur l'essieu, Encres Vives collection Encres blanches (2017)

-Cent noms d'oiseaux que je n'ai pas appris, Encres Vives (2015)

-Chemin n'est que poussière (suivi de La rose Crayonnée), inédit

-Renaissance et je me dis ce mot sera bien le dernier, inédit

Son travail (Par la fenêtre je me suis fait feuillage, Chemin n'est que poussière) interroge le rapport de dépendance de l'homme (des villes) à la nature, leur proximité. Le motif du jardin, limite de l'espace urbain, y occupe dans son ambiguïté une place centrale, à la fois comme miroir et comme lieu d'émancipation (par le biais notamment des  images dont il est le creuset).

On peut retrouver un aperçu de son œuvre sur son siteLe temps de l'amadou(https://letempsdelamadou.com)

 

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