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Olivier Vossot, L’écart qui existe

Olivier Vossot, connu pour un premier texte, Personne ne s’éloigne (prix du premier recueil de poésie 2018 de la Fondation Labbé), signe un deuxième opus, toujours consacré à grand-père, texte qui tente en une épreuve poétique intense de ralentir le soir qui unit les peurs enfantines aux images formidables du grand corps à l’ombre pesante :

 

L’absence est lisse.
J’épiais son regard,
le vert lentement dilué.

 

Peurs diluées dans La mélancolie (qui) se referme sur nos yeux vides. Reste l’orbite en effet, ce vide absolu, privé du regard intérieur de l’œil mais qui regarde de nulle part le rien qui enveloppe le poète. Le poète envolé dans l’écart, cette erreur naturelle étendue comme l’univers (un point ou le vertige de l’infini) ; poète qui cherche à remembrer son corps dans le corps écarté de l’autre. De cette impossibilité ressurgit, soir après soir, l’angoisse ancienne. Si le père trop proche ne peut engendrer mythe, sinon en exergue, grand-père, l’arpenteur supposé de l’écart – nommons les choses : ce dieu fulgurant et lointain comme une île possible, perdue dans l’océan du rêve – est approchable comme on approche l’horizon, sans jamais le toucher.

La mort douce emprunte toutes les voies de ce poème sans dire son nom, par pudeur sans doute, comme pour s’excuser de devoir, une heure, un jour, s’en venir faucher le gazon jaunâtre d’une vie élaborée dans le cristal nommé grand-père. Et moi le noyau pleure patiemment, écrit Olivier Vossot, qui identifie patience et temps, temps qui est le noyau et l’étendue.

Olivier Vossot, L’écart qui existe, Les Carnets du Dessert de Lune, Bruxelles (Belgique), automne 2020, 84 pages, 14 €. 

En ce poème de la page 72 est résumé un livre mélancolique, écoutons-le :

Des guêpes traversent les jardins moites.
Que capte l’oreille
de ce qu’on peut dire, de ce qu’on a pu ?
Des fenêtres n’ont rien ouvert.
Le monde entier se referme comme un œil
On ne l’emporte pas, il est fini sans nous.
Il continue, la nuit n’en finit pas de tomber.

 

Un monde finit sans nous car les fenêtres n’ouvrent rien sur une nuit éternellement tombante ; les guêpes, elles, butinent et ensemencent les jardins moites : toison déifiée maternelle, un éden poème à lui seul, sans les hommes échappés au soir de leur vie. Mais qui pense alors ? Des mots viennent dont on ne sort pas. La pensée hors de soi.

L’énigmatique Le temps passe un peu plus vite que nos vies clôt l’exercice poétique douloureux d’Olivier Vossot. Son sens est clair : il n’est pas de dire l’éternité de l’homme ni même celle de son esprit mais de noter que le temps s’échappe de nos vies avant que celles-ci ne finissent. Le temps, comme un délire. Le temps de grand-père, cette figure de dieu.

La préfacière, Albane Gellé, note que « Olivier Vossot disparaît au milieu de ce qu’il regarde, yeux ouverts ou fermés, et c’est cette vie absorbée qui devient poème… » Le poète disparaît dans cette figure mythique – le commandeur des nuits – qu’il crée avec les mots dont il ne peut sortir, mots qui n’en finiront pas de finir, sans lui, c’est ainsi qu’il le veut.

 

Présentation de l’auteur

Olivier Vossot

Olivier Vossot est né en 1980 à Dijon. Il vit depuis 2005 en Alsace, près de Strasbourg, où il enseigne les lettres classiques. Il a publié ses poèmes dans diverses revues (Diérèse, Arpa, Contre-allées, Décharge, Voix d’encre, Traversées, L’intranquille…). Son premier livre Personne ne s’éloigne est publié en 2017 aux éditions l’échappée belle et obtient le Prix du premier recueil de poésie 2018 (Fondation Labbé).

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