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Poésie Lusophone, deuxième épisode

 Introduction et traduction de Stéphane Chao

 

Voici la suite de la sélection de poèmes signés par des auteurs venus du Brésil (pour quatre d’entre eux) et du Portugal. Édités dans leur pays, ces poètes ont pour la plupart la particularité de publier dans la revue littéraire brésilienne Philos, l’une des plus actives et les plus soucieuses de dénicher les talents, en se jouant des frontières, avec une prédilection pour les auteurs de langue latine. 

Nous avions vu dans un premier épisode des poètes comme Regina Alonso, Tereza Du’Zai, Nilton Resende pour ne citer qu'eux, qui ont comme la plupart la particularité de publier dans la revue littéraire brésilienne Philos, l’une des plus actives et les plus soucieuses de dénicher les talents, en se jouant des frontières, avec une prédilection pour les auteurs de langue latine.

 

Poésie Lusophone, premier épisode

 

Chez le lisboète Pedro Belo Clara, l’écriture a pour fonction de dire un bonheur irréfutable quoique ténu à travers des métaphores qui débouchent sur une sorte de panthéisme bucolique où tout est matière à chant. Ici nulle métrique, fût-elle déstructurée, subvertie, mais une prose délicate, ductile qui épouse l’épiphanie printanière des choses et procure l’expérience florale de la communion avec les saisons.

Dans la poésie du Carioca Carlos Cardoso, le désir de métamorphose affecte principalement le sujet, qui attend de l’Autre la transsubstantiation qui le délivrera, ou qui sait, le rendra à lui-même. Expérience presque toujours déceptive.

 

PEDRO BELO CLARA

Um lírio nos olhos

 

Era, como então dizia, o tempo em que as tardes de verão cabiam inteiras na fundura dos teus olhos – ou assim me segredava o coração, por entre as malhas das fantasias que no seu bater urdia com insensatez de frágil flor.
O pequeno outeiro, cabana contra os abusos do estio, a imensa sombra do carvalho em eterno abraço às brisas viandantes, o largo rio etéreo largado das altas folhas até às ervas vestidas de sombra: uma só coisa bailando no mistério de si mesma.
Sobre os campos derramada, a luz era oiro líquido – delicado manto cobrindo o sonho doce das raízes. As boninas, numa dança suave, confiavam os corpos ao breve afago do vento gentil, certas que o seu sol conheceria distâncias que no sossego de si nunca ousara conhecer.
Os gestos sucedendo-se lentos e pausados eram uma estranha e nova melodia composta no instante do esboço, e feliz juntava-se ao tanto que cabia no peito, que o embalava em carícias sem nome, que o fazia cantar como o poeta da primeira manhã. Os corpos esqueciam as estações com cada toque rendido ao fulgor do silêncio; a doce acidez do vinho despertava nas línguas sabores de brancas flores e fogos súbitos, apaziguados na fresca inundação dos frutos mordidos com a ternura dum beijo.
Ao longe, duas toutinegras conversavam sobre ninhos e bagas. Ou seriam melros na alegria dum desafio a dois cantos? Entre risos que se evolavam através da leve valsa das verdes folhas, o espaçado rumor das asas do primeiro dos pássaros. Críamos que toda a memória, que toda a fala nesse simples acorde se diluiria. Talvez fosse o secreto anseio de um sopro apenas ser: rosa de ar num dia, letra sobre as águas escrita noutro.
Quando a fadiga chegava com o peso doce dum sono feliz, era a última imagem que desejávamos guardar dentro de nós: o céu de safirina lisura, sempre o céu – eterna testemunha do esplendor de tudo.

 

Un lys sur les yeux

C’était le temps, comme on disait alors, où les après-midi d’été tenaient entièrement dans le fond de tes yeux – ou bien était-ce mon cœur qui me chuchotait cela entre les mailles des déguisements que ses battements tissaient avec la déraison d’une fleur fragile.

La petite colline, cabane contre les abus de l’été, l’immense ombre du chêne qui enlace éternellement les brises voyageuses, le large fleuve éthéré qui descend des hautes feuilles aux herbes revêtues d’ombres : une seule et même chose dansait, mystérieusement elle-même.

Ruisselant sur les champs, la lumière était un or liquide – nappe délicate recouvrant le doux rêve des racines. Les fleurs des bois, dans leur danse suave, confiaient leurs corps à la brève et affable caresse du vent, certaines que le soleil connaîtrait des distances que, tranquille en lui-même, il n’avait jamais osé connaître.

Les gestes qui se succédaient lentement et posément étaient une étrange et nouvelle mélodie composée à l’instant où elle s’ébauchait, et heureuse, celle-ci se joignait à tout ce qui tenait dans ma poitrine, la berçait avec des caresses sans nom, la faisait chanter comme le poète du premier matin. Les corps oubliaient les saisons à chaque toucher qui cédait à l’éclat du silence ; la douce acidité du vin éveillait sur nos langues des saveurs de fleurs blanches et des feux subits, que venait apaiser la fraîche inondation des fruits mordus avec la tendresse d’un baiser.

Au loin, deux fauvettes à tête noire discutaient entre elles de nids et de baies. Ou étaient-ce deux merles qui se livraient ensemble à un joyeux duel de chants ? Parmi les rires qui s’envolaient dans la légère valse des feuilles vertes, il y avait la rumeur intermittente des ailes du premier oiseau. Nous croyions que toute la mémoire, que toute la parole se diluerait dans ce simple accord. Peut-être était-ce la secrète envie qu’un simple souffle fût : rose d’air dans le jour, lettre d’eau écrite sur l’autre.

Lorsque la fatigue venait avec son doux poids de sommeil heureux, la dernière image que nous désirions conserver en nous était le ciel lisse comme un saphir, toujours le ciel – éternel témoin de la splendeur de tout.

 

CARLOS CARDOSO

Paisagem

 

Quando fechei os olhos
do outro lado da cama
o seu corpo não estava

– você
insistiu em mudar de cidade.

 Ora os sonhos!?

Quando um homem
traz no peito a paixo,
a conversa por cima da
mesa é mais séria,
antes concebê-la n’alma
do que viajar pelos sentidos.

 Não sei se hoje um Deus
ou se amanhã o sangue
percorrerá minhas veias.

 Sossego.

Eu só queria beijar a chuva
e beber o cheiro da sua
presença,
acordar e conduzir
a lua por um outro sol
e libertar em mim
o caminhar da vida

 Coisa inútil
quando os versos cantam,
não pelas melodias,
e sim, por sentimentos,
é que defronte a paixão
estão os lábios da rainha
que outrora as nuvens conceberam.

 Ora os sonhos!?

Um último suspiro
teria sido mais urgente.

 

 

Traduction :

 PAYSAGE

 

Lorsque j'ai fermé les yeux,
ton corps n'était pas
à côté de moi dans le lit.

– Tu
as insisté pour changer de ville.

Foin des rêves !

Lorsqu'un homme
porte une passion dans sa poitrine,
la discussion devient
plus grave à table,
Mieux vaut la concevoir dans son âme
que voyager avec ses sens.

Je ne sais pas si aujourd'hui un dieu
ou si demain du sang
circulera dans mes veines.

Tranquillité.

Je voudrais seulement baiser la pluie
et boire l'odeur de ta
présence,
me réveiller pour accompagner
la lune vers un autre soleil
et libérer en moi
le chemin de la vie.

Inutiles
sont les vers qui ne chantent pas
pour la mélodie
mais pour les sentiments,
Car en face de la passion
il y a les lèvres de la reine
que jadis les nuages ont conçues.

Ah les rêves !

Un dernier soupir
aurait été plus urgent.

 

 

Ce poème est extrait du recueil  Na Pureza do Sacrilégio (Ateliê Editorial, 2016).

Présentation de l’auteur

Carlos Cardoso

Carlos Cardoso, né à Rio de Janeiro en 1973, est l’auteur de trois recueils de poésie salués par la critique ainsi que par ses pairs et ses aînés, qui n’hésitent pas à le comparer à Fernando Pessoa. Ses textes sont traduits en anglais, en espagnol, en français et prochainement en bulgare par Rumen Stoyanov, traducteur des plus grands poètes brésiliens.

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Présentation de l’auteur

Pedro Belo Clara

Pedro Belo Clara est né à Lisbonne. Il est actuellement collaborateur et éditorialiste de diverses publications littéraires brésiliennes et portugaises, comme Philos et Subversa dont est tiré ce texte. Son dernier livre, un recueil de poésie intitulé LYDIA, est paru en 2018. Il anime les blogs Recortes do Real, Uma Luz a Oriente et The beating of a celtic heart.

 

 

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