Poésie Lusophone, deuxième épisode

Par |2019-11-06T05:49:46+01:00 6 novembre 2019|Catégories : Carlos Cardoso, Essais & Chroniques, Pedro Belo Clara|

 Intro­duc­tion et tra­duc­tion de Stéphane Chao

 

Voici la suite de la sélec­tion de poèmes signés par des auteurs venus du Brésil (pour qua­tre d’entre eux) et du Por­tu­gal. Édités dans leur pays, ces poètes ont pour la plu­part la par­tic­u­lar­ité de pub­li­er dans la revue lit­téraire brésili­enne Phi­los, l’une des plus actives et les plus soucieuses de dénich­er les tal­ents, en se jouant des fron­tières, avec une prédilec­tion pour les auteurs de langue latine. 

Nous avions vu dans un pre­mier épisode des poètes comme Regi­na Alon­so, Tereza Du’Zai, Nil­ton Resende pour ne citer qu’eux, qui ont comme la plu­part la par­tic­u­lar­ité de pub­li­er dans la revue lit­téraire brésili­enne Phi­los, l’une des plus actives et les plus soucieuses de dénich­er les tal­ents, en se jouant des fron­tières, avec une prédilec­tion pour les auteurs de langue latine.

 

Poésie Luso­phone, pre­mier épisode

 

Chez le lis­boète Pedro Belo Clara, l’écriture a pour fonc­tion de dire un bon­heur irréfutable quoique ténu à tra­vers des métaphores qui débouchent sur une sorte de pan­théisme bucol­ique où tout est matière à chant. Ici nulle métrique, fût-elle déstruc­turée, sub­ver­tie, mais une prose déli­cate, duc­tile qui épouse l’épiphanie print­anière des choses et pro­cure l’expérience flo­rale de la com­mu­nion avec les saisons.

Dans la poésie du Car­i­o­ca Car­los Car­doso, le désir de méta­mor­phose affecte prin­ci­pale­ment le sujet, qui attend de l’Autre la transsub­stan­ti­a­tion qui le délivr­era, ou qui sait, le ren­dra à lui-même. Expéri­ence presque tou­jours déceptive.

 

PEDRO BELO CLARA

Um lírio nos olhos

 

Era, como então dizia, o tem­po em que as tardes de verão cabi­am inteiras na fun­dura dos teus olhos – ou assim me seg­re­da­va o coração, por entre as mal­has das fan­tasias que no seu bater urdia com insen­satez de frágil flor.
O pequeno out­eiro, cabana con­tra os abu­sos do estio, a imen­sa som­bra do car­val­ho em eter­no abraço às brisas vian­dantes, o largo rio etéreo larga­do das altas fol­has até às ervas vesti­das de som­bra: uma só coisa bai­lan­do no mis­tério de si mesma.
Sobre os cam­pos der­ra­ma­da, a luz era oiro líqui­do – del­i­ca­do man­to cobrindo o son­ho doce das raízes. As bon­i­nas, numa dança suave, con­fi­avam os cor­pos ao breve afa­go do ven­to gen­til, cer­tas que o seu sol con­hece­ria dis­tân­cias que no sossego de si nun­ca ousara conhecer.
Os gestos suce­den­do-se lentos e pau­sa­dos eram uma estran­ha e nova melo­dia com­pos­ta no instante do esboço, e feliz jun­ta­va-se ao tan­to que cabia no peito, que o embal­a­va em carí­cias sem nome, que o fazia can­tar como o poeta da primeira man­hã. Os cor­pos esque­ci­am as estações com cada toque ren­di­do ao ful­gor do silên­cio; a doce acidez do vin­ho des­per­ta­va nas lín­guas sabores de bran­cas flo­res e fogos súbitos, apazigua­dos na fres­ca inun­dação dos fru­tos mor­di­dos com a ter­nu­ra dum beijo.
Ao longe, duas tou­tine­gras con­ver­savam sobre nin­hos e bagas. Ou seri­am mel­ros na ale­gria dum desafio a dois can­tos? Entre risos que se evolavam através da leve val­sa das verdes fol­has, o espaça­do rumor das asas do primeiro dos pás­saros. Críamos que toda a memória, que toda a fala nesse sim­ples acorde se diluiria. Talvez fos­se o secre­to anseio de um sopro ape­nas ser: rosa de ar num dia, letra sobre as águas escri­ta noutro.
Quan­do a fadi­ga chega­va com o peso doce dum sono feliz, era a últi­ma imagem que dese­já­va­mos guardar den­tro de nós: o céu de safi­ri­na lisura, sem­pre o céu – eter­na teste­munha do esplen­dor de tudo.

 

Un lys sur les yeux

C’était le temps, comme on dis­ait alors, où les après-midi d’été tenaient entière­ment dans le fond de tes yeux – ou bien était-ce mon cœur qui me chu­chotait cela entre les mailles des déguise­ments que ses bat­te­ments tis­saient avec la dérai­son d’une fleur fragile.

La petite colline, cabane con­tre les abus de l’été, l’immense ombre du chêne qui enlace éter­nelle­ment les bris­es voyageuses, le large fleuve éthéré qui descend des hautes feuilles aux herbes revêtues d’ombres : une seule et même chose dan­sait, mys­térieuse­ment elle-même.

Ruis­se­lant sur les champs, la lumière était un or liq­uide – nappe déli­cate recou­vrant le doux rêve des racines. Les fleurs des bois, dans leur danse suave, con­fi­aient leurs corps à la brève et affa­ble caresse du vent, cer­taines que le soleil con­naî­trait des dis­tances que, tran­quille en lui-même, il n’avait jamais osé connaître.

Les gestes qui se suc­cé­daient lente­ment et posé­ment étaient une étrange et nou­velle mélodie com­posée à l’instant où elle s’ébauchait, et heureuse, celle-ci se joignait à tout ce qui tenait dans ma poitrine, la berçait avec des caress­es sans nom, la fai­sait chanter comme le poète du pre­mier matin. Les corps oubli­aient les saisons à chaque touch­er qui cédait à l’éclat du silence ; la douce acid­ité du vin éveil­lait sur nos langues des saveurs de fleurs blanch­es et des feux subits, que venait apais­er la fraîche inon­da­tion des fruits mor­dus avec la ten­dresse d’un baiser.

Au loin, deux fau­vettes à tête noire dis­cu­taient entre elles de nids et de baies. Ou étaient-ce deux mer­les qui se livraient ensem­ble à un joyeux duel de chants ? Par­mi les rires qui s’envolaient dans la légère valse des feuilles vertes, il y avait la rumeur inter­mit­tente des ailes du pre­mier oiseau. Nous croyions que toute la mémoire, que toute la parole se diluerait dans ce sim­ple accord. Peut-être était-ce la secrète envie qu’un sim­ple souf­fle fût : rose d’air dans le jour, let­tre d’eau écrite sur l’autre.

Lorsque la fatigue venait avec son doux poids de som­meil heureux, la dernière image que nous désiri­ons con­serv­er en nous était le ciel lisse comme un saphir, tou­jours le ciel – éter­nel témoin de la splen­deur de tout.

 

CARLOS CARDOSO

Pais­agem

 

Quan­do fechei os olhos
do out­ro lado da cama
o seu cor­po não estava

– você
insis­tiu em mudar de cidade.

 Ora os sonhos!?

Quan­do um homem
traz no peito a paixo,
a con­ver­sa por cima da
mesa é mais séria,
antes con­ce­bê-la n’alma
do que via­jar pelos sentidos.

 Não sei se hoje um Deus
ou se aman­hã o sangue
per­cor­rerá min­has veias.

 Sossego.

Eu só que­ria bei­jar a chuva
e beber o cheiro da sua
presença,
acor­dar e conduzir
a lua por um out­ro sol
e lib­er­tar em mim
o cam­in­har da vida

 Coisa inútil
quan­do os ver­sos cantam,
não pelas melodias,
e sim, por sentimentos,
é que defronte a paixão
estão os lábios da rainha
que out­ro­ra as nuvens conceberam.

 Ora os sonhos!?

Um últi­mo suspiro
teria sido mais urgente.

 

 

Tra­duc­tion :

 PAYSAGE

 

Lorsque j’ai fer­mé les yeux,
ton corps n’é­tait pas
à côté de moi dans le lit.

– Tu
as insisté pour chang­er de ville.

Foin des rêves !

Lorsqu’un homme
porte une pas­sion dans sa poitrine,
la dis­cus­sion devient
plus grave à table,
Mieux vaut la con­cevoir dans son âme
que voy­ager avec ses sens.

Je ne sais pas si aujour­d’hui un dieu
ou si demain du sang
cir­culera dans mes veines.

Tran­quil­lité.

Je voudrais seule­ment bais­er la pluie
et boire l’odeur de ta
présence,
me réveiller pour accompagner
la lune vers un autre soleil
et libér­er en moi
le chemin de la vie.

Inutiles
sont les vers qui ne chantent pas
pour la mélodie
mais pour les sentiments,
Car en face de la passion
il y a les lèvres de la reine
que jadis les nuages ont conçues.

Ah les rêves !

Un dernier soupir
aurait été plus urgent.

 

 

Ce poème est extrait du recueil  Na Pureza do Sac­rilé­gio (Ateliê Edi­to­r­i­al, 2016).

Présentation de l’auteur

Carlos Cardoso

Car­los Car­doso, né à Rio de Janeiro en 1973, est l’auteur de trois recueils de poésie salués par la cri­tique ain­si que par ses pairs et ses aînés, qui n’hésitent pas à le com­par­er à Fer­nan­do Pes­soa. Ses textes sont traduits en anglais, en espag­nol, en français et prochaine­ment en bul­gare par Rumen Stoy­anov, tra­duc­teur des plus grands poètes brésiliens.

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Présentation de l’auteur

Pedro Belo Clara

Pedro Belo Clara est né à Lis­bonne. Il est actuelle­ment col­lab­o­ra­teur et édi­to­ri­al­iste de divers­es pub­li­ca­tions lit­téraires brésili­ennes et por­tu­gais­es, comme Phi­los et Sub­ver­sa dont est tiré ce texte. Son dernier livre, un recueil de poésie inti­t­ulé LYDIA, est paru en 2018. Il ani­me les blogs Recortes do Real, Uma Luz a Ori­ente et The beat­ing of a celtic heart.

 

 

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