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Pour un horizon jaune flamboyant ! Cathy Jurado et Laurent Thinès, FEU (poèmes jaunes)

Pour un horizon jaune flamboyant !

Tels les Fragments d'une Poétique du Feu de Gaston Bachelard, les « poèmes jaunes » explorent les versants tant concrets qu'utopistes du mouvement des Gilets Jaunes qui se révèlent héritiers d'un humanisme de combat aussi discret sur ses vertus que lucide face à l'amplitude de l'avenir auquel frayer le passage…

En citations, les figures du XXème siècle annonciatrices de luttes et de rêves mêlés, désirant un même matin solaire pour chacun, respectivement Albert Camus et René Char, s'avèrent particulièrement éclairantes pour mesurer toute la portée que représente cette insurrection populaire dans le paysage social et politique, des protagonistes à la fois solitaires et solidaires, et dont la formule du poète résistant sied tant à leurs instigateurs qu'à ceux qui veulent encore prolonger ce temps inédit : « Notre héritage n'est précédé d'aucun testament. »...

Le poème liminaire des deux voix contemporaines en échos aux clameurs des nuées jaunes explore la symbolique du FEU, brasier entre destruction et création, que l'on a vu déployé sur les ronds-points, FEU des commencements et des fins, du passé, du présent et du futur pour qu'advienne, extrait de l'alchimie du temps, l'or d'un avenir, où nous serions tous égaux et libres, sans que cette égalité ne devienne injuste, ni cette liberté, menacée, dès lors les deux écritures sous-jascentes scandent l'anaphore des comparaisons de ce FEU initial et initiatique où chacun, en prise avec l'âpre affrontement contre l'ordre établi, se fait initié à élargir les flammes de ce vaste embrasement appelé de nos vœux, non pour un chaos déchaîné, mais pour une aube réparatrice : « FEU – rebelle et Jaune, comme le soleil. »

Cathy Jurado et Laurent Thinès, FEU (poèmes jaunes), Le Merle moqueur, 80 pages, 10 euros.

Dès lors, de même que les deux écrivains n'éludent pas l'ignominie de l'épreuve : « FEU – comme des tirs de flash-ball, de LBD40, d'OFF1, de GLIF4, de GMD, de DMD, de GM2L ou de lacrymogènes, et les poumons suffoqués, les yeux éborgnés, les mains amputées, les visages fracassés », de même leur regard convoque la riposte, la beauté, la poésie personnifiée, toute place offerte : « FEU – comme tir de barrage face aux oppresseurs, comme réplique du beau face à l'horreur, comme salve de mots face à l'indicible, comme bordée de poésie face à la peur, comme une insurrection »

Cet astre levé, poing serré qui redeviendrait une main ouverte, l'ensemble des poèmes tracés en forme le vœu opiniâtre, véritable volonté d'un « Soleil jaune » à réchauffer nos âmes d'enfants n'ayant pas renoncé aux rêves d'un monde meilleur : « Au-delà de l'espace de la ville / un soleil Jaune indocile / joue encore / inspire / et danse / en marquant le temps / de part et d'autre / de la tour de France ». Ainsi le jaune fluo quotidien devient l'alphabet de toutes les couleurs portées par les « Combattants de l'arc-en-ciel », ces « sensibles » négligés dans l’indifférence, ces « indicibles » dont la parole se trouve si souvent bafouée, ces « invisibles » dont l'existence même porte la remise en cause de tout un système : « Nous sommes tous des Rimbaud-warriors » !

Le langage lui-même alors, valeur d'échange et valeur d'usage de cette parole incandescente à porter au-delà de nous-mêmes, se fait le sésame de cette autre terre possible, braises d'un univers nouveau sous la cendre de notre monde déjà ancien, fût-il présenté comme le plus technique et nec-plus-ultra, envol régénérateur du Phénix de ce Feu, que nous gardons en partage, et qu'invoque le dernier poème de ce recueil à quatre mains, en hommage au « Poète-Phénix » que chacun porte en soi : « N'enterrez pas le poète / c'est un Phénix / dans ses poumons circule le souffle du monde / et son cœur est sans grimace / ses mots sont des flèches lancées vers tout ce / qui brûle encore » ! Cette renaissance d'un feu-primordial en un oiseau-archétype emblème de tous, voilà le cœur de l'analyse philosophique, déjà, de Gaston Bachelard, dans le chapitre premier de son ouvrage inachevé : « Le Phénix phénomène du langage » : « Le Phénix est un archétype de tous les temps. C'est un feu vécu, car on ne sait jamais s'il prend son sens dans les images du monde extérieur ou sa force dans le feu du cœur humain. »                                  

Présentation de l’auteur

Cathy Jurado

Cathy Jurado, originaire d’Aix-en-Provence vit aujourd’hui à Besançon.

Elle est agrégée de lettres et anime des ateliers d'écriture.
Les Forges de Vulcain ont édité son premier roman, "Nous tous sommes innocents", et elle a publié en revue divers textes de critique d’art, de fiction ou de poésie.

Sa poésie prend racine dans un rapport intime avec la peinture et la photographie (collaborations avec le peintre marocain Hassan Echair, le plasticien Max Partezana, travaux sur les gravures de Gerard Palézieu ou sur les photographies de Marie Baille, Serge Assier). Mais l’écriture est pour elle, par nature, éminemment politique. Qu’il s’agisse de réhabiliter les voix des marginaux et des fous (Nous tous sommes innocents, 2015), d’évoquer la question douloureuse des réfugiés (Ceux qui brûlent, janvier 2021 aux éditions Musimot) ou du mouvement des Gilets jaunes (Feu, poèmes jaunes, décembre 2020 au Merle Moqueur), elle interroge les pouvoirs de la poésie sur le réel. Sa recherche actuelle porte sur le domaine de l’écopoétique.

 Recueil Ceux qui brûlent, janvier 2021 aux éditions Musimot

- Recueil Feu, poèmes jaunes, décembre 2020 aux éditions Le Merle moqueur/ Le Temps des Cerises. (Recueil co-écrit avec Laurent Thinès)

- Recueil Vulnéraires, L’Harmattan, mars 2020.

- Livre d’artiste Nébuleuses infractueuses avec Pascale Lhomme-Rolot, plasticienne. (Février 2020)

- Mangrove, livre pauvre avec des collages de Max Partezana (Collection Daniel Leuwers). Novembre 2019.

- Nous tous sommes innocents, roman. Janvier 2015. Editions Les Forges de Vulcain, Paris.

- Le Syndrome écran (nouvelle noire), éditions Marsam, Maroc (2009)

A paraître :

- Recueil Hourvari à paraître en 2021 aux éditions Lanskine

- Recueil « Ni poésie ni pornographie » à paraître aux éditions Lanskine

Participations à des livres collectifs / anthologies

- Anthologie Ralentir des Editions La Chouette imprévue. (décembre 2020)

On est là ! Serge D’Ignazio, ouvrage photographique sur les mouvements sociaux. Ed. Adespote, été 2020.

- Anthologie : Gilets Jaunes : jacquerie ou révolution ?, Collectif au Temps des cerises, septembre 2019.

- Contributions au catalogue de l’exposition Quatre rives, un regard, sur les photographies de Serge Assier, en collaboration avec Vicky Goldberg (New York Times), Michel Butor et Fernando Arrabal. (Préfaces) Exposition labellisée Marseille capitale européenne de la culture exposée à Marseille ( Mai 2013) et en Arles, Festival international de la photographie, été 2013.

Participations à des revues : textes de création

- poèmes dans la revue Traversées, avec des dessins d’Hassan Echaïr janvier 2020, Ouste n°28, mars 2020, Le Capital des mots, avril 2020, A l’Index mai 2020, Europe juin 2020, Eurydema Ornata N°8 Juillet 2020, Lichen juillet, septembre, octobre et novembre 2020, Verso, Arpa et Sœurs automne 2020… Poèmes et entretien dans « Terre à ciel », janvier 2021.

- Météor n°2, décembre 2019, Ecrits du Nord, novembre 2019, Nouveaux délits, octobre 2019, Traction-Brabant septembre 2019, Comme en poésie, septembre 2019, numéro spécial de la revue Cabaret sur la Nuit, juillet 2019, Filigranes Juillet 2019. Revues Décharge et Conférence (2011). Magazine Littéraire du Maroc (2011).

Participations à des revues : textes de critique

 - Articles de critique littéraire dans Diacrititk, 2020.
- Publication de textes de critique littéraire dans le Magazine Littéraire du Maroc de 2009 à 2011
- « Les Chemins du Regard », sur les gravures de Gérard de Palézieux, in Revue Institut d’Arts Visuels, Orléans (2000)
- « L’Architecture d’une âme », sur les photographies de Marie Baille, in Revue Conférence n°9 (1999)

PRIX Littéraires :

- Prix du 1er roman du Baz’Art des mots (Hauterives) pour Nous tous sommes innocents. 2015.
- Prix de la nouvelle noire de l’Institut français de Marrakech pour « le syndrome écran » (Ed. Marsam), 2009.
- Prix de poésie de la Fondation de France, 1998.

Expositions/ Performances :

 - Lecture en scène du poème « Ceux qui brûlent, Odyssée », sur les réfugiés, à la Villa Méditerranée à Marseille, à la médiathèque de La Ciotat et à Ginasservis, au profit de l'association SOS Méditerranée. 2017-2018.

- « Le rêve dans tous ses états », exposition collective, à L’Aparté, (Hôp hop hop) Besançon. 2019. Exposition d’un texte accompagné de photographies et d’une lecture audio.

- Installation « Rêve de Reina » : participation sur sélection à l’événement « Labo démo » organisé par Le Centre Walonie-Bruxelles de Paris en lien avec le Centre international de poésie de Marseille et Montevidéo (Octobre 2020).

Autres lectures

Présentation de l’auteur

Laurent Thinès

Laurent Thines est un neurochirurgien français, né à Arras, et ayant vécu en Provence, à l’île de la Réunion, dans le Nord-pas-de-Calais et enfin dans le Doubs. Après avoir effectué ses études de Médecine à Marseille, il a rejoint Lille pour poursuivre une formation neurochirurgicale. Il a été nommé professeur des universités en 2015, à l’âge de 41 ans. Il écrit des poèmes depuis le collège.

Poèmes choisis

Autres lectures