Pour un horizon jaune flamboyant ! Cathy Jurado et Laurent Thinès, FEU (poèmes jaunes)

Par |2021-04-21T06:55:00+02:00 21 avril 2021|Catégories : Cathy Jurado, Laurent Thinès|

Pour un hori­zon jaune flamboyant !

Tels les Frag­ments d’une Poé­tique du Feu de Gas­ton Bachelard, les « poèmes jaunes » explorent les ver­sants tant con­crets qu’u­topistes du mou­ve­ment des Gilets Jaunes qui se révè­lent héri­tiers d’un human­isme de com­bat aus­si dis­cret sur ses ver­tus que lucide face à l’am­pli­tude de l’avenir auquel fray­er le passage…

En cita­tions, les fig­ures du XXème siè­cle annon­ci­atri­ces de luttes et de rêves mêlés, désir­ant un même matin solaire pour cha­cun, respec­tive­ment Albert Camus et René Char, s’avèrent par­ti­c­ulière­ment éclairantes pour mesur­er toute la portée que représente cette insur­rec­tion pop­u­laire dans le paysage social et poli­tique, des pro­tag­o­nistes à la fois soli­taires et sol­idaires, et dont la for­mule du poète résis­tant sied tant à leurs insti­ga­teurs qu’à ceux qui veu­lent encore pro­longer ce temps inédit : « Notre héritage n’est précédé d’au­cun testament. »…

Le poème lim­i­naire des deux voix con­tem­po­raines en échos aux clameurs des nuées jaunes explore la sym­bol­ique du FEU, brasi­er entre destruc­tion et créa­tion, que l’on a vu déployé sur les ronds-points, FEU des com­mence­ments et des fins, du passé, du présent et du futur pour qu’ad­vi­enne, extrait de l’alchimie du temps, l’or d’un avenir, où nous seri­ons tous égaux et libres, sans que cette égal­ité ne devi­enne injuste, ni cette lib­erté, men­acée, dès lors les deux écri­t­ures sous-jas­centes scan­dent l’anaphore des com­para­isons de ce FEU ini­tial et ini­ti­a­tique où cha­cun, en prise avec l’âpre affron­te­ment con­tre l’or­dre établi, se fait ini­tié à élargir les flammes de ce vaste embrase­ment appelé de nos vœux, non pour un chaos déchaîné, mais pour une aube répara­trice : « FEU – rebelle et Jaune, comme le soleil. »

Cathy Jura­do et Lau­rent Thinès, FEU (poèmes jaunes), Le Mer­le moqueur, 80 pages, 10 euros.

Dès lors, de même que les deux écrivains n’élu­dent pas l’ig­no­minie de l’épreuve : « FEU – comme des tirs de flash-ball, de LBD40, d’OFF1, de GLIF4, de GMD, de DMD, de GM2L ou de lacry­mogènes, et les poumons suf­fo­qués, les yeux éborgnés, les mains amputées, les vis­ages fra­cassés », de même leur regard con­voque la riposte, la beauté, la poésie per­son­nifiée, toute place offerte : « FEU – comme tir de bar­rage face aux oppresseurs, comme réplique du beau face à l’hor­reur, comme salve de mots face à l’indi­ci­ble, comme bor­dée de poésie face à la peur, comme une insurrection »

Cet astre levé, poing ser­ré qui rede­viendrait une main ouverte, l’ensem­ble des poèmes tracés en forme le vœu opiniâtre, véri­ta­ble volon­té d’un « Soleil jaune » à réchauf­fer nos âmes d’en­fants n’ayant pas renon­cé aux rêves d’un monde meilleur : « Au-delà de l’e­space de la ville / un soleil Jaune indocile / joue encore / inspire / et danse / en mar­quant le temps / de part et d’autre / de la tour de France ». Ain­si le jaune fluo quo­ti­di­en devient l’al­pha­bet de toutes les couleurs portées par les « Com­bat­tants de l’arc-en-ciel », ces « sen­si­bles » nég­ligés dans l’indifférence, ces « indi­ci­bles » dont la parole se trou­ve si sou­vent bafouée, ces « invis­i­bles » dont l’ex­is­tence même porte la remise en cause de tout un sys­tème : « Nous sommes tous des Rimbaud-warriors » !

Le lan­gage lui-même alors, valeur d’échange et valeur d’usage de cette parole incan­des­cente à porter au-delà de nous-mêmes, se fait le sésame de cette autre terre pos­si­ble, brais­es d’un univers nou­veau sous la cen­dre de notre monde déjà ancien, fût-il présen­té comme le plus tech­nique et nec-plus-ultra, envol régénéra­teur du Phénix de ce Feu, que nous gar­dons en partage, et qu’in­voque le dernier poème de ce recueil à qua­tre mains, en hom­mage au « Poète-Phénix » que cha­cun porte en soi : « N’en­ter­rez pas le poète / c’est un Phénix / dans ses poumons cir­cule le souf­fle du monde / et son cœur est sans gri­mace / ses mots sont des flèch­es lancées vers tout ce / qui brûle encore » ! Cette renais­sance d’un feu-pri­mor­dial en un oiseau-arché­type emblème de tous, voilà le cœur de l’analyse philosophique, déjà, de Gas­ton Bachelard, dans le chapitre pre­mier de son ouvrage inachevé : « Le Phénix phénomène du lan­gage » : « Le Phénix est un arché­type de tous les temps. C’est un feu vécu, car on ne sait jamais s’il prend son sens dans les images du monde extérieur ou sa force dans le feu du cœur humain. »                                  

Présentation de l’auteur

Cathy Jurado

Cathy Jura­do, orig­i­naire d’Aix-en-Provence vit aujourd’hui à Besançon. 

Elle est agrégée de let­tres et ani­me des ate­liers d’écriture.
Les Forges de Vul­cain ont édité son pre­mier roman, “Nous tous sommes inno­cents”, et elle a pub­lié en revue divers textes de cri­tique d’art, de fic­tion ou de poésie.

Sa poésie prend racine dans un rap­port intime avec la pein­ture et la pho­togra­phie (col­lab­o­ra­tions avec le pein­tre maro­cain Has­san Echair, le plas­ti­cien Max Partezana, travaux sur les gravures de Ger­ard Palézieu ou sur les pho­togra­phies de Marie Baille, Serge Assier). Mais l’écriture est pour elle, par nature, éminem­ment poli­tique. Qu’il s’agisse de réha­biliter les voix des mar­gin­aux et des fous (Nous tous sommes inno­cents, 2015), d’évoquer la ques­tion douloureuse des réfugiés (Ceux qui brû­lent, jan­vi­er 2021 aux édi­tions Musi­mot) ou du mou­ve­ment des Gilets jaunes (Feu, poèmes jaunes, décem­bre 2020 au Mer­le Moqueur), elle inter­roge les pou­voirs de la poésie sur le réel. Sa recherche actuelle porte sur le domaine de l’écopoétique.

 Recueil Ceux qui brû­lent, jan­vi­er 2021 aux édi­tions Musimot

- Recueil Feu, poèmes jaunes, décem­bre 2020 aux édi­tions Le Mer­le moqueur/ Le Temps des Ceris­es. (Recueil co-écrit avec Lau­rent Thinès)

- Recueil Vul­néraires, L’Harmattan, mars 2020.

- Livre d’artiste Nébuleuses infractueuses avec Pas­cale Lhomme-Rolot, plas­ti­ci­enne. (Févri­er 2020)

- Man­grove, livre pau­vre avec des col­lages de Max Partezana (Col­lec­tion Daniel Leuw­ers). Novem­bre 2019.

- Nous tous sommes inno­cents, roman. Jan­vi­er 2015. Edi­tions Les Forges de Vul­cain, Paris.

- Le Syn­drome écran (nou­velle noire), édi­tions Marsam, Maroc (2009)

A paraître :

- Recueil Hour­vari à paraître en 2021 aux édi­tions Lanskine

- Recueil « Ni poésie ni pornogra­phie » à paraître aux édi­tions Lanskine

Par­tic­i­pa­tions à des livres col­lec­tifs / anthologies

- Antholo­gie Ralen­tir des Edi­tions La Chou­ette imprévue. (décem­bre 2020)

On est là ! Serge D’Ignazio, ouvrage pho­tographique sur les mou­ve­ments soci­aux. Ed. Adespote, été 2020.

- Antholo­gie : Gilets Jaunes : jacquerie ou révo­lu­tion ?, Col­lec­tif au Temps des ceris­es, sep­tem­bre 2019.

- Con­tri­bu­tions au cat­a­logue de l’exposition Qua­tre rives, un regard, sur les pho­togra­phies de Serge Assier, en col­lab­o­ra­tion avec Vicky Gold­berg (New York Times), Michel Butor et Fer­nan­do Arra­bal. (Pré­faces) Expo­si­tion label­lisée Mar­seille cap­i­tale européenne de la cul­ture exposée à Mar­seille ( Mai 2013) et en Arles, Fes­ti­val inter­na­tion­al de la pho­togra­phie, été 2013.

Par­tic­i­pa­tions à des revues : textes de création

- poèmes dans la revue Tra­ver­sées, avec des dessins d’Hassan Echaïr jan­vi­er 2020, Ouste n°28, mars 2020, Le Cap­i­tal des mots, avril 2020, A l’Index mai 2020, Europe juin 2020, Eury­de­ma Orna­ta N°8 Juil­let 2020, Lichen juil­let, sep­tem­bre, octo­bre et novem­bre 2020, Ver­so, Arpa et Sœurs automne 2020… Poèmes et entre­tien dans « Terre à ciel », jan­vi­er 2021.

- Météor n°2, décem­bre 2019, Ecrits du Nord, novem­bre 2019, Nou­veaux dél­its, octo­bre 2019, Trac­­tion-Bra­bant sep­tem­bre 2019, Comme en poésie, sep­tem­bre 2019, numéro spé­cial de la revue Cabaret sur la Nuit, juil­let 2019, Fil­igranes Juil­let 2019. Revues Décharge et Con­férence (2011). Mag­a­zine Lit­téraire du Maroc (2011).

Par­tic­i­pa­tions à des revues : textes de critique

 - Arti­cles de cri­tique lit­téraire dans Dia­crititk, 2020.
— Pub­li­ca­tion de textes de cri­tique lit­téraire dans le Mag­a­zine Lit­téraire du Maroc de 2009 à 2011
— « Les Chemins du Regard », sur les gravures de Gérard de Palézieux, in Revue Insti­tut d’Arts Visuels, Orléans (2000)
— « L’Architecture d’une âme », sur les pho­togra­phies de Marie Baille, in Revue Con­férence n°9 (1999)

PRIX Lit­téraires :

- Prix du 1er roman du Baz’Art des mots (Hau­terives) pour Nous tous sommes inno­cents. 2015.
— Prix de la nou­velle noire de l’Institut français de Mar­rakech pour « le syn­drome écran » (Ed. Marsam), 2009.
— Prix de poésie de la Fon­da­tion de France, 1998.

Expositions/ Per­for­mances :

 - Lec­ture en scène du poème « Ceux qui brû­lent, Odyssée », sur les réfugiés, à la Vil­la Méditer­ranée à Mar­seille, à la médiathèque de La Cio­tat et à Ginasservis, au prof­it de l’as­so­ci­a­tion SOS Méditer­ranée. 2017–2018.

- « Le rêve dans tous ses états », expo­si­tion col­lec­tive, à L’Aparté, (Hôp hop hop) Besançon. 2019. Expo­si­tion d’un texte accom­pa­g­né de pho­togra­phies et d’une lec­ture audio.

- Instal­la­tion « Rêve de Reina » : par­tic­i­pa­tion sur sélec­tion à l’événement « Labo démo » organ­isé par Le Cen­tre Walonie-Brux­elles de Paris en lien avec le Cen­tre inter­na­tion­al de poésie de Mar­seille et Mon­te­v­idéo (Octo­bre 2020).

Autres lec­tures

Présentation de l’auteur

Laurent Thinès

Lau­rent Thines est un neu­rochirurgien français, né à Arras, et ayant vécu en Provence, à l’île de la Réu­nion, dans le Nord-pas-de-Calais et enfin dans le Doubs. Après avoir effec­tué ses études de Médecine à Mar­seille, il a rejoint Lille pour pour­suiv­re une for­ma­tion neu­rochirur­gi­cale. Il a été nom­mé pro­fesseur des uni­ver­sités en 2015, à l’âge de 41 ans. Il écrit des poèmes depuis le collège.

Poèmes choi­sis

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Rémy Soual

Rémy Soual, enseignant de let­tres clas­siques et écrivain, ayant con­tribué dans des revues lit­téraires comme Souf­fles, Le Cap­i­tal des Mots, Kahel, Mange Monde, La Main Mil­lé­naire, ayant col­laboré avec des artistes plas­ti­ciens et rédigé des chroniques d’art pour Olé Mag­a­zine, à suiv­re sur son blog d’écri­t­ure : La rive des mots, www.larivedesmots.com Paru­tions : L’esquisse du geste suivi de Linéa­ments, 2013. La nuit sou­veraine, 2014. Par­cours, ouvrage col­lec­tif à la croisée d’artistes plas­ti­ciens, co-édité par l’as­so­ci­a­tion « Les oiseaux de pas­sage », 2017.
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