Barry Wallenstein, Tony’s Blues, traduction par Marilyne Bertoncini
Zéno Bianu et Yves Buin, Santana De toutes les étoiles
Zéno Bianu, Petit éloge du bleu
« Une sorte de bleu », « A Kind of Blue », comme une pochette d’album jazz de Miles Davis toujours en quête de ce son cristallin qui s’avère la couleur secrète de sa musique : autre prince de la nuit, mais une nuit crasseuse à la musique revêche, Tony’s Blues, ce recueil de poèmes de Barry Wallenstein écrit en anglais, choisi et traduit en français par Marilyne Bertoncini, avec un sens expert de la formule et de l’image, flirtant avec l’argot pour dire le soir poisseux de la ville que sillonne l’ombre de Tony, vagabond des temps modernes qui n’aurait pas pourtant la dégaine insolente d’un Arthur Rimbaud mais plutôt celle d’un « clochard céleste » surgi d’un roman de Jack Kerouac, adepte de ces vieux blues, chants de la misère quotidienne et de l’humanité profonde !
Avec une forme d’humour qui tient ainsi de la politesse du désespoir face à la détresse présente de cette Amérique urbaine, décor trop vaste embrassant toutes les classes sociales, des plus riches aux plus démunies, dans un même cri rageur, taillé au couteau de la pauvre lame de ce personnage fictif, tout à la fois symbole et symptôme de ce que façonnent ou rejettent nos sociétés étriquées…
Une autre nuance de bleu parcourt l’ouvrage co-écrit par Zéno Bianu, poète auteur d’une tétralogie musicale, et Yves Buin, écrivain critique de jazz créateur d’un livre entre la biographie et l’essai consacré à Thélonious Monk.
Barry Wallenstein, Tony’s Blues, traduction par Marilyne Bertoncini, PVST ?, 92 pages, 10 euros.
Ce bleu spirirituel est celui déchirant de la guitare flamboyante de Carlos Santana, dont le concert incandescent qu’il donna, à la House of Blues de Las Vegas, en mars 2016, est la principale source d’inspiration de ces deux explorateurs en échos littéraires au voyage musical que propose, depuis son irruption fulgurante au festival de Woodstock en 1969, le guitar hero à la rencontre du monde amérindien, de la communauté afro-américaine et de la culture latino, dans une fusion rock, un métissage des traditions qui s’ouvre sur l’envolée sublime d’un solo étincelant à la guitare électrique…
Evil Ways, Carlos Santana, Live At The House Of Blues, Las Vegas, 2016.
Dans les vers libres où circule un tel feu spirituel, cette lumière qui semble s’élever du cœur brûlant de la musique de Carlos Santana, dont le long poème-récit d’un concert unique restitue, sur le fil des émotions, l’intensité d’un dialogue démultiplié dans les vibrations d’un chant « bleu nuit » partagé par-delà toutes les frontières érigées : « Santana de toutes les étoiles / à l’ombre portée du grand Tout / et des musiques du monde / au centre des lumières / sur le versant des paradis / et des retours / comme le bleu nuit des apparences. » Mystère encore d’une nuit originelle dont le « bleu » est la teinte primordiale du musicien en guide initiatique au grand voyage que relatent déjà les épopées antiques : « dans la vie des Ulysses sonores / je cherche / une seule note bleutée »…
Zéno Bianu et Yves Buin, Santana De toutes les étoiles, Le Castor Astral, 88 pages, 12 euros.
Et comme autant de variations en immersion, en abécédaire, dans tous ses éclats répertoriés, le Petit éloge du bleu également de Zéno Bianu, se veut moins un droit d’inventaire de toutes les formes bleutées que, selon le principe des mille entrées par le pouvoir de la couleur, une plongée comme en apnée, dans un bleu immense réunissant mer et ciel, dans laquelle tous les arts sont à la fête, mais plus particulièrement la musique encore une fois, toute en improvisations, en invitations à l’écoute de la note bleue chère aux grandes figures du jazz : du Born to be Blue de Chet Baker au Blue trainde John Coltrane, en passant par Am I blue ? de Billie Holliday…
La seule évocation des titres des chapitres de cet essai magistral donne tout un kaléidoscope à la lumière des profondeurs d’une telle intensité : Bleu Apnée, Bleu Blues, Bleu Chet, Bleu Daumal, Bleu Éveil, Bleu Flamme, Bleu Georges Bataille, Bleu Haïku, Bleu Iris, Bleu Jimi Hendrix, Bleu Klein, Bleu Lady Day, Bleu Miró, Bleu Noctambule, Bleu Orange, Bleu Phosphène, Bleu Quattrocentro, Bleu Rimbaud, Bleu Suprême, Bleu Tibet, Bleu Univers, Bleu Van Gogh, Bleu Wang Wei, Bleu XI, Bleu Ylem, Bleu Zen…
Zéno Bianu, Petit éloge du bleu, folio, 112 pages, 2 euros.
Véritable signature au plus profond en écho à Santana De toutes les étoiles, le bleu fauve, le blues du delta, s’ouvrant sur la Voie lactée, de l’autre guitar hero apparu au festival de Woodstock, le virtuose Jimi Hendrix à propos duquel Zéno Bianu a cette phrase définitive : « Bleu imprégné de beauté violente, peut-être la couleur même de la poésie, dont il a restitué la pure scintillation. » !
Chet Baker, Born to Be Blue, by Universal Music Group.
Présentation de l’auteur
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