Lara Dopff, Ainsi parlait Larathoustra, Viatire, Yves Ouallet, Ainsi vivait Yvan Bouche d’or

Par |2024-09-06T06:07:44+02:00 6 septembre 2024|Catégories : Critiques, Lara Dopff, Yves Ouallet|

À la recherche des écri­t­ures aux pen­sées libres s’interrogeant sur l’art, l’être humain, la vie, les édi­tions Phloème ne for­ment pas une sim­ple mai­son mais une car­a­vane d’édition, itinérante, glanant des fleurs pré­cieuses pour en faire leur miel au fil des itinéraires tracés, préférant butin­er la sauvagerie des pen­sées à la domes­ti­ca­tion des idées, tra­ver­sant ain­si le désert bien pen­sant de la cul­ture de masse pour mieux cueil­lir, dans ses marges, quelques essences rares, dans une véri­ta­ble « quête de livres de vie, qui por­tent la sève depuis les racines les plus pro­fondes pour la délivr­er aux bour­geons ten­dus vers la lumière »… 

Ce dou­ble mou­ve­ment de col­lecte puis de déploiement, leur éditrice, poète et met­teur en scène, Lara Dopff le porte à son incan­des­cence en croisant sa pro­pre écri­t­ure avec le chercheur, enseignant et essay­iste, Yves Oual­let, par le tis­sage à deux voix, à tra­vers la col­lec­tion Fugue de vie, d’un dia­logue dont ils sem­blent jusque dans la forme du livre naquis comme les deux tes­sons d’un même sym­bole, l’avers et le revers d’une même mon­naie ren­due à notre civil­i­sa­tion mor­tifère, pour mieux célébr­er la pos­si­bil­ité d’autant de lignes de fuite, de fugues et de voy­ages en des ter­res de vies heureuses partagées telles les fables, les con­tes ou les légen­des dont tous deux s’avèrent à la fois les prophètes amusés et les porte-paroles sans faconde, préférant la poten­tial­ité d’une exis­tence libre, libérée et libéra­trice aux mythes eux-mêmes dont ils réin­ven­tent la tradition…

Ain­si par­lait Larathous­tra se lit donc en miroir à Ain­si vivait Yvan Bouche d’or, « Janus bifrons », dou­ble vis­age d’une même poésie de voy­age puisant, au féminin comme au mas­culin, aux sources livresques de mytholo­gies sacrées pour dessin­er un espace com­mun entre ces deux voix toutes tournées vers la célébra­tion pour­tant de la vie à l’état « sauvage », dans la prise de risque de l’engagement comme dans l’érotisme de la ren­con­tre amoureuse, dont ils se révè­lent les chantres, que l’on invoque le masque d’une nou­velle prophétesse niet­zschéenne (Lara/Zarathoustra) ou l’armure d’un nou­veau cheva­lier de la Table Ronde (Yves/Yvan/et pourquoi pas Yvain, le Cheva­lier au Lion ?)… 

Lara Dopff, Ain­si par­lait Larathous­tra, édi­tions Phloème, 76 pages, 13 euros.




Yves Oual­let, Ain­si vivait Yvan Bouche d’or, édi­tions Phloème, 76 pages, 13 euros.

 




Les fig­ures se mêlent, se mélan­gent, s’embrassent, s’embrasent, l’écriture de l’un(e) devient la lec­ture de l’autre, la lec­ture de l’autre devient l’écriture de l’un(e), et ain­si de suite, comme des bouts mis bout à bout de ce Phloème qui unit leur aven­ture selon la for­mule car­ac­téris­tique : « Le phloème est l’écorce qui porte la sève, comme le liber est l’écorce qui donne le livre, libre » et dont le mot « poème » au cœur de celui de « phloème » demeure le sésame, comme une porte ouverte sur les méta­mor­phoses de la vie, des vies suc­ces­sives, telles les divers­es étapes d’une expéri­ence chamanique : « Sous chaque phloème je dev­inais des poèmes. »

De ces mêmes pos­tu­lats émer­gent les sin­gu­lar­ités des écrits-duels, duo vir­tu­ose où la sen­si­bil­ité à fleur de peau qui innerve les Car­nets de L’arbre de nerfs s’avérant le réc­it d’un corps féminin dans son rap­port à soi, à l’autre, au monde, croise la sen­si­tiv­ité à fleur d’âme d’un autre corps mas­culin qui relie les essais sur l’entrelacement de L’écriture et la vie dans les rela­tions de La Pen­sée errante, une forme mod­erne de « spir­i­tu­al­ité » dont l’errance demeure une clé de leur pra­tique partagée. 




Un des derniers opus de ce grand voy­age par la poète Lara Dopff reprend à son compte cette dimen­sion de l’« erreur » à l’« errer » pour mieux réin­ven­ter ce rap­port masculin/féminin à tra­vers une réécri­t­ure du mythe fon­da­teur de la poésie amoureuse même, celui d’Orphée et Eury­dice : « la mul­ti­tude des scribes l’avait épuisé. / il s’était lais­sé aller à l’errer / à l’errance, errer en errance. / il avait suivi sa piste, par bribes. / trois pas, si proches de son épi­derme. / il la savait, vivante. / il avait enten­du, ses notes. / trois pas, chaque nuit. / trois à chaque nuit. » De la « peau » pistée, retrou­vée au-delà des fron­tières de la vie et de la mort, à la « peau » aimée aux aguets des cinq sens, c’est en défini­tive tout ce « pri­mat » esthétique/éthique qui fait de la créa­tiv­ité des édi­tions Phloème une poésie résol­u­ment « première » !

Présentation de l’auteur

Lara Dopff est née en 1989, elle est diplômée en Arts Dra­ma­tiques et en Créa­tion Lit­téraire. Elle est poète, met­teur en scène et éditrice. Elle a par­ticipé à de nom­breux fes­ti­vals et salons en France et à tra­vers le monde, et inter­vient dans des Uni­ver­sités (Saint Louis Uni­ver­si­ty États-Unis, Uni­ver­sité Bre­tagne Sud, Uni­ver­sité de Nor­mandie, Uni­ver­sité de Sfax Tunisie). Elle ani­me des Class­es de Maître et ate­liers d’écriture de Créa­tion lit­téraire depuis 10 ans. Elle a pub­lié une quin­zaine de recueils poé­tiques, invo­quant le corps, la nature, la marche, la musique, l’extinction et l’errance à tra­vers le monde (Grèce, Inde, Iran, Turquie, Sibérie, Amérique). Lara Dopff par­ticipe à des recueils col­lec­tifs et à des revues (Voix d’en­cre, Bac­cha­nales Mai­son de la Poésie Rhône-Alpes, La Volée Rosa Can­i­na Edi­tion). Ses poèmes ont été traduits et pub­liés en espag­nol (El gal­lo y la ser­pi­ente, Poe­sia france­sa actu­al, trad. A. Hidal­go, Cìr­cu­lo de Poesìa) et en anglais (trad. D. Morris).

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Lara Dopff est née en 1989, elle est diplômée en Arts Dra­ma­tiques et en Créa­tion Lit­téraire. Elle est poète, met­teur en scène et éditrice. Elle a par­ticipé à de nom­breux fes­ti­vals et salons en France et à tra­vers le monde, et inter­vient dans des Uni­ver­sités (Saint Louis Uni­ver­si­ty États-Unis, Uni­ver­sité Bre­tagne Sud, Uni­ver­sité de Nor­mandie, Uni­ver­sité de Sfax Tunisie). Elle ani­me des Class­es de Maître et ate­liers d’écriture de Créa­tion lit­téraire depuis 10 ans. Elle a pub­lié une quin­zaine de recueils poé­tiques, invo­quant le corps, la nature, la marche, la musique, l’extinction et l’errance à tra­vers le monde (Grèce, Inde, Iran, Turquie, Sibérie, Amérique). Lara Dopff par­ticipe à des recueils col­lec­tifs et à des revues (Voix d’en­cre, Bac­cha­nales Mai­son de la Poésie Rhône-Alpes, La Volée Rosa Can­i­na Edi­tion). Ses poèmes ont été traduits et pub­liés en espag­nol (El gal­lo y la ser­pi­ente, Poe­sia france­sa actu­al, trad. A. Hidal­go, Cìr­cu­lo de Poesìa) et en anglais (trad. D. Morris).

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Rémy Soual

Rémy Soual, enseignant de let­tres clas­siques et écrivain, ayant con­tribué dans des revues lit­téraires comme Souf­fles, Le Cap­i­tal des Mots, Kahel, Mange Monde, La Main Mil­lé­naire, ayant col­laboré avec des artistes plas­ti­ciens et rédigé des chroniques d’art pour Olé Mag­a­zine, à suiv­re sur son blog d’écri­t­ure : La rive des mots, www.larivedesmots.com Paru­tions : L’esquisse du geste suivi de Linéa­ments, 2013. La nuit sou­veraine, 2014. Par­cours, ouvrage col­lec­tif à la croisée d’artistes plas­ti­ciens, co-édité par l’as­so­ci­a­tion « Les oiseaux de pas­sage », 2017.

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